André Velter est né à Signy-l’Abbaye dans les Ardennes le 1er février 1945, par temps de verglas et de neige. Les routes étant coupées, c’est la coiffeuse du village qui, auprès de sa mère, fait office de sage-femme. Son père est instituteur, son grand-père paternel chaudronnier sur cuivre, son grand-père maternel cheminot. Enfance et adolescence de semi-nomade, avec quartiers d’automne et d’hiver au village, quartiers de printemps et d’été en lisière d’une immense forêt, à La Vénerie, un ancien pavillon de chasse à courre transformé en école de plein air et en colonie de vacances.
Études primaires à la Communale (avec Monsieur Grégoire, grand blessé de guerre, qui lui apprend à lire et à écrire, et qui devient pour lui un exemple absolu). Études secondaires au Collège de Signy (avec Monsieur Minot comme professeur de français), puis au Lycée Chanzy de Charleville. Hypokhâgne au Lycée Jean Jaurès de Reims (avec Nicole Ponomareff comme professeur de philosophie).
En 1963, à peine arrivé à Paris, il rencontre Serge Sautreau à la Sorbonne. C’est le début d’une indéfectible amitié et d’une écriture commune saluée d’emblée par Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, avec publications dans Les Temps modernes, avant l’édition chez Gallimard en 1966, de Aisha, dont Alain Jouffroy affirme dans sa préface qu’il s’agit de « l’un des rares événements de la poésie écrite en langue française depuis 1945. »
Pendant une dizaine d’années, il publie, seul ou avec Serge Sautreau, chez Fata Morgana, Seghers, Christian Bourgois, avant que de longs séjours en Afghanistan et dans l’Himalaya n’influent de façon décisive sur sa vie et son écriture. La découverte de l’univers tibétain en compagnie de Marie-José Lamothe, qui a entrepris la traduction des Œuvres complètes de l’ermite-poète Milarépa, inspire son recueil Le Haut-Pays, une série d’émissions sur France Culture : Tibet 87, renaissance ou illusion, deux albums : Peuples du Toit du Monde et Ladakh-Himalaya, et un récit : Le babil des dieux, oracles et chamans du Ladakh.
Tout en produisant sur France Culture les séquences de Poésie sur Parole (de 1987 à 2008, en partie avec Jean-Baptiste Para) et les soirées-spectacles réalisées avec Claude Guerre (Les Poétiques, Orphée-Studio, Les meetings poétiques, etc), il ne renonce pas à ses voyages au long cours en Inde, au Tibet et dans tout l’Orient, ce dont témoignent l’ensemble de ses livres de poésie, les chroniques qu’ils donnent dans Le Monde, autant que la revue Caravanes qu’il dirige avec Jean-Pierre Sicre aux éditions Phébus.
Concevant la poésie comme l’accès privilégié à la « vraie vie » entrevue par Rimbaud, il multiplie les complicités et les confrontations avec les autres arts. Plus de cent cinquante livres illustrés par des photographes : Jean Marquis, Gérard Rondeau, Marc Riboud, Marie-Laure de Decker, Marie-José Lamothe, Sabrina et Roland Michaud, Alain Buu, Olivier Dassault, Olivier Deck ; par des peintres : Paul Rebeyrolle, Abidine, Ramon Alejandro, Babou, Alain Bar, Lise-Marie Brochen, Dado, Bertrand Dorny, Alexandre Galperine, Marc Gérenton, Francis Herth, Himat, Ji Dahai, Marie-Dominique Kessler, Valentina La Rocca, Bernard Moninot, Jacques Monory, Antonio Saura, Antonio Segui, Vladimir Velickovic, Youl, Zao Wou-Ki et surtout, comme « allié substantiel » : Ernest Pignon-Ernest. De nombreux récitals et une douzaine de CD enregistrés avec comédiens (Bernard-Pierre Donnadieu, François Chaumette, Jean Négroni, Jean-Luc Debattice, Ghaouti Faraoun, Alain Carré, Agnès Sourdillon, Laurent Terzieff, Thibault de Montalembert, François Marthouret), musiciens (Jean Schwarz, Philippe Leygnac, Pedro Soler, Renaud Garcia-Fons, François-René Duchâble, Igal Shamir, Assi Guivati, Idan Carméli, Ensemble Alla Francesca, Jayalakshami Sekhar, Slamet Abdul Sjukur, Louis Sclavis, Pascal Bolbach, Gaspar Claus, Quatuor Akilone), chanteurs (Beñat Achiary, Élise Caron, Tenzin Gönpo, Jean-Luc Debattice, Olivier Deck). Un compagnonnage cavalier avec Bartabas, qui se révèle dans les livrets consacrés aux spectacles du Théâtre équestre et dans les éditions revues et augmentées de Zingaro suite équestre, avec des dessins d’Ernest Pignon-Ernest.
Le printemps 1998 qui, en moins de deux mois, voit la disparition de Marie-José Lamothe et de Chantal Mauduit, est le plus sombre de son existence. Les textes qui s’écrivent alors s’apparentent à des écrits de survie : Femme de Lumière, Marie-José Lamothe sur les chemins du Tibet (recueil d’hommages) et L’amour extrême, poèmes pour Chantal Mauduit.
L’idée, odieusement confortable, de « faire son deuil » le révolte profondément, mais il trouve la force de poursuivre, voire d’amplifier ses activités. Il donne des récitals dans le monde arabe (avec Adonis et Mahmoud Darwich), en Israël, en Malaisie, au Canada, en Indonésie, au Vietnam, au Mexique, en Inde, en Chine… Il devient responsable de la collection de poche Poésie/Gallimard, qu’il dirigera de 1998 à 2017, d’abord aux côtés de Catherine Fotiadi, puis d’Alice Nez. Il crée, avec Jack Lang et Emmanuel Hoog, Le Printemps des Poètes, en 1999. À Reims, il participe à la programmation du festival À scène ouverte, avec Emmanuel Demarcy-Mota. À la Maison de la Poésie de Paris, il organise en 2010 un hommage à Serge Sautreau, peu après sa mort, puis des soirées consacrées à ses amis François Cheng, Adonis et Juan Gelman.
En 2013, il publie Prendre feu, avec Zéno Bianu, un manifeste écrit à deux mais qui, parlant d’une seule voix, renouvelle l’expérience initiale des années soixante, et garde intacte la volonté de changer et d’enchanter le monde.
Ses poèmes sont traduits dans une trentaine de langues. Il a reçu de nombreux prix littéraires dont le « Mallarmé » en 1990 pour L’Arbre-Seul (« le livre le plus tonique depuis Alcools d’Apollinaire », selon Alain Borer), le « Louise Labé » pour Du Gange à Zanzibar en 1993, le Goncourt/Poésie en 1996 pour l’ensemble de son œuvre et le « Guillaume Apollinaire » pour Séduire l’univers en 2021.
Son œuvre de poète, d’essayiste, de chroniqueur, d’homme de radio, de voyageur, toute d’énergie et d’engagement existentiel, se veut à des années-lumière du désenchantement ambiant. Vouée au souffle, au chant, à l’altitude, à la révolte, à l’amour sauvage, à la jubilation physique et mentale, elle a fait du « principe de plaisir » le vecteur d’une résistance farouche à toutes les formes d’obscurantisme, d’aliénation, de renoncement, de mortification, le destin ayant ici partie liée au désir, jamais à la précaution.
(Voir le site de l’auteur https://andrevelter.fr)
–Aisha, avec Serge Sautreau (1966) : se procurer cet ouvrage
–L’Arbre-Seul (Prix Mallarmé 1990) : se procurer cet ouvrage
–Du Gange À Zanzibar (Prix Louise Labé 1993) : se procurer cet ouvrage
–Le Haut-Pays (Goncourt/Poésie 1995)
–La Vie en dansant (2000) : se procurer cet ouvrage
–L’amour extrême et autres poèmes pour Chantal Mauduit (2007) : se procurer cet ouvrage
–Zingaro Suite Équestre et autres poèmes pour Bartabas (2012)
–Pour l’amour de l’amour, avec Ernest Pignon-Ernest (2015)
–La vie en dansant suivi de Au Cabaret de l’éphémère et d’Avec un peu plus de ciel (2020) : se procurer cet ouvrage
–Séduire l’univers, précédé d’à Contre-Peur, illustrations de Marie-Dominique Kessler et Jean Schwarz (Prix Apollinaire 2021) : se procurer cet ouvrage
-Au feu du désir même (2022) : se procurer cet ouvrage
–Trafiquer Dans l’infini (2023) : se procurer cet ouvrage
Constitué à l’origine grâce aux acquisitions de la bibliothèque – cette dernière cherchant à rassembler de la manière la plus exhaustive qui soit les œuvres des écrivains natifs des Ardennes- le fonds Velter a véritablement pris une autre dimension le jour où André Velter lui-même y a effectué le dépôt de ses archives. Ce dépôt fut officialisé par convention en 1993. Le 13 octobre 2008, à l’occasion de l’inauguration de la médiathèque Voyelles, André Velter est devenu, en compagnie de Guy Goffette, Franz Bartelt et Yanny Hureaux, parrain du nouvel établissement.
Le fonds regroupe plus de 3000 pièces diverses : les manuscrits du poète, les éditions de ses textes, des livres, des articles parus en revue, des contributions de l’écrivain à des ouvrages collectifs, des affiches, des prospectus, des enregistrements. On compte aussi plus de 4000 lettres reçues de divers écrivains. En effet, André Velter a correspondu avec René Char, Yves Bonnefoy, Philippe Jaccottet, Michel Butor, Alain Jouffroy, Bernard Noël, Zéno Bianu, Michel Houellebecq, Christian Bobin, François Cheng et de nombreuses autres personnalités. Il reste en relation avec les grands poètes de ce monde, notamment avec Adonis. Le fonds des archives à la bibliothèque de Charleville-Mézières est ouvert et il peut régulièrement être enrichi de nouveaux dépôts de documents. Les manuscrits et documents d’archive divers font l’objet d’un inventaire séparé. Outre l’intérêt que présente ce fonds pour l’étude de l’œuvre d’André Velter, beaucoup d’éléments qui le composent offrent une approche incomparable de la vie de la poésie, de sa vivacité et de sa diversité depuis le début des années 1960.
Deux expositions présentées à la bibliothèque de Charleville-Mézières ont permis de mettre en valeur le fonds André Velter en 1998 « André Velter, dans la lumière et dans la force » et « Dans la force et la lumière » en 2018.
-L’auditorium de la Médiathèque Voyelles à Charleville-Mézières a été nommé en l’honneur d’André Velter