« Quand je commençais à publier, ce fut parmi les étudiants que je trouvai mes premiers lecteurs. (…) On mobilisait contre nous les plus vieilles gloires », ainsi Gustave Kahn faisait-il l’aveu, lors d’une conférence donnée en 1912, d’avoir soulevé contre lui « les vieilles gloires », en défendant le vers libre.
Trop longtemps méconnu, Gustave Kahn est un poète symboliste, un romancier, un dramaturge et un essayiste. Il est aussi un critique d’art et un intellectuel engagé.
Né à Metz en 1859, il quitte avec ses parents la Moselle annexée en 1870 par le Reich allemand. C’est pour lui un exil, un déchirement. La nostalgie imprègne ses premiers poèmes : « Le souvenir vibre empenné de douleur (…). Le cordeau des rues, l’apaisement des places et des squares évoquent. Les souffrances de la mémoire s’exacerbent. Vers le passé, vers le lointain, vaguement murmure le désir présent… », jusqu’aux Images mosellanes, plus tardives.
En 1878, Gustave Kahn est inscrit à l’École des chartes. Deux ans plus tard, il s’engage dans l’armée coloniale et part quatre ans en Afrique du Nord. De retour en France, il se consacre à son œuvre littéraire, qu’il inscrit dans le mouvement symboliste, autour de Mallarmé.
Fondateur des revues d’avant-garde La Vogue et Le Symboliste, Kahn collabore également à La Revue blanche, au Mercure de France et à de nombreux autres organes de presse. En publiant de la poésie (Palais nomades en 1887, Domaine de fée en 1895, Le Livre d’images en 1897), il défend le vers libre qu’il théorise et dans le principe de liberté duquel « chacun doit trouver en lui-même sa force rythmique ». Selon lui, Jules Laforgue, André Spire, Charles Cros ou encore Émile Verhaeren participent tous de ce courant de « liberté esthétique ».
En plus de la poésie, Kahn écrit des romans, des contes, des pièces de théâtre, en mêlant le tragique à l’ironie, ainsi que l’illustre son Roi fou, un « Ubu roi » régnant sur un État d’opérette transposé en Allemagne. En outre, il publie des essais, notamment sur le symbolisme, et il s’intéresse à des courants artistiques d’avant-garde.
Deux auteurs messins, également valorisés dans le cadre de Littératuresque, ont exercé de l’influence sur Gustave Kahn – sur l’homme et sur son œuvre. Il en va ainsi de Verlaine qu’il admire et dont il transmet la mémoire en fondant la « Société des amis » du poète. Le patrimoine littéraire s’écrit aussi dans la pierre : un buste du poète est ainsi inauguré à Metz sur le chemin de l’Esplanade. Par ailleurs, Kahn n’a pas échappé à la fascination qu’exerçait à l’époque Maurice Barrès, sur nombre de jeunes gens, davantage sans doute pour le Culte de moi que pour la suite d’une œuvre évoluant vers le nationalisme et l’antisémitisme.
Kahn, auteur engagé, s’éloigne de « l’art pour l’art », théorisé par Théophile Gautier dans Émaux et Camées, en soutenant le rôle de l’art au nom du progrès, avec « l’idée de la responsabilité du poète au sein de la société ». Il participe aux débats de son temps : anarchisme, socialisme, féminisme. Pendant « l’Affaire », il soutient Dreyfus. Dans les années 1920, il s’engage en faveur du sionisme, puis, jusqu’à sa mort en 1936, il s’intéresse de plus en plus à la culture juive. Il publie les Contes juifs en 1926, Images Bibliques en 1928 et Terre d’Israël en 1933.
Gustave Kahn est enterré à Paris, au cimetière du Montparnasse.
–Les palais nomades (1887) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
–Chansons d’amant (1891) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
–Domaine de fée (1895) : accéder à cet ouvrage dans Gallica
–Le roi fou (1896) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
–Le livre d’images (1897) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
–Les petites âmes pressées (1898) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
–L’esthétique de la rue (1901) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
–Symbolistes et décadents (1902) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
–L’adultère sentimental (1902) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
–Femme dans la caricature française : orné de 448 illustrations dans le texte et 72 gravures hors texte en noir et en couleurs : d’après les plus rares et les plus amusantes caricatures de toutes les époques (1907) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
–Contes hollandais (1908) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
–Contes juifs (1926) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
–Images bibliques (1928)
–Terre d’Israël (1933)
Le fonds, constitué d’un leg de l’auteur et de plusieurs dons et achats, comprend près de cinquante manuscrits autographes complets aux dimensions diverses, une centaine de manuscrits épars (lettres signées, poèmes, textes de discours et de conférences, etc.), quatre télégrammes, deux photos de Gustave Kahn, ainsi que 17 carnets autographes de notes et de poèmes.
Parmi les documents remarquables actuellement numérisés sur Limédia Galeries, se trouve une lettre de Gustave Kahn à l’attention de Léon Vanier, éditeur réputé pour avoir publié les poètes symbolistes. L’écrivain messin évoque une pièce de Verlaine intitulée « À un mort » et commençant par « L’affreux jury dévorateur ».
-Documents numérisés dans Limédia Galeries (lien)
-Le buste de Gustave Kahn devant la synagogue de Metz