Ernest Gengenbach naît le 6 novembre 1903 à Gruey-les-Surance (Vosges). Fils aîné d’une fratrie de 5 enfants, il est destiné à la prêtrise. En 1916, il entre au séminaire de Luxeuil puis au grand séminaire de Saint-Dié-des-Vosges. Avant la fin de ses études, il est emmené à Paris en 1919 par un dominicain pour poursuivre des études de théologie.
C’est durant son séjour parisien qu’a lieu le moment crucial de sa vie : en 1925, il assiste en vêtement civil à une pièce de théâtre, Romance, dans laquelle joue Régine Flory. Il s’éprend de la comédienne qui l’emmène pour une nuit de débauche au bal Romano de la rue de Caumartin, dans le 9e arrondissement. Dénoncé par un camarade, il est renvoyé dans les Vosges et l’évêque de Saint-Dié lui fait quitter la soutane. Sa mère, honteuse, refuse de l’accueillir.
Réfugié à Gérardmer chez une cousine institutrice, c’est alors qu’il prend connaissance de la revue La Révolution surréaliste. Il écrit à l’un de ses fondateurs, André Breton, qui l’admet dans son groupe surréaliste. Le prêtre défroqué collabore à La Révolution surréaliste sous le nom de Jean Gengach, puis d’Ernest de Gengenbach ou sous le pseudonyme de Jehan Sylvius.
Sa vie est désormais partagée entre l’existence légère et mondaine des milieux littéraires et les retraites dans des monastères. Il se montre en compagnie féminine et en soutane sur laquelle est accrochée un œillet rouge pour favoriser, selon lui, ses conquêtes amoureuses. Il se présente comme un « possédé démoniaque conscient » voué à Satan.
Admiratif du catharisme, il se lie aussi avec le mouvement occultiste et les écrivains Camille Creusot et Raymond Abellio. Il est finalement condamné par l’Église pour avoir soutenu le « miracle de la Vierge » à Espis (en 1949, le village d’Espis aurait été le théâtre de plusieurs apparitions de la Vierge Marie) dans son œuvre Espis un nouveau Lourdes (1949). L’édition de cet ouvrage entraîne la ruine financière de sa fiancée Elyane Bloch, qu’il épouse en 1953.
Amputé d’une jambe, malade et dépressif, Ernest Gengenbach meurt à Nogent-le-Roi en 1979 – une année après le décès de son épouse Elyane Bloch et dans un relatif anonymat, laissant derrière lui des écrits mêlant surréalisme, mysticisme, occultisme et érotisme.
–Satan à Paris, publié sous le pseudonyme Jean Genbach (1927)
–L’Abbé de l’Abbaye, publié sous le pseudonyme Jean Genbach (1927)
–Les Messes noires, publié sous le pseudonyme Jehan Sylvius (1929)
–La papesse du diable, publié sous le pseudonyme Jehan Sylvius (1931)
–Surréalisme et Christianisme (1938)
–Espis nouveau Lourdes (1949)
–L’expérience démoniaque, Racontée par frère Colomban de Jumièges (1949) : se procurer cet ouvrage
–Adieu à Satan (1952)
Suite à son décès, la famille d’Ernest Gengenbach a donné à la médiathèque de Saint-Dié la bibliothèque personnelle de l’écrivain de laquelle ont été retirés des ouvrages de littérature générale non dédicacés et destinés au neveu du prêtre défroqué. Par ailleurs, le conservateur de la bibliothèque, Albert Ronsin, a enrichi le fonds en achetant des livres lors de sa visite à Ernest Gengenbach à l’hôpital de Nogent-le-Roi et à la maison de l’écrivain à Châteauneuf-en-Thimerais (Eure-et-Loir). Il a également pu sauver certains manuscrits de la destruction. En effet, la famille de l’écrivain considérait ses travaux comme honteux et dégradants qu’il fallait détruire. Ces derniers se composent de collages de personnages, essentiellement féminins, représentés dans des scènes érotiques souvent très crues, réalisées en compagnie de créatures sataniques.
Le fonds Gengenbach, conservé aujourd’hui à la médiathèque de la Boussole de Saint-Dié, se compose d’un ensemble de près de 1000 documents. Parmi ceux-ci se trouvent des ouvrages surréalistes, mystiques et occultes de la bibliothèque personnelle d’Ernest Gengenbach. On y trouve des œuvres écrites de la main de l’auteur lui-même comme Les Messes noires (1929) ou Adieu à Satan (1952) mais aussi des ouvrages d’autres écrivains comme La Fin de l’ésotérisme (1973) de Raymond Abellio ou L’Érotisme (1965) de Georges Bataille. Y figurent également les œuvres achetées par Albert Ronsin comme Le Revolver à cheveux blancs (1932) d’André Breton ou Le Grand ordinaire (1970) d’André Thirion. Enfin, le fonds comprend plus de 2000 feuillets de manuscrits écrits de la main d’Ernest Gengenbach comme La Sirène aux coquillages (1956). On y trouve notamment une représentation d’une scène conjugale entre l’écrivain et son épouse Elyane.