Figure tutélaire des bibliothèques de Châlons, Henri Vendel naît en 1892 dans une famille de commerçants à Almenèches (Orne). Reçu à l’Ecole des chartes en 1913, il commence une thèse sur l’abbaye de son village natal quand la guerre éclate. De l’enfer des tranchées, il sort décoré, valétudinaire et auteur d’un premier ouvrage, Sous le pressoir, publié en 1921 et préfacé par Romain Rolland.
En 1921 toujours, il soutient sa thèse, se marie avec une jeune Russe, Véra Oglobina, et obtient le poste de conservateur de la bibliothèque, des archives et des musées de Châlons-sur-Marne. Il exerce cette fonction pendant 25 ans, multipliant les actions de promotion de la lecture : réaménagement des locaux, accroissement des collections, publicité, conférences, causeries, cercle de lecteurs, bulletin d’information culturelle… Il crée la bibliothèque enfantine de Châlons, de statut associatif, en 1936, et la bibliothèque circulante de la Marne, ancêtre des bibliobus et des bibliothèques départementales, en 1938. De 1938 à 1940, il préside l’Association des Bibliothécaires de France où il défend son idée de la lecture publique. Il soutient l’historienne Germaine Maillet dans la création en 1930 du Comité du folklore champenois et la publication du bulletin de l’association,
Dans sa vie personnelle aussi, Henri Vendel s’engage : pour le naturisme, auquel il consacre une étude en trois volumes en 1929 ; pour la paix, et contre les nationalismes des années 1930 qu’il dénonce dans deux essais, La nation contre la patrie et Frontières. En 1942, il ose afficher son patriotisme dans le recueil de poésies La Couronne d’épines. Lié au mouvement de résistance Libération-Nord, il est arrêté par la Gestapo en mars 1944, emprisonné, relâché presque miraculeusement au bout de trois mois, et presque aussitôt recherché de nouveau.
Nommé inspecteur général des bibliothèques à la Libération, il poursuit son action en faveur de la lecture publique, multipliant les voyages et les missions dans les bibliothèques de la France entière. Il meurt prématurément en 1949 d’une pneumonie : ses poumons, exposés aux gaz pendant la Grande Guerre, ne peuvent lutter.
–Sous le pressoir (1921) : se procurer cet ouvrage / accéder à ce document dans Gallica
–La couronne d’épines (1942) : accéder à ce document dans Gallica
–Chants du couvre-feu : poèmes de la captivité (1945) : accéder à ce document dans Gallica
–Lorsque l’enfant portait le monde (1945) : accéder à ce document dans Gallica
Les manuscrits d’Henri Vendel conservés à la médiathèque Georges Pompidou ont été pour la plupart donnés par sa fille, Jeanne Simons-Vendel, dans les années 1970. Ils couvrent les divers domaines d’écriture de Vendel. Il a rédigé de nombreux articles professionnels, notamment sur la lecture publique et l’expérience de bibliothèque circulante de la Marne, ainsi que des monographies d’artistes champenois qu’il exposait : Antral, Renefer. Membre de la SACSAM (Société d’Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de la Marne), il est l’auteur de nombreuses contributions relevant soit de l’érudition pure, tel son historique de la bibliothèque municipale de Châlons, soit de l’éloge de la Champagne. Il a également publié une somme, presque une thèse, sur le naturisme, plaisamment intitulée Faut-il vivre nus ?. Qu’ont dû penser les bourgeois de Châlons ?
Avant 1940, les écrits non professionnels de Vendel sont signés du pseudonyme Nadel, réunissant les syllabes finales de son nom et du nom de son épouse, Véra Oglobina. Celle-ci intervient dans son premier ouvrage, Sous le pressoir, pour le sauver « du néant, du désespoir et du mépris de vivre », selon les mots de Romain Rolland. Celui-ci porte sur le texte de Vendel un jugement élogieux : « Voici un livre vrai. Parmi tant de mémoires de la guerre, ceux-ci ont l’intérêt d’être écrits simplement, uniment, sans littérature… ».
Vendel n’échappe pas à la littérature dans ses autres œuvres. Plus qu’un grand auteur, c’est un auteur attachant. Volontiers lyrique, il aime à faire l’éloge de sa Champagne d’adoption et à conter sa Normandie natale. La médiathèque conserve le manuscrit de Lorsque l’enfant tenait le monde, où il évoque son enfance dans un style à la fois élaboré et naïf. On reconnaît le folkloriste à son empressement à transcrire chansons, proverbes et coutumes, ou telle formule de malédiction employée contre qui ne veut pas donner aux enfants… pour Pâques, et non pour Halloween.
La correspondance de Vendel mérite une mention particulière : dans cette masse de plus de 2000 pages se mêlent les auteurs célèbres – Romain Rolland, Paul Fort, Pol Neveux…, les bibliothécaires réputés, les artistes et écrivains champenois et une cohorte d’anonymes, amis, lecteurs. Au fil de ces lettres, on voit le génie qu’avait Vendel pour nouer des amitiés, créer des liens.
Dans cet ensemble, on remarque les lettres portant sur La Couronne d’Epines : souscriptions, éloges, remerciements pour une dédicace. Ce recueil de poésies publié pendant l’Occupation, malgré la censure, reçoit un succès d’estime considérable. Henri Vendel a manifestement fait œuvre de résistance spirituelle par cet ouvrage et par sa diffusion dans les milieux littéraires français.
Une grande partie des manuscrits de Henri Vendel ont été numérisés en 2019 et sont disponibles en ligne sur le site de la médiathèque de Châlons.
-Il existe un fonds Vendel à la bibliothèque de Grasse. Il contient des monographies de poésie, éditées entre 1950 et 1996. Editions à compte d’éditeur et à compte d’auteur, plaquettes (manuscrites ou tapuscrites) issues du concours de poésie Henri Vendel, quelques dons.
https://bmvr.chalonsenchampagne.fr/permalink/P-23829556-d4cc-4266-8ae6-ca2ac384a188
-Médiathèque Georges Pompidou (citations d’Henri Vendel sur le portail vitré)
-Passage Henri Vendel à Châlons-en-Champagne