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Beatus Rhenanus, ami d’Erasme de Rotterdam

Beat Bild, qui latinisa son nom au cours de ses études, est un personnage représentatif de ces savants de la Renaissance, qui vit apparaître la figure de l’intellectuel moderne dans un contexte marqué par l’émergence de la République des lettres. Ces grands esprits, animés par un ardent amour pour le beau latin, surent collecter les textes antiques transmis par les manuscrits médiévaux pour les corriger et les faire à imprimer, ce qui permit de les diffuser et d’en prolonger la conservation. 
Né à Sélestat le 22 août 1485, fils unique d’un boucher membre du Magistrat, Rhenanus fréquenta l’école latine de Sélestat dès l’âge de six ans. La Bibliothèque Humaniste conserve son cahier d’écolier des années 1498-1499, qui permet d’appréhender le riche enseignement dispensé au sein de cette école. Tout en étudiant au sein du collège du cardinal Lemoine à Paris de 1503 à 1507, Rhenanus exerça les fonctions de correcteur auprès de l’imprimeur Estienne. Son cahier d’étudiant, qui nous est également parvenu, nous permet d’étudier l’enseignement qu’il reçut à Paris. 

Rhenanus avait commencé à se constituer une bibliothèque dès son plus jeune âge. Il possédait 57 volumes avant même ses études à Paris en 1503. Des ouvrages de grammaire et de rhétorique côtoyaient dans cet ensemble des œuvres d’humanistes contemporains. Pendant ses études à Paris, Rhenanus put acquérir près de 188 œuvres, parmi lesquelles figurent des traités d’Aristote, des éditions d’auteurs latins classiques ainsi que des de Pères de l’Eglise. A l’âge de vingt-deux ans, le jeune savant sélestadien possédait déjà 253 livres, soit un bel embryon d’une solide bibliothèque personnelle pour cette époque. 
De retour en Alsace à l’automne 1507, Rhenanus prit part à Strasbourg aux projets éditoriaux de l’imprimeur Mathias Schürer et intégra les cercles d’érudits de cette ville. De 1511 à 1513, il approfondit sa connaissance du grec à Bâle auprès du dominicain Jean Cuno et hérita d’une partie de la bibliothèque de cet ancien collaborateur d’Alde Manuce. C’est alors que commença en outre sa collaboration durable avec les imprimeurs Amerbach et Froben.

A la fin de l’automne 1514, Rhenanus rencontra Erasme de Rotterdam à Bâle. Ce fut le début d’une amitié durable, marquée par une complicité intellectuelle certaine, l’alter ego d’Erasme étant chargé de l’édition des œuvres du « Prince des humanistes » sur les presses de Froben. Cette relation devait s’interrompre en 1536 avec la mort d’Erasme, dont Rhenanus fut l’un des exécuteurs testamentaires. Le savant sélestadien fut également l’auteur de la première biographie du défunt et réalisa en 1540 la première édition de ses œuvres complètes en huit gros volumes.   
La longue carrière scientifique de Rhenanus lui permit d’acquérir de nombreuses éditions frobéniennes qui forment une des originalités de sa bibliothèque. Outre les éditions auxquelles il collabora comme correcteur et philologue (Tertullien, Eusèbe de Césarée, Sozomène, Sénèque, Quinte-Curce, Velleius Paterculus, Pline l’Ancien, Tite-Live, etc.), il acheta de nombreux livres. Il reçut de nombreuses œuvres qui portent souvent sur la page de titre un ex-dono. Il échangea diverses de ses propres éditions avec celles de ses amis. Les pages de titre des volumes de la collection de Rhenanus portent souvent son ex-libris manuscrit dont la formulation montre à quel point il tenait à sa bibliothèque. En effet, il lui arrivait d’y noter la mention « Sum Beati Rhenani. Nec muto dominum » ; le livre s’exprime ainsi : « J’appartiens à Beatus Rhenanus et je ne change pas de maître ».

Anobli par l’empereur Charles Quint en 1523, il fit décorer plusieurs reliures à l’aide de ses armoiries. Outre ses travaux d’éditions de textes anciens, Rhenanus fut l’auteur d’une œuvre originale qui prit la forme d’une histoire de la Germanie en trois livres (Rerum germanicarum libri tres, Bâle, Froben, 1531), dans laquelle il mit en œuvre une méthode historique en plein renouveau, croisant le témoignage des Anciens avec les apports des découvertes archéologiques et des chartriers médiévaux. 
Atteint d’une maladie de la vessie, Rhenanus disparut le 20 juillet 1547, non sans avoir pris le soin de faire savoir son dessein de léguer sa bibliothèque à sa ville natale. Grâce à cette marque de générosité, la B.H. conserve encore la plus grande partie de la collection personnelle de ce savant, soit près de 2 500 titres répartis à travers 670 volumes environ (un même livre peut comporter jusque plus d’une vingtaine d’œuvres différentes). A cet ensemble, il importe d’ajouter la correspondance de ce savant composée de 265 pièces, qui rend compte de son riche réseau de relations au sein de la communauté des savants de son époque.

La collection personnelle du savant Beatus Rhenanus (1485-1547) constitue un des pans des collections précieuses de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat. Né à Sélestat le 22 août 1485, Rhenanus fréquente l’école latine de la ville puis poursuit ses études au sein du collège du cardinal Lemoine à Paris de 1503 à 1507. De retour en Alsace, il participe en tant que correcteur et éditeur de textes anciens aux publications des imprimeurs strasbourgeois puis bâlois. Ami proche d’Erasme de Rotterdam, Rhenanus est représentatif de ces savants de la Renaissance, animés par un amour ardent pour le beau latin des humaniores litterae, qui collectent les textes antiques transmis par les manuscrits médiévaux pour les corriger et les faire imprimer. Peu avant sa mort, le 20 juillet 1547, Rhenanus fait savoir qu’il souhaite léguer sa bibliothèque à sa ville natale, soit 33 manuscrits (94 oeuvres), 423 volumes imprimés (1 287 œuvres) et 264 lettres de sa correspondance. Le caractère exceptionnel de cet ensemble documentaire (la plupart des bibliothèques d’humanistes ont été a contrario dispersées) fut reconnu en mai 2011 par son inscription au registre de la Mémoire du monde de l’UNESCO.

Bibliothèque humaniste. Sélestat, Bas-Rhin Renaissance
Argumentatif, Epistolaire-correspondance
Maxime Alexandre, un poète au carrefour de l’Europe

Maxime Alexandre naît le 24 janvier 1899 à Wolfisheim, près de Strasbourg. L’actuel Bas-Rhin, comme la Moselle et le Haut-Rhin, faisait alors encore partie du « Reichsland Elsass-Lothringen » (Empire allemand). À l’école de Wolfisheim puis au lycée de Strasbourg, Maxime Alexandre étudie donc en allemand. Lorsque la Première Guerre Mondiale éclate en 1914, il part avec ses parents en Suisse romande et suit des cours de français à Lausanne. Il y découvre l’œuvre d’Arthur Rimbaud et s’attelle en 1916 à une traduction en allemand d’Une saison en enfer. À la fin de la guerre en 1918, il revient en Alsace redevenue française et poursuit ses études à l’Université de Strasbourg. Il obtient deux ans plus tard la Licence de Lettres Françaises.
Après avoir rencontré André Breton et Louis Aragon, il multiplie les séjours à Paris et participe aux activités du mouvement surréaliste. Après ses poèmes allemands Zeichen am Horizont publiés en 1924, il publie en 1926 Liberté Chérie. Cette première publication en français est composée avec la technique de l’écriture automatique. Cette pratique utilisée par les surréalistes consiste à écrire sans réfléchir, guidé par son inconscient. Après cela, Maxime Alexandre écrit essentiellement en français, et prend plus tard, en 1932, ses distances avec le mouvement surréaliste.
La Seconde guerre mondiale éclate, et Maxime Alexandre est enrôlé dans l’armée française en septembre 1939. L’année suivante, Maxime Alexandre est fait prisonnier ; lorsqu’il est libéré, il s’installe à Nice avec sa famille. Il y retrouve Louis Aragon, Jacques Prévert, André Gide. Il prépare la publication de Hölderlin le poète, une étude et traduction du célèbre poète allemand qu’il avait écrite avant-guerre. Il contacte Robert Laffont, alors jeune éditeur à Marseille. En 1942, la France est en partie occupée par l’Allemagne nazie : publier un poète juif et communiste, qui propose sa lecture d’un poète allemand dont le centenaire doit être fêté l’année suivante, est un pari pour le moins risqué ! Et pourtant l’ouvrage sort en librairie. Roger Kiehl, témoin à l’époque, raconte que « le Stürmer, évangile quotidien de l’hitlérisme, le Docteur [Joseph] Goebbels en personne, avait consacré le meilleur de son style à l’écrivain français qui avait si exemplairement su interpréter la pensée d’Hölderlin, poète allemand. Maxime Alexandre abasourdi – on l’eût été pour moins – a cru vivre un gigantesque canular surréaliste ! ». Dans la foulée, il reprend sa pièce de théâtre Le Juif errant, débutée en allemand en 1916, et qu’il publie en français en 1946.
En 1949, Maxime Alexandre se convertit au catholicisme et se fait baptiser sous le parrainage de Paul Claudel. Dans cette période d’après-guerre, il habite à Versailles, à Strasbourg, à Paris, puis en Alsace à Obernai, Dangolsheim et Boersch. Il passe entre-temps par les Vosges : il est professeur d’allemand au lycée Jules Ferry de Saint-Dié en 1962-1963. Lorsqu’il revient à Strasbourg en 1974, il est malade et l’écriture devient difficile : il se consacre alors au dessin. Il meurt à 77 ans d’une leucémie le 12 septembre 1976.

En 1996, grâce au Fonds régional d’acquisition des bibliothèques et au soutien de la Fondation Yvan et Claire Goll, la Ville de Saint-Dié-des-Vosges acquiert un ensemble de manuscrits, dessins, correspondances conservés par Berthe Alexandre, veuve du poète. Le musée de Saint-Dié-des-Vosges accueille en 1981 la première grande exposition consacrée à Maxime Alexandre, qui présente certains de ses écrits mais aussi une centaine de dessins réalisés à la fin de sa vie. Le conservateur du musée et de la bibliothèque Albert Ronsin commence alors à constituer un fonds entrant dans les deux établissements : manuscrits, éditions originales et dessins. Un nouveau fonds qui trouve une place tout indiquée à Saint-Dié-des-Vosges, puisque complémentaire d’autres collections d’artistes surréalistes – parmi lesquels Claire et Yvan Goll, Ernest Gengenbach, les Lorrains Georges Sadoul et André Thirion. Le fonds ainsi constitué donne lieu à une nouvelle grande exposition en 1998, « Maxime Alexandre. Un poète au Carrefour de l’Europe », présentée au musée Pierre-Noël dans le cadre du Mois du Patrimoine écrit.
Parmi les documents conservés, quelques curiosités : des petits carnets et agendas annotés par Maxime Alexandre, des épreuves (correction du texte avant tirage), et un petit livre qui attire l’attention : un ouvrage de Masao Suzuki, [Maxime Alexandre, la possibilité du rêve, l’impossibilité de la conversion], publié en 2012… au Japon ! Masao Suzuki a en effet soutenu une thèse de doctorat consacrée à la question du hasard objectif dans l’œuvre d’André Breton à l’Université Paris VII et a travaillé sur plusieurs surréalistes francophones.

Médiathèque de La Boussole. Saint-Dié-des-Vosges, Vosges 20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Poésie, Théâtre
Ernest Gengenbach : entre surréalisme, ésotérisme et érotisme

Ernest Gengenbach naît le 6 novembre 1903 à Gruey-les-Surance (Vosges). Fils aîné d’une fratrie de 5 enfants, il est destiné à la prêtrise. En 1916, il entre au séminaire de Luxeuil puis au grand séminaire de Saint-Dié-des-Vosges. Avant la fin de ses études, il est emmené à Paris en 1919 par un dominicain pour poursuivre des études de théologie.
C’est durant son séjour parisien qu’a lieu le moment crucial de sa vie : en 1925, il assiste en vêtement civil à une pièce de théâtre, Romance, dans laquelle joue Régine Flory. Il s’éprend de la comédienne qui l’emmène pour une nuit de débauche au bal Romano de la rue de Caumartin, dans le 9e arrondissement. Dénoncé par un camarade, il est renvoyé dans les Vosges et l’évêque de Saint-Dié lui fait quitter la soutane. Sa mère, honteuse, refuse de l’accueillir.
Réfugié à Gérardmer chez une cousine institutrice, c’est alors qu’il prend connaissance de la revue La Révolution surréaliste. Il écrit à l’un de ses fondateurs, André Breton, qui l’admet dans son groupe surréaliste. Le prêtre défroqué collabore à La Révolution surréaliste sous le nom de Jean Gengach, puis d’Ernest de Gengenbach ou sous le pseudonyme de Jehan Sylvius.
Sa vie est désormais partagée entre l’existence légère et mondaine des milieux littéraires et les retraites dans des monastères. Il se montre en compagnie féminine et en soutane sur laquelle est accrochée un œillet rouge pour favoriser, selon lui, ses conquêtes amoureuses. Il se présente comme un « possédé démoniaque conscient » voué à Satan.
Admiratif du catharisme, il se lie aussi avec le mouvement occultiste et les écrivains Camille Creusot et Raymond Abellio. Il est finalement condamné par l’Église pour avoir soutenu le « miracle de la Vierge » à Espis (en 1949, le village d’Espis aurait été le théâtre de plusieurs apparitions de la Vierge Marie) dans son œuvre Espis un nouveau Lourdes (1949). L’édition de cet ouvrage entraîne la ruine financière de sa fiancée Elyane Bloch, qu’il épouse en 1953.
Amputé d’une jambe, malade et dépressif, Ernest Gengenbach meurt à Nogent-le-Roi en 1979 – une année après le décès de son épouse Elyane Bloch et dans un relatif anonymat, laissant derrière lui des écrits mêlant surréalisme, mysticisme, occultisme et érotisme.

Suite à son décès, la famille d’Ernest Gengenbach a donné à la médiathèque de Saint-Dié la bibliothèque personnelle de l’écrivain de laquelle ont été retirés des ouvrages de littérature générale non dédicacés et destinés au neveu du prêtre défroqué. Par ailleurs, le conservateur de la bibliothèque, Albert Ronsin, a enrichi le fonds en achetant des livres lors de sa visite à Ernest Gengenbach à l’hôpital de Nogent-le-Roi et à la maison de l’écrivain à Châteauneuf-en-Thimerais (Eure-et-Loir). Il a également pu sauver certains manuscrits de la destruction. En effet, la famille de l’écrivain considérait ses travaux comme honteux et dégradants qu’il fallait détruire. Ces derniers se composent de collages de personnages, essentiellement féminins, représentés dans des scènes érotiques souvent très crues, réalisées en compagnie de créatures sataniques.

Le fonds Gengenbach, conservé aujourd’hui à la médiathèque de la Boussole de Saint-Dié, se compose d’un ensemble de près de 1000 documents. Parmi ceux-ci se trouvent des ouvrages surréalistes, mystiques et occultes de la bibliothèque personnelle d’Ernest Gengenbach. On y trouve des œuvres écrites de la main de l’auteur lui-même comme Les Messes noires (1929) ou Adieu à Satan (1952) mais aussi des ouvrages d’autres écrivains comme La Fin de l’ésotérisme (1973) de Raymond Abellio ou L’Érotisme (1965) de Georges Bataille. Y figurent également les œuvres achetées par Albert Ronsin comme Le Revolver à cheveux blancs (1932) d’André Breton ou Le Grand ordinaire (1970) d’André Thirion. Enfin, le fonds comprend plus de 2000 feuillets de manuscrits écrits de la main d’Ernest Gengenbach comme La Sirène aux coquillages (1956). On y trouve notamment une représentation d’une scène conjugale entre l’écrivain et son épouse Elyane.

Médiathèque de La Boussole. Saint-Dié-des-Vosges, Vosges 20e siècle
Narratif, Poésie
Jean-Jacques Kihm, poète et dramaturge, ami de Cocteau

Né à Schirmeck dans les Vosges en 1923, Jean-Jacques Kihm obtient un diplôme supérieur de philosophie à Nancy. A partir de 1950, il enseigne à l’École normale de Troyes (Aube), jusqu’à sa mort accidentelle en 1970.
À Troyes, Kihm se lie d’amitié avec l’un de ses élèves, Bernard Dimey (1931-1981), plus tard poète et auteur de textes de chansons. Ensemble, ils éditent la revue littéraire Mithra, parue sur l’unique année de 1951.
Durant ses vingt années troyennes, Kihm est un acteur culturel majeur, en poursuivant à Paris une carrière d’écrivain, de critique littéraire et de producteur d’émissions de radio et de télévision. Il crée en 1963 le festival populaire de Troyes et de Champagne, où sont notamment représentées ses pièces de théâtre. Il collabore avec la bibliothèque municipale de Troyes, dirigée alors par Françoise Bibolet, en donnant des conférences et en présentant une exposition consacrée à Jean Cocteau (1889-1963), avec lequel il correspond dès 1951. En souvenir de cette amitié, il publie une biographie de l’écrivain en 1968, puis il édite la correspondance de Cocteau et d’André Gide (1869-1951) en 1970.
Après sa mort est créée une association des Amis de Jean-Jacques Kihm, qui recueille ses archives et publie deux recueils de nouvelles, ainsi que son Journal.

La Médiathèque Jacques-Chirac de Troyes Champagne métropole conserve deux séries d’archives et de documents relatifs à Jean-Jacques Kihm. Des dons et achats depuis les années 1970 sont répertoriés dans le deuxième supplément du catalogue des manuscrits de la bibliothèque de Troyes. Il s’agit en premier lieu de textes de Kihm, dactylographiés et manuscrits.
La Médiathèque conserve également les textes et épreuves corrigées de la biographie de Cocteau, assortis de 58 lettres autographes de Cocteau à Kihm. Le fonds contient quelques manuscrits de textes publiés dans la revue Mithra, des conférences et des pièces de théâtre. Enfin, la totalité des programmes et des archives du Festival populaire de Troyes depuis sa création se trouve dans le Fonds local.
En 2002, le fonds Kihm se voit enrichi de 52 cartons d’archives et de 460 bandes magnétiques, donnés par l’association des Amis de Jean-Jacques Kihm. Cet ensemble comprend des tapuscrits de textes littéraires de Kihm (pièces de théâtre, poèmes, romans et nouvelles), des archives de spectacles et autres productions (programmes, articles de presses, photos, affiches…) et les archives de la publication de la biographie de Cocteau.
Il contient également des partitions des musiques pour des pièces de théâtre, les textes des adaptations radiophoniques et des projets de scénarios pour la télévision. Les notes personnelles de Kihm relatives à ses études et son professorat y sont conservées, ainsi que la correspondance avec Bernard Dimey, Jacques Hallez, Armand Lanoux, François Bibolet…
Les bandes magnétiques sont inédites et nécessiteraient un programme d’inventaire à part entière.

Médiathèque Jacques-Chirac. Troyes, Aube 20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie, Théâtre
Denis Diderot, Père de l’Encyclopédie…mais pas que !

Traducteur, dramaturge, romancier, critique d’art et philosophe, Diderot contribue avec un certain génie au mouvement des Lumières par son érudition et son esprit critique.
Il naît le 5 octobre 1713 à Langres ; son père est maître coutelier à l’enseigne de la Perle. Diderot use ses fonds de culotte sur les bancs du collège des Jésuites de Langres. Puis en 1728, il se rend à Paris pour achever sa formation et obtenir le titre de « maître es arts ».
Menant une vie qu’on qualifiera de « bohème », il exerce plusieurs activités. Il enseigne les mathématiques, travaille chez un procureur et traduit de l’anglais plusieurs ouvrages.
En 1746, il publie anonymement Les pensées philosophiques, ouvrage condamné dès sa sortie par le Parlement. Diderot se voit confier conjointement la traduction d’une encyclopédie anglaise dont le travail évolue rapidement, avec la collaboration de Jean Le Rond D’Alembert (1717-1783), vers la rédaction de la future Encyclopédie.
Emprisonné en 1749 pour la Lettre sur les aveugles dans laquelle Diderot expose son athéisme, il diffusera ses théories les plus controversées de manière indirecte et voilée.
Diderot s’inscrit par ses écrits philosophiques et scientifiques dans le courant matérialiste. En intégrant les progrès accomplis en anatomie, en biologie et en biochimie, il se différencie néanmoins de ses contemporains.
Diderot prolonge ses idées philosophiques dans ses contes et romans.

Le fonds d’archives littéraires consacré à Denis Diderot se compose de sept lettres autographes et d’une pièce de théâtre imprimée mais annotée de la même du philosophe langrois.
Les lettres autographes ont été achetées entre 1983 et 1993. Le destinataire est inconnu pour deux d’entre elles. Quatre lettres sont adressées respectivement à Maupertuis, La Condamine et Le Breton. La lettre datée du 3 juin 1773 s’adresse à Jacques-André Naigeon (1735-1810). Denis Diderot rédige ce que l’on appelle son testament littéraire. Il se résout à l’âge de soixante ans à répondre à l’invitation de Catherine II de se rendre à Saint-Pétersbourg. Avant de partir il lègue ses manuscrits à Naigeon, lui laissant « le soin d’arranger, de revoir et de publier tout ce qui lui paraîtra ne devoir nuire ni à [sa]mémoire, ni à la tranquillité de personne ».

Ce fils de coutelier avait l’habitude de « remettre sur le métier son ouvrage ». Ainsi la pièce Est-il bon? Est-il méchant ? avant de connaître sa version définitive s’est intitulée La pièce et le prologue.
Un des 2 exemplaires imprimés de cette pièce est conservé à Langres. Ce petit ouvrage de 76 pages contient des corrections et des ajouts de la main de Diderot, dont une scène supplémentaire.
Ce livre provient du bibliophile Martineau de Soleinne (1784-1842). Le dernier propriétaire, Hippolyte Walferdin (1795-1880), langrois, qui collabore à l’éditions Brière des œuvres de Diderot, en fait don en 1879 à la bibliothèque.

Médiathèque Marcel-Arland. Langres. Haute-Marne 18e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif, Théâtre
Pol Neveux, « l’écrivain délicieux que j’admire »

Ainsi parlait Marcel Proust de Pol Neveux, écrivain né en 1865 à Reims (Marne), ville à laquelle il demeure étroitement attaché tout au long de son existence. Pol Neveux est le fils d’un notaire et de la poétesse Marie Pochet, Marie Valyère de son nom de plume. Il épouse en 1904 Céline Mathilde Antoinette Pellet, fille du journaliste et diplomate Marcellin Pellet. Après des études de droit, il débute une courte carrière d’avocat avant de se réorienter vers les bibliothèques. Pol Neveux devient ainsi sous-bibliothécaire à la bibliothèque Mazarine, à Paris, en 1893, avant d’occuper les mêmes fonctions à l’Ecole nationale des Beaux-Arts l’année suivante. Il intègre ensuite l’administration en tant que chef-adjoint du cabinet du ministre de l’Instruction publique en 1894, puis il est nommé inspecteur général des bibliothèques en 1902.

Pol Neveux s’investit pleinement dans ses nouvelles fonctions et sillonne les bibliothèques de France afin d’en découvrir toutes les richesses patrimoniales. Lors de la Première Guerre mondiale, son action s’avère déterminante : il est en effet chargé de veiller sur les documents les plus précieux de la Bibliothèque nationale de France ainsi que sur des œuvres du musée du Louvre, du château de Compiègne et du château de Fontainebleau. A la fin du conflit, Pol Neveux suit avec attention la reconstruction de deux bibliothèques dans le style Art déco : la bibliothèque de Reims, inaugurée en 1928, et celle de Toulouse, achevée en 1935. Il dirige enfin la publication des Richesses des bibliothèques provinciales de France, ouvrage de référence édité en 1932.

En parallèle, Pol Neveux entreprend une carrière littéraire et publie en 1898 son premier ouvrage intitulé Golo, roman de campagne, qui rencontre un grand succès. Son second roman, La douce jeunesse de Thierry Seneuse, paraît en 1917 et est considéré comme son écrit le plus personnel. L’écrivain y met en scène un jeune garçon ayant grandi à Reims dans les années 1870-1880, profondément attaché à la culture et à l’histoire de sa ville natale. Malgré la réception enthousiaste de ses écrits, Pol Neveux rédige peu de romans, se consacrant à ses missions au service des bibliothèques et à une activité prolifique de critique littéraire. Pol Neveux publie ainsi de nombreux articles sur la littérature de son temps et sur les grands auteurs du 19e siècle comme Flaubert et Maupassant, écrivain auquel il consacre une étude parue en 1908. Grâce à ses articles, Pol Neveux fait la connaissance de nombreux artistes et reçoit l’estime de ses pairs : il devient ainsi commandeur de la Légion d’honneur en 1922 et il est élu à l’Académie Goncourt en 1924.

Pol Neveux décède le 26 mars 1939. De nombreux hommages lui sont rendus dans des articles de journaux comme les Nouvelles littéraires ou le Journal des Débats. Une biographie composée par Emile Dacier, inspecteur général des bibliothèques et ami intime de Pol Neveux, est publiée en 1940. Tous ces hommages manifestent la reconnaissance du milieu littéraire et artistique français envers ce personnage incontournable du monde des lettres et des bibliothèques françaises au début du 20e siècle.

Cette collection est donnée à la bibliothèque de Reims par Pol et Antoinette Neveux entre 1929 et 1939. Elle se compose de trois parties correspondant aux différentes branches de leur famille : une première partie héritée d’Auguste Scheurer-Kestner, le grand-père d’Antoinette Neveux ; une seconde héritée de Marcellin Pellet, le père d’Antoinette et une troisième provenant des époux Neveux eux-mêmes. La collection provenant d’Auguste Scheurer-Kestner, industriel et homme politique originaire de Mulhouse (Haut-Rhin), est composée de deux boîtes contenant des lettres, articles de journaux et documents d’archives relatifs à ce personnage. Bon nombre de documents sont relatifs à l’affaire Dreyfus, Scheurer-Kestner s’étant engagé en tant que sénateur dans la défense d’Alfred Dreyfus. On trouve ainsi une carte de visite de Dreyfus annotée de sa main, ainsi qu’une lettre qu’il a adressée à l’épouse, Céline, ou à la fille, Jeanne, de Scheurer-Kestner. Ces deux boîtes s’accompagnent d’une troisième intitulée « affaire Dreyfus », héritée de Marcellin Pellet, qui contient de précieuses pièces sur cet épisode de l’histoire française. La boîte rassemble des lettres adressées par Alfred Dreyfus et son frère, Mathieu, aux époux Marcellin Pellet ainsi qu’à Pol et Antoinette Neveux. On y trouve également la correspondance de Georges Clémenceau, grand défenseur de Dreyfus, à Marcellin Pellet.

La troisième partie de la collection est composée des documents relatifs à la famille Neveux. Elle est constituée de 65 boîtes d’archives qui contiennent des documents très divers : de la correspondance, des imprimés (journaux et ouvrages), des manuscrits et de l’iconographie relatifs à Pol Neveux et sa femme.

La correspondance de la famille Neveux représente une précieuse source d’informations sur leur vie personnelle et professionnelle. Un ensemble de 205 lettres ont par exemple été reçues par la mère de Pol Neveux, Marie Valyère, d’Edma Roger des Genettes. Cette femme de lettres était réputée pour son salon fréquenté au milieu du 19e siècle par de grands auteurs comme Alfred Musset, Victor Hugo, Alexandre Dumas ou Gustave Flaubert, dont elle était l’amie intime. Ces missives reflètent l’appartenance de Marie Valyère au milieu littéraire de son temps.
Les lettres reçues par Pol Neveux témoignent de sa place prédominante au sein de la sphère intellectuelle et littéraire. On trouve parmi les expéditeurs des écrivains comme Colette ou Pierre Loti, des artistes tels que le peintre Claude Monet, le compositeur Gabriel Faure ou le sculpteur Auguste Rodin. Les compatriotes rémois de Pol Neveux y occupent une place de choix : des lettres de Jean-Louis Forain et René de Saint-Marceaux apparaissent dans la correspondance tout comme des missives des poètes Paul Fort et Cécile Périn. Les lettres de Léon Blum ou Georges Clémenceau attestent de l’engagement politique de Pol Neveux.

La collection comprend divers manuscrits de Pol Neveux dont des notes de travail, des essais et des discours. Elle contient également des œuvres imprimées, qu’il s’agisse des épreuves corrigées du roman Golo ou de textes associés à Reims. On y retrouve le texte Reims en ruine, publié en 1928, ainsi qu’un second écrit intitulé Ma douce Champagne !. De nombreux articles écrits par Pol Neveux permettent de découvrir son activité prolifique de critique littéraire.

Bibliothèque Carnegie. Reims, Marne 19e-20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif
Paul Drouot, un poète fauché en pleine jeunesse

Comme Guillaume Apollinaire ou Alain-Fournier, Paul Drouot meurt au combat, fauché en pleine jeunesse pendant la Grande Guerre. Il est l’auteur de quelques recueils de poèmes, salué par un petit cercle littéraire, mais son œuvre majeure, Eurydice deux fois perdue, est restée inachevée. Il a reçu en 1915 le prix Archon-Despérouses pour son œuvre.
Neveu d’Emile Gebhart, historien d’art et critique littéraire, arrière-petit-neveu du général Drouot « le sage de la Grande Armée », qui accompagna Napoléon sur l’île d’Elbe, Paul Drouot naît le 21 mai 1886 à Vouziers, dans le sud-est des Ardennes.
Son père décède peu de temps avant sa naissance et sa famille est bientôt ruinée après un long procès, son grand-père du côté maternel, Achille Cotelle, directeur de banque à Vouziers, ayant été trompé par un chargé d’affaires mal intentionné.
Sa mère, musicienne, quitte les Ardennes avec Paul et son frère aîné pour gagner Paris où elle donne des leçons de piano et de chant. Paul Drouot a beaucoup d’admiration pour elle ainsi que son grand-père qui lui transmet l’amour des livres et de la lecture. Il partage avec plusieurs camarades, dont Guy Chassériau, cette sensibilité littéraire.
« Nostalgique et passionné », travailleur et courageux, féru de poésie, Paul Drouot écrit ses premiers vers en 1904. Son recueil La chanson d’Eliacin parait en 1906. En 1908, il publie un second recueil de poèmes en huit vers, La Grappe de raisin, inspiré d’un voyage en Espagne, puis Le Vocable du chêne en 1910. Le poète se lie avec des auteurs qu’il admire, Maurice Barrès, Henri de Régnier, Élémir Bourges.
Appelé sous les drapeaux en 1908, il est bibliothécaire du cercle des officiers à Orléans.
Après son service militaire, de retour à Passy auprès de sa mère, le poète se lance dans le journalisme et entame une œuvre en prose qui deviendra Eurydice deux fois perdue.
Paul Drouot est mobilisé dès le début de la guerre et enrôlé dans le 3e bataillon des chasseurs à pied. Sa santé fragile aurait pu le reléguer à un poste à l’arrière mais il refuse.
Le 9 juin 1915 près de Notre-Dame-de-Lorette (Pas-de-Calais) un obus s’abat sur l’abri où se trouve le poète. Il est enterré au cimetière militaire d’Aix-Noulette (Pas-de-Calais).
Paule Régnier, femme de lettres, qui sera lauréate du Grand Prix du roman de l’Académie française en 1934, rencontre Paul Drouot vers 1909. Se noue alors une amitié autour de leur activité littéraire et leurs origines ardennaises. Après la mort de Paul Drouot, on confie à Paule Régnier les textes et les notes de son ami, qui lui permettent de publier son roman inachevé.
Ce « livre ensanglanté », Eurydice deux fois perdue, naît dans les tourments de l’amour contrarié. En effet, Paul Drouot est épris d’une sœur de Paule Régnier qui est déjà mariée. Dans le même temps, Paule Régnier, jolie mais souffrant d’une malformation physique, est elle-même éperdument et secrètement amoureuse de Paul Drouot. Elle ne comprend qu’en lisant les textes du poète après sa mort et les lettres écrites par sa sœur que l’Eurydice de Paul était en fait sa propre sœur. Cet amour malheureux est dévoilé à la publication du Journal de Paule Régnier, publié en 1953, trois ans après son suicide. 

Les archives de la romancière Paule Régnier ont été données à la bibliothèque de Charleville par sa sœur Yvonne Clouzot à partir de 1955.
Les archives contiennent les manuscrits des œuvres de Paule Régnier, romans et articles, ainsi que les cahiers de son journal en partie publiés. A ces archives s’ajoute un dossier relatif au poète Paul Drouot. Paule Régnier a publié en 1923 un essai biographique et critique sur Paul Drouot et ses notes préparatoires ont été conservées.
Les documents de la main de Paul Drouot, donnés à Paule Régnier après la mort de son ami, constitue un fonds distinct. Il comprend des lettres écrites par Paul Drouot, 70 lettres adressées à Paule Régnier et quelques-unes adressées à sa mère, ainsi que des textes inédits. Paule Régnier a ainsi permis la publication d’Eurydice deux fois perdue à partir des textes conservés dans ces archives. Henri de Régnier indique dans la préface du roman qu’il ne s’agit que de notes éparses et que Paule Régnier a dû rassembler, ordonner les textes et reconstituer le fil du récit, certains passages étant plus ou moins développés. L’ensemble des notes préparatoires montre des remaniements successifs.
Cette ébauche de roman a été publié en 1921, puis en 1923 et 1930 avec l’ajout de fragments inédits. Ce roman inabouti, prose poétique ou poème en prose, a été salué par sa force, sa puissance tragique et ses qualités littéraires et témoigne du talent de ce poète fauché en pleine jeunesse. Il a fait l’objet d’une nouvelle édition établie avec Annie Gilles et Gérard Martin en 1986.
En 1986, à l’occasion du centenaire de la naissance de Paul Drouot, une exposition a été présentée à la bibliothèque municipale de Charleville et à Vouziers. Un monument à Paul Drouot a été érigé place Carnot à Vouziers en 1939, face à celui d’Hippolyte Taine. Un collège vouzinois porte également le nom de Paul Drouot. L’acquisition en 2000 de quelques textes inédits de la main de Paul Drouot complète le fonds.

Médiathèque Voyelles. Charleville-Mézières, Ardennes 19e-20e siècle
Narratif, Poésie
Louis Dumur, une plume au service de la France

Louis Dumur est né en 1863 à Vandoeuvres (Suisse), près de Genève, ville dans laquelle il devient élève du collège Calvin. Dès 1882, Dumur s’installe à Paris où il poursuit sa formation à la Sorbonne et rédige de premiers poèmes qu’il publie dans des revues. Il passe ensuite cinq ans à Saint-Pétersbourg (Russie) en tant que précepteur et tire de ce séjour un recueil de poèmes intitulé Neva, du nom d’un fleuve russe. C’est à cette époque qu’il rencontre l’écrivain Alfred Vallette (1858-1935) avec lequel il redonne vie en 1889 au Mercure de France, revue littéraire éditée pour la première fois au 17e siècle, qui devient également maison d’édition. Il joue un rôle essentiel dans la gestion financière et la promotion du Mercure. Dumur côtoie alors les écrivains du mouvement symboliste tels que Jules Renard, Alfred Jarry et Alfred Samain, dont les textes sont publiés par cette maison d’édition.
En parallèle, Louis Dumur rédige plusieurs pièces de théâtre et publie un premier roman de jeunesse, Pauline ou la liberté de l’amour, en 1896. Il consacre ses œuvres suivantes à sa ville de jeunesse, Genève, à travers trois romans : Les trois Demoiselles du père Maire (1909), Le Centenaire de Jean-Jacques (1910) et L’École du dimanche (1911).
La Première Guerre mondiale marque un tournant dans la carrière de Dumur : il prend résolument parti pour la France et dédie quatre ouvrages à la dénonciation des exactions allemandes lors de ce conflit : Nach Paris ! en 1919, Le Boucher de Verdun en 1921, Les Défaitistes en 1923 ainsi que La Croix rouge et la croix blanche en 1925. Ces quatre œuvres adoptent un style naturaliste pour dépeindre les atrocités de la guerre avec un grand souci du détail. Il rassemble un grand nombre d’articles de presse et une abondante documentation afin de créer le récit le plus proche des faits.
Dans les années 1920 et 1930, les écrits de Louis Dumur abordent la question de la révolution bolchévique en Russie, à laquelle il se montre farouchement opposé. Proches du pamphlet, ses quatre derniers ouvrages portent des titres révélateurs de la posture adoptée par Dumur : Dieu protège le tsar ! (1927), Le Sceptre de la Russie (1929), Les Fourriers de Lénine (1931) et Les Loups rouges (1932).
Louis Dumur décède d’un cancer du larynx en 1933.

Le fonds Louis Dumur a été légué à la ville de Reims par le frère de l’écrivain, Maurice, à la suite de son décès en 1933. Si Dumur n’a jamais entretenu de liens directs avec cette ville, son engagement farouche pour la cause française lors de la Première Guerre mondiale ont incité sa famille à confier une partie de ses archives ainsi que sa bibliothèque à Reims. Le fonds Dumur est constitué de la bibliothèque de l’écrivain ainsi que de 24 boîtes contenant ses archives professionnelles qui se trouvaient dans son bureau au Mercure de France.
La bibliothèque de l’écrivain rassemble ses propres œuvres, les titres édités par le Mercure ainsi que des ouvrages dédicacés par des auteurs renommés tels que le poète Guillaume Apollinaire ou l’écrivain et journaliste Joseph Kessel, qui lui adresse ces mots emprunts de respect dans son roman Le onze mai : « A Monsieur Louis Dumur, ce respectueux et reconnaissant hommage pour l’accueil qu’il me fit lorsque j’entrai dans son illustre maison « . Une dédicace du poète rémois Paul Fort datée de 1926 est également révélatrice de son estime pour l’auteur genevois : « A Louis Dumur, affectueusement, ton admirateur et ton ami, Paul Fort ».
Les 24 boîtes d’archives professionnelles représentent une mine d’informations précieuses sur la démarche de romancier de Louis Dumur. Elles contiennent en effet un ensemble de lettres, d’articles de presse et de brouillons qui constituent autant de documents préparatoires à la rédaction de son œuvre. Ces archives couvrent des thématiques très diverses comme les principaux personnages historiques et politiques des 19e et 20e siècles (Clémenceau, Jaurès, l’empereur Guillaume II, Raspoutine, etc.), les écrivains contemporains de Dumur parmi lesquels Maurice Barrès, Anatole France et Pierre Loti. Sept boîtes sont spécifiquement consacrées à la politique française et à la Première Guerre mondiale, ce qui témoigne du vif intérêt de l’écrivain pour ce conflit. D’autres boîtes abordent des sujets aussi disparates que l’aviation, le dadaïsme, le mariage ou le sport. Elles reflètent l’attachement manifesté par Dumur à l’exactitude et la précision dans son travail de rédaction ainsi que sa curiosité encyclopédique pour tous les sujets de la connaissance.
Ce fonds d’archives se complète de nouvelles acquisitions telles que l’exemplaire n°7 des Trois demoiselles du père Maire, acquis en 2022 par la bibliothèque Carnegie.

Bibliothèque Carnegie. Reims, Marne 19e-20e siècle
Narratif, Poésie, Théâtre
Henri Vendel, auteur et bibliothécaire engagé

Figure tutélaire des bibliothèques de Châlons, Henri Vendel naît en 1892 dans une famille de commerçants à Almenèches (Orne). Reçu à l’Ecole des chartes en 1913, il commence une thèse sur l’abbaye de son village natal quand la guerre éclate. De l’enfer des tranchées, il sort décoré, valétudinaire et auteur d’un premier ouvrage, Sous le pressoir, publié en 1921 et préfacé par Romain Rolland.
En 1921 toujours, il soutient sa thèse, se marie avec une jeune Russe, Véra Oglobina, et obtient le poste de conservateur de la bibliothèque, des archives et des musées de Châlons-sur-Marne. Il exerce cette fonction pendant 25 ans, multipliant les actions de promotion de la lecture : réaménagement des locaux, accroissement des collections, publicité, conférences, causeries, cercle de lecteurs, bulletin d’information culturelle… Il crée la bibliothèque enfantine de Châlons, de statut associatif, en 1936, et la bibliothèque circulante de la Marne, ancêtre des bibliobus et des bibliothèques départementales, en 1938. De 1938 à 1940, il préside l’Association des Bibliothécaires de France où il défend son idée de la lecture publique. Il soutient l’historienne Germaine Maillet dans la création en 1930 du Comité du folklore champenois et la publication du bulletin de l’association,
Dans sa vie personnelle aussi, Henri Vendel s’engage : pour le naturisme, auquel il consacre une étude en trois volumes en 1929 ; pour la paix, et contre les nationalismes des années 1930 qu’il dénonce dans deux essais, La nation contre la patrie et Frontières. En 1942, il ose afficher son patriotisme dans le recueil de poésies La Couronne d’épines. Lié au mouvement de résistance Libération-Nord, il est arrêté par la Gestapo en mars 1944, emprisonné, relâché presque miraculeusement au bout de trois mois, et presque aussitôt recherché de nouveau.
Nommé inspecteur général des bibliothèques à la Libération, il poursuit son action en faveur de la lecture publique, multipliant les voyages et les missions dans les bibliothèques de la France entière. Il meurt prématurément en 1949 d’une pneumonie : ses poumons, exposés aux gaz pendant la Grande Guerre, ne peuvent lutter.

Les manuscrits d’Henri Vendel conservés à la médiathèque Georges Pompidou ont été pour la plupart donnés par sa fille, Jeanne Simons-Vendel, dans les années 1970. Ils couvrent les divers domaines d’écriture de Vendel. Il a rédigé de nombreux articles professionnels, notamment sur la lecture publique et l’expérience de bibliothèque circulante de la Marne, ainsi que des monographies d’artistes champenois qu’il exposait : Antral, Renefer. Membre de la SACSAM (Société d’Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de la Marne), il est l’auteur de nombreuses contributions relevant soit de l’érudition pure, tel son historique de la bibliothèque municipale de Châlons, soit de l’éloge de la Champagne. Il a également publié une somme, presque une thèse, sur le naturisme, plaisamment intitulée Faut-il vivre nus ?. Qu’ont dû penser les bourgeois de Châlons ?

Avant 1940, les écrits non professionnels de Vendel sont signés du pseudonyme Nadel, réunissant les syllabes finales de son nom et du nom de son épouse, Véra Oglobina. Celle-ci intervient dans son premier ouvrage, Sous le pressoir, pour le sauver « du néant, du désespoir et du mépris de vivre », selon les mots de Romain Rolland. Celui-ci porte sur le texte de Vendel un jugement élogieux : « Voici un livre vrai. Parmi tant de mémoires de la guerre, ceux-ci ont l’intérêt d’être écrits simplement, uniment, sans littérature… ».

Vendel n’échappe pas à la littérature dans ses autres œuvres. Plus qu’un grand auteur, c’est un auteur attachant. Volontiers lyrique, il aime à faire l’éloge de sa Champagne d’adoption et à conter sa Normandie natale. La médiathèque conserve le manuscrit de Lorsque l’enfant tenait le monde, où il évoque son enfance dans un style à la fois élaboré et naïf. On reconnaît le folkloriste à son empressement à transcrire chansons, proverbes et coutumes, ou telle formule de malédiction employée contre qui ne veut pas donner aux enfants… pour Pâques, et non pour Halloween.

La correspondance de Vendel mérite une mention particulière : dans cette masse de plus de 2000 pages se mêlent les auteurs célèbres – Romain Rolland, Paul Fort, Pol Neveux…, les bibliothécaires réputés, les artistes et écrivains champenois et une cohorte d’anonymes, amis, lecteurs. Au fil de ces lettres, on voit le génie qu’avait Vendel pour nouer des amitiés, créer des liens.

Dans cet ensemble, on remarque les lettres portant sur La Couronne d’Epines : souscriptions, éloges, remerciements pour une dédicace. Ce recueil de poésies publié pendant l’Occupation, malgré la censure, reçoit un succès d’estime considérable. Henri Vendel a manifestement fait œuvre de résistance spirituelle par cet ouvrage et par sa diffusion dans les milieux littéraires français.

Une grande partie des manuscrits de Henri Vendel ont été numérisés en 2019 et sont disponibles en ligne sur le site de la médiathèque de Châlons.

Bibliothèque municipale à vocation régionale. Châlons-en-Champagne, Marne 19e-20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
Les contes de Fraimbois en cartes postales et dessins

Affublées du vocable de « contes » de Fraimbois, un petit village du Lunévillois (Meurthe-et-Moselle), ces historiettes imprimées sur cartes postales et rédigées à l’origine en patois véhiculent des récits piquants et cocasses, et sont enrichies et entretenues par la tradition orale. La paternité de ces contes édités par Emile Bastien reste floue. Cependant la tradition reconnaît à Athanase Grandjacquot, ancien instituteur à Fraimbois, un rôle important dans cette entreprise éditoriale. L’abbé Jacques Choux rapporte qu’à la fin du 19e siècle, « un petit groupe d’amis, dont Athanase Grandjacquot, se retrouvaient de temps à autre dans un café à Lunéville, rue du Temple, tenu par Alexandre Collet, oncle par alliance d’Émile Bastien. Là se racontaient les histoires que Bastien eut l’idée d’éditer et que Grandjacquot entreprit de mettre par écrit […] Mais Grandjacquot ne fut sans doute pas l’unique rédacteur. Un écrivain régionaliste lunévillois bien connu, Fernand Rousselot (1879-1958) s’est personnellement présenté comme l’auteur de “quelques uns des plus curieux conte de Fraimbois“» (Les Contes de Fraimbois [cartes postales réunies et présentées par] Jean Lanher, préface de l’abbé Jacques Choux, Presses universitaires de Nancy, 1983).
Parmi les nombreux dessins réalisés, seuls deux sont signés et datés « E. Perrin 1901 ». Cinq portent le monogramme LE derrière lequel se cache Joseph Jacquot, directeur des travaux municipaux de Lunéville. On attribue également un certain nombre de dessins à Hubert Grandjacquot, fils d’Athanase.

Le fonds réunit 20 cartes postales imprimées (réédition, vers 1900) et 77 dessins non signés, probablement exécutés ultérieurement.
Réunion de quelques cartes postales et de nombreux dessins des savoureux Contes de Fraimbois qui doivent leur notoriété à Émile Bastien, libraire-imprimeur à Lunéville.
Dès le tout début du 20e siècle, 76 contes furent imprimés sur 95 cartes postales. Le succès fut tel que de nombreux tirages se succédèrent jusqu’à l’entre-deux-guerres. Affublées du vocable de « contes », ces historiettes véhiculent sur le papier les récits, piquants et cocasses, entretenues et enrichies par la tradition orale.

Médiathèque de l'Orangerie. Lunéville, Meurthe-et-Moselle 19e-20e siècle
Narratif
Jacques Betz, le bibliothécaire alsacien

Jacques Betz nait à Colmar en 1912. Cousin de l’homme de lettres Maurice Betz connu pour ses nombreuses traductions de littérature allemande, Jacques Betz consacre également sa vie aux livres et à l’écriture. A la suite de ses études secondaire au lycée Bartholdi à Colmar, il s’oriente vers une licence ès lettres et vers les métiers des bibliothèques et passe toute sa carrière à la Bibliothèque nationale de France, à Paris, où il occupe un poste de conservateur à la section allemande du département des imprimés. Il s’adonne à l’écriture en qualité de professionnel de l’histoire du livre en collaborant à de nombreux répertoires et bibliographies telles que le Répertoire bibliographique des livres imprimés au XVIe, le Répertoire des livres imprimés en France au XVIIe ou encore l’Index hominim notorum. Spécialiste de l’histoire de l’Alsace, il est membre de plusieurs sociétés culturelles alsaciennes et publie divers ouvrages et articles sur des sujets variés : Colmar, son histoire et son patrimoine, ses personnalités remarquables telles que Bartholdi ou les imprimeurs Decker… Il meurt en 1988.
Depuis 1989, à l’initiative de sa veuve Edith Betz, la Société d’histoire et d’archéologie de Colmar honore sa mémoire en décernant le grand prix d’histoire Jacques-Betz à un travail de recherche sur l’histoire de la ville de Colmar.

A sa mort, Jacques Betz a légué à la bibliothèque de Colmar une partie de ses livres et de ses papiers personnels. Ces derniers contiennent des manuscrits de sa main ainsi qu’un ensemble de document en lien avec Maurice Betz, son cousin, et la relation entre ce dernier et l’écrivain Rilke.
Cet ensemble, contenant une centaine de pièces issues de la correspondance privée, est intéressant car il dévoile les différents liens entre Jacques Betz et les diverses sociétés d’émulation de la région, ainsi que les journaux pour lesquels il écrivait.
L’ensemble comprend également un grand nombre de notices et de comptes-rendus de l’auteur qui permet d’éclairer son travail d’historien du livre et de l’Alsace.

Bibliothèque municipale. Colmar, Haut-Rhin 20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance
Marcel Schneider, entre poésie et littérature fantastique

Né en 1913, Marcel Schneider grandit en région parisienne dans une famille d’origine alsacienne. Après des études au lycée Louis le Grand, puis à la faculté de Lettres de la Sorbonne, il se tourne vers l’enseignement, et obtient l’agrégation de lettres en 1936. Il poursuit sa carrière d’enseignant jusqu’en 1960, année où il se consacre pleinement à la littérature.

Grand passionné de musique et de littérature fantastique, les écrits de Marcel Schneider sont influencés par ceux des surréalistes, de Charles Nodier, de Gérard de Nerval ou encore d’Ernst Theodor Amadeus Hoffmann. Son premier roman, Le Granit et l’Absence, publié en 1947, marque son entrée en littérature, alliant ses deux passions. Les œuvres de Marcel Schneider sont nombreuses, au rythme moyen d’une publication par an jusqu’à sa mort en 2009. Outre des romans et des nouvelles, il est l’auteur de nombreuses biographies de compositeurs et d’essais sur la littérature fantastique. Encore aujourd’hui, son Histoire de la littérature fantastique en France, parue dans son édition définitive chez Fayard en 1985, est une référence dans son domaine. Il rédige également ses mémoires L’Eternité fragile, publiés en 5 tomes chez Grasset dès 1990, traversant ainsi tout le 20e siècle.
Marcel Schneider rédige également des chroniques musicales dans différents quotidiens tels que Combats après la Seconde Guerre mondiale, Le Figaro ou encore Le Point. Son activité de chroniqueur lui ouvre les portes du milieu artistique parisien et il fréquente notamment les salons littéraires de Marie-Laure de Noailles ou encore de Josette Day. Il se lie d’amitié avec de nombreux intellectuels, de tout horizon, côtoyant André Gide ou Georges Dumézil, Jacques Brenner ou encore Paul Morand. Sympathisant de l’Action française, il est un fervent catholique tout au long de sa vie.
Marcel Schneider est récompensé de son vivant à de nombreuses reprises pour son œuvre littéraire : le prix Louis Barthou en 1960, le prix Prince-Pierre-de- Monaco en 1980 ou encore le prix de la langue française en 1982. Il est aussi officier de la Légion d’honneur.

Sa notice biographique dans le Dictionnaire des écrivains contemporains, rédigée par lui-même, laisse entrevoir la personnalité et les idées qui façonnèrent sa vie :
« Il n’a fait carrière ni dans l’Université ni en littérature. Toute carrière exige des sacrifices : il aimait trop la vie pour perdre son temps à ce qui l’ennuyait. Il préférait le rêve à la réalité, l’invisible au visible. Il a lâché la proie pour l’ombre. Cette obscurité a fait qu’il n’a rien écrit qu’il n’ait réellement vécu au fond de lui-même, c’est-à-dire imaginer. L’imagination était pour lui réalité absolue. La vraie liberté consiste à placer son rêve où l’on veut. »

La bibliothèque des Dominicains conserve une trentaine de feuillets de Marcel Schneider, donnés à la bibliothèque par l’auteur en juillet 2002.
La grande majorité des feuillets conservés sont des feuillets d’épreuves de textes de l’écrivain, en grande majorité sous forme manuscrite. Sur ces feuillets apparaissent les titres suivants :
-Bopp, Schuré, Steiner
-Un personnage de Dickens
-Les oiseaux de Wasserbourg
-Ces oiseaux qui passent dans nos songes
Quelques feuillets ont pour sujet l’Alsace ainsi que les dialectes alsaciens. Enfin, une lettre de la main de Marie-Joseph Bopp, envoyée à Marcel Schneider, se trouve dans ce fonds.

Bibliothèque municipale. Colmar, Haut-Rhin 20e-21e siècle
Argumentatif, Narratif
Théophile Conrad Pfeffel, le passeur de culture

Né à Colmar en 1736, Théophile Conrad Pfeffel est une figure incontournable des Lumières allemandes, l’Aufklärung, se faisant médiateur entre les cultures allemande et française. Issu d’une famille protestante, Pfeffel étudie en Allemagne, où il est fortement influencé par les idées du mathématicien et philosophe Christian Wolff. Forcé d’interrompre ses études à la suite de sa cécité, Pfeffel s’oriente vers la littérature pour s’assurer une subsistance. Sa production littéraire considérable, majoritairement en allemand, compte plus d’un millier d’écrits : des fables et des poèmes surtout, la traduction de pièces de théâtre du répertoire français en allemand mais aussi la traduction de récits allemands en français, sans compter son abondante correspondance et ses contributions à des périodiques germanophones. Il est notamment connu pour avoir été un des premiers à introduire la fable satirique et politique en Allemagne et à avoir modernisé ce genre lui apportant une visée moraliste et sociale.

Fortement influencé par les idées des Lumières, Pfeffel est également un pédagogue. En plus de nombreuses œuvres littéraires pour les enfants, il fonde en 1773 une école appelée l’Académie militaire. Cet établissement a pour but d’éduquer les jeunes protestants, entre 10 et 14 ans, qui ont peu accès aux études supérieures. Plus de 300 élèves dont une majorité de Suisses et d’Allemands y sont accueillis pendant une vingtaine d’années, sans compter les quelques 2 000 visiteurs qui viennent à Colmar spécialement pour saluer le pédagogue. Connue jusqu’en Suède ou en Russie, l’Académie militaire attire à Colmar têtes couronnées, nobles ou écrivains, faisant de cette école le cœur d’un réseau d’amitiés européennes. Pfeffel y propose un enseignement novateur et influencé par les débats contemporains. Il repose sur le bon sens et une morale propre au fabuliste : les jeunes y apprennent à se « gouverner eux-mêmes », par le cœur et la raison ; la religion et la philosophie contribuent à l’éducation de l’honnête homme.

Pfeffel fonde également deux sociétés de lecture à Colmar : la Lesegesellschaft ou Société de lecture, en 1770, et plus tard, en 1785, la Tabagie littéraire. A l’image des salons littéraires du 18e siècle, ces sociétés sont créées dans le but d’échanger et de développer les débats d’idées à une époque où les pouvoirs traditionnels sont de plus en plus critiqués et remis en cause. Ces sociétés littéraires, bilingues, permettent de diffuser les valeurs propres au mouvement des Lumières à savoir la liberté d’opinion, l’émancipation par le savoir, l’égalité et le droit naturel ou encore la tolérance. La Tabagie littéraire va encore plus loin dans l’idéal de tolérance car elle est un lieu de rencontre unique entre catholiques et protestants, sans distinction de confessions. Cette société de lecture réunit les notables colmariens : s’y côtoient des pasteurs, des juristes du Conseil souverain, des membres de la loge maçonnique colmarienne, des négociants, ou encore des militaires… La Tabagie littéraire est un lieu de sociabilité fécond pour Pfeffel et ses membres, lieu d’échange et de réflexion qui nourrit une culture politique à la veille de la Révolution française.

Véritable passeur de culture, Pfeffel est tout au long de sa vie un pont entre la culture française et allemande : écrivain de langue allemande mais sujet du Roi de France, il est aussi un représentant des Lumières européennes par son amour de la vertu et du mérite comme moyens d’accéder à la liberté.

La bibliothèque des Dominicains conserve les différentes publications de Pfeffel notamment de belles éditions illustrées de ses Fables et de ses Poésies traduites à partir des années 1840 en français. La collection regroupe également une cinquantaine de pièces manuscrites issues des papiers de la famille Pfeffel, parfois remontant au XVIIe siècle. On peut y trouver des actes notariés, des correspondances ou d’autres papiers personnels, retraçant les activités et les réseaux d’amitiés entretenus par cette famille alsacienne.
Originalité de la collection, on y relève 3 beaux livres d’amitié tenus respectivement par Théophile Conrad Pfeffel, sa fille Caroline ainsi qu’un autre membre de la famille. Ces documents sont un témoignage exceptionnel des réseaux d’amitiés propres au 18e et 19e siècle : le livre d’amitié de Caroline retrace l’histoire de son « Cénacle », société d’émulation littéraire visant à l’apprentissage et à l’élévation de la foi. Ils sont aussi de riches documents pour l’étude de l’histoire matérielle de ces époques.
Les fonds reliés à la collection Pfeffel sont nombreux : ceux des sociétés de lecture et celui de l’Académie militaire. La bibliothèque des Dominicains conserve de nombreuses pièces des archives de ces réseaux culturels, ces « laboratoire d’idées », propres à Colmar au siècle des Lumières. Ces archives sont intéressantes du point de vue organisationnel : elles permettent de comprendre le fonctionnement de ces sociétés, les échanges entre les membres ou encore l’enrichissement et la vie des bibliothèques qui y sont attachées.

Bibliothèque municipale. Colmar, Haut-Rhin 18e-19e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
La famille Stoeber, les pionniers du folklorisme

Archives de Daniel-Ehrenfried Stoeber (1779-1835) et de ses fils Auguste Stoeber (1808- 1884) et Louis-Adolphe Stoeber (1811-1892), importante famille de lettrés originaire de Strasbourg (où un monument leur est dédié) et installée à Mulhouse autour de 1840. Les Stoeber se sont illustré dans les domaines de la poésie, de l’histoire et, de manière pionnière, de l’ethnographie des contes, légendes, proverbes, etc. d’Alsace qu’ils ont recueillis et édités.

Le fonds se compose de 4 mètres linéaires de documents : manuscrits, correspondance, documents d’archive, petits imprimés et tirés à part, etc. Très importante correspondance reflétant les riches échanges des Stoeber avec d’importantes figures des arts et des lettres de part et d’autre du Rhin (abbé Grégoire, Benjamin Constant, Oberlin, Hebel, frères Grimm, etc.). Le meuble d’origine contenant les archives Stoeber est aujourd’hui situé au 2e étage de la Bibliothèque Grand’Rue. 

Bibliothèque-médiathèque. Mulhouse, Haut-Rhin 18e-19e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie, Théâtre
Nathan Katz, le poète du Sundgau

Nathan Katz (1892-1981), écrivain talentueux originaire du Sundgau, est l’auteur d’une importante œuvre poétique en langue alémanique, mais aussi de pièces de théâtre en dialecte alsacien. L’Alsace, et notamment le Sundgau, traverse et imprègne fortement son œuvre qui est progressivement traduite et éditée en langue française à partir de 1987 et, surtout, rendue accessible par les 2 tomes de son Œuvre poétique (bilingue alémanique-français) publiée en 2001 et 2003 aux Éditions Arfuyen (Orbey).
Les Éditions Arfuyen poursuivent la publication d’éditions bilingues de textes de N. Katz.

Sundgäu : 8 poèmes manuscrits (Elsass | Schwangeri Fraü | D’r Tod un’s Làbe | Un jedesmol wenn i üs dr gang | Das heimlige Waihje | D’ Birle üf dr Hurt | D’ verstosseni Liebi | Di Morgegrüess)
1 Tapuscrit (111 f.) de Sundgäu
-1 dossier d’archives comprenant des poèmes manuscrits dont « Gschichtle üs eme Sundgauderfle« , des poèmes issus d’articles de journaux, une coupure de presse « Hommage à Nathan Katz », une photo de Nathan Katz, une brochure sur le centenaire de sa naissance
-1 Tapuscrit (56 f.) avec corrections manuscrites pour D’Ardwibele : conte lyrique (tiré d’une vieille légende du Sundgau) / Nathan Katz ; musique de Léon J. Kauffmann ; traduit de l’alsacien par le Docteur G. Will

Bibliothèque-médiathèque. Mulhouse, Haut-Rhin 19e-20e siècle
Narratif, Poésie, Théâtre
Tony Troxler, le « saltimbanque »

Poète en dialecte alsacien, dramaturge et comédien né en 1918, Tony Troxler (de son vrai nom Antoine Troxler) fut un ardent défenseur de la culture alsacienne, notamment du théâtre, dont il a été la figure principale à Mulhouse. Créateur et acteur des Herre-n-Owa, spectacle à la seule destination des hommes, de revues, initiateur du renouveau du carnaval mulhousien, promoteur du dialecte alsacien et de la gastronomie, écrivain, Tony Troxler a été un personnage important de la vie culturelle mulhousienne après la Seconde Guerre mondiale. Il est mort en 1998.

Ce fonds est composé de manuscrits et de tapuscrits de l’auteur, de sa correspondance, de cassettes audio et vidéo, de disques, de photographies, de pièces de théâtre en alsacien, d’objets (accessoires de scène…), de partitions, de ses livres (ainsi qu’une partie de la bibliothèque du Théâtre alsacien de Mulhouse).
Ce fonds a été donné par les filles de Tony Troxler (Evelyne et Sylvie) à sa mort en 1998.

Bibliothèque-médiathèque. Mulhouse, Haut-Rhin 20e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie, Théâtre
René-Nicolas Ehni, l’irrévérence de la langue

Natif d’Eschentzwiller (Haut-Rhin) à proximité de Mulhouse dans le sud de l’Alsace, René Ehni étudie à Mulhouse avant de « monter » à Paris pour, selon ses mots, « sortir du trou ». A vingt ans, il entre à l’école de théâtre de la rue Blanche. Figurant à la Comédie française, il « joue » dans des roman-photo, pose pour des publicités, etc.

Puis c’est la guerre d’Algérie, période traumatique qui hantera sa vie et son œuvre littéraire (voir notamment Algérie-roman, Denoël, 2002). Après deux ans et demi de guerre, il s’éloigne à Rome et se lie avec les écrivains Elsa Morante, Alberto Moravia, les cinéastes Pasolini et Franco Zefirelli, l’actrice Laura Betti, etc. puis retourne à Paris, dans le groupe des Temps modernes (du nom de la revue fondée après-guerre par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir). De cette époque, il conserve de tumultueuses amitiés (Hector Bianciotti, Jean-Louis Bory, Maurice Béjart, Christian Bourgois, etc.).

Il travaille dans un centre dramatique avant d’être assistant de Maurice Béjart à Bruxelles, mais c’est avec un roman, La Gloire du vaurien (publié en 1964 par Christian Bourgois, alors directeur des éditions Julliard) qu’il entre en littérature – encouragé en cela par Simone de Beauvoir – et conquiert une soudaine et insolente célébrité littéraire. Surnommé à la rentrée 1964 la «bombe Julliard», le livre qui met en scène les tribulations d’un jeune homme (double de l’auteur), jouisseur invétéré «délicieusement pourri » entre Munich, Capri et Myconos, connaît en effet un succès retentissant. Sa verve pamphlétaire et iconoclaste annonce Babylone vous y étiez, nue parmi les bananiers (1971) et beaucoup d’autres.

L’année 1968 voit la publication d’un second roman, Ensuite, nous fûmes à Palmyre, chez Gallimard – en soi un signe de reconnaissance littéraire – et celle de la pièce de théâtre Que ferez-vous en novembre ? (Christian Bourgois, 1968) montée en 1967 et qui rencontre un succès critique inattendu, consacrant Ehni comme auteur dramatique. Christian Bourgois, l’éditeur de Boris Vian, d’Alain Robbe-Grillet ou encore de Tolkien en France, sera en quelque sorte le mentor d’Ehni envers qui il témoignera une rare fidélité. Il publie ses autres pièces de théâtre (L’Amie Rose, 1970, création au Théâtre national de Strasbourg en 1974 ; Super-positions ; Eugénie Kopronime, 1970 ; Jocaste, 1976, création Théâtre national de Chaillot l’année précédente), mais aussi nombre de livres relativement inclassables entre farce (Pintades, 1974, pastiche jubilatoire du Paludes de Gide ), roman (Babylone vous y étiez, nue parmi les bananiers, 1971), auto-biographie (Côme, confession générale, 1981 ; Le voyage en Belgique, 1988 ; Apnée, autobiographie, 2008) et essai polémique (Quand nous dansions sur la table, 2000). Plusieurs de ces ouvrages sont d’ailleurs publiés au format « poche » chez 10/18, collection populaire que dirige parallèlement C. Bourgois entre 1968 et 1992.

Le microcosme littéraire, culturel et intellectuel parisien, ses codes, impostures et faux-semblants sont régulièrement la cible de l’ironie mordante d’Ehni dans ses écrits, à la fois fasciné et irrité par ce milieu au jeu duquel il s’est pris mais dans lequel il est insoluble. S’il est à la mode (celui qui joue un temps le dandy parisien écrit parallèlement des pièces de théâtre pour la télévision et Radio France), Ehni passe aussi pour un provocateur qui crache dans la soupe, régulièrement taxé d’enfant terrible des lettres françaises… En 1973 il rompt d’ailleurs avec sa vie parisienne pour retourner vers ses racines (tout à la fois, selon lui, alsaciennes, juives et tziganes). On le voit militer en Alsace contre le nucléaire, le canal à grand gabarit et pour les langues régionales (Ehni avait écrit dès 1972 une pièce en alsacien pour le Théâtre alsacien de Mulhouse), témoignant d’une forme nouvelle d’engagement aux côtés de son ami le médecin Louis Schittly (co-fondateur de Médecins sans frontières). Ils signent ensemble La Raison lunatique : Roman du pays, publié en 1978 par Gallimard. Les deux défenseurs du Sundgau chantent la paysannerie en péril, « zonent » ensemble dans les Balkans et se convertissent ensemble vers 1980 à la religion orthodoxe.

Après le retour au pays natal, la Crète devient en 1991 sa nouvelle patrie. Au café-épicerie du petit village de Plaka il achète régulièrement des cahiers (souvent bleus de la marque « Super ») que jour après jour il noircit de fulgurances poétiques et polémiques, de réflexions spirituelles et de récits personnels, de considérations politiques, historiques et civilisationnelles sur le devenir de l’Occident. Il envoie de nombreux cahiers à ses amis, à Dominique, l’épouse de Christian Bourgois, à Bernard Reumaux, etc., leur laissant le soin d’apprécier ce qui pourrait faire un livre, malgré l’aspect textuel souvent déroutant et peu exploitable sur le plan éditorial. Christian Bourgois, fidèle à sa philosophie du «livre inadmissible», publie néanmoins le scandaleux Quand nous dansions sur la table, suivi de Lettre à Dominique «comme si c’était le premier roman d’un jeune auteur», tandis que Bernard Reumaux publie Vert-de-gris. Traité autobiographique (1994), Venez, enfants de la patrie ! (1998) et Chantefable (2006) qui s’apparentent à des essais. Apnée, le dernier livre de René-Nicolas Ehni (publié en 2008) est l’occasion d’un retour sur son cheminement – tant littéraire que géographique et spirituel – et un hommage à Christian Bourgois son ami et éditeur.

Les archives littéraires et personnelles de René-Nicolas Ehni sont conservées depuis 2010 parmi les collections patrimoniales de la bibliothèque municipales de Mulhouse. Les documents étaient précédemment conservés pour une partie chez René-Nicolas Ehni en Crète, pour l’autre au domicile de Louis Schittly à Bernwiller dans le Sundgau (département du Haut-Rhin).

Elles représentent environ 22 mètres linéaires, soit près de 6000 documents de toute nature (manuscrits et tapuscrits, carnets et journaux intimes, correspondance, documents d’archives, coupures de presse, photographies, dessins, objets personnels, etc.) réparties en une trentaine de boîtes d’archives. Ce fonds reflète la présence constante de l’écriture dans la vie de René-Nicolas Ehni. Il révèle la singularité du travail littéraire de l’auteur, entre accumulation d’apparence chaotique et reprise quasi-obsessionnelle de certains thèmes. Il fait apparaître un style tumultueux, rebelle et inventif, où la langue maternelle, le dialecte alsacien, mais aussi l’allemand et le grec cherchent souvent à jaillir et s’immiscer, tout comme les néologismes et autres « barbarismes » forgés avec jubilation par l’auteur.

La part la plus importante (14 boîtes) rassemble des manuscrits et tapuscrits (pour une part polycopiés) de la majeure partie des œuvres de René-Nicolas Ehni, romans et autres textes narratifs, essais et pièces de théâtre. Parmi ces quelques milliers de feuillets figurent des textes présentant des états antérieurs, des variantes et des reprises différant significativement avec les textes tels que publiés. Il s’agit donc d’un matériau particulièrement riche et intéressant pour l’étude de la genèse des livres publiés, moyennant un travail d’identification et de rapprochement qui s’avère souvent ardu et labyrinthique. Une proportion d’écrits ne présente par exemple ni titre ni date. Le cas des carnets et des cahiers d’écolier qui ont servi de support privilégié à l’écrivain est de ce point de vue représentatif, présentant nombre de fragments d’ouvrages publiés ou s’y raccrochant mais le plus souvent des textes inédits. Cette part non publiée constitue selon Ehni, avec le goût de l’excès et de la provocation qui peut le caractériser, « les 9/10èmes de son œuvre, et souvent le meilleur ». Un certain nombre de carnets relève toutefois du journal personnel et parait a priori indépendant de tout projet éditorial, mais la frontière est parfois mince parmi les écrits d’Ehni et tout est susceptible à un moment de venir nourrir un livre en projet.

La correspondance professionnelle, amicale, familiale et administrative de René-Nicolas Ehni occupe ensuite 5 boîtes. La correspondance reçue de personnalités littéraires (auteurs, critiques, éditeurs…) et artistiques (théâtre, cinéma…) telles Simone de Beauvoir, Cocteau, Rezvani, Béjart, Bianciotti, Moravia, Zefirelli ou Pasolini, donne à sentir l’effervescence intellectuelle et artistique à laquelle Ehni a pu se mêler, en particulier durant ses années italiennes et parisiennes.
Quatre boîtes d’archives rassemblent des coupures de presse et de revues tant sur l’auteur (documentant notamment la réception de ses livres et pièces de théâtre) que d’autres rassemblées par ce dernier sur la culture, la politique et des sujets divers qui ont pu alimenter ses écrits.

Enfin, six boîtes de varia présentent une dimension particulièrement intéressante : outre les affiches et des photographies de pièces de théâtre conçues par René Nicolas Ehni figurent des dessins de sa main, des photographies de l’auteur (souvent jeune), ainsi qu’un ensemble – assez hétéroclite du reste – d’objets personnels : agendas et répertoires, cahiers d’écolier, lunettes, cartes à jouer, bibelots, ephemera…

S’ajoute aux archives stricto sensu la bibliothèque personnelle de René-Nicolas Ehni (du moins la partie qui a pu être rassemblée et conservée), laquelle compte environ 500 documents (livres, revues, documents audiovisuels). La présence de cette bibliothèque dans le fonds permet d’éclairer les références et les influences qui nourrissent l’œuvre de l’écrivain mais aussi, à travers les dédicaces notamment, les constellations littéraires dans lesquelles il s’inscrit.

Le fonds comprend également des archives de la famille de René-Nicolas Ehni (environ 500 documents : correspondance familiale entre 1904 et 1984, documents administratifs) et une boîte d’archives de Louis Schittly contenant de la correspondance (lettres de René Louis Ehni, échanges autour d’un article sur la liberté du journaliste) et une dizaine de textes manuscrits et tapuscrits, parmi lesquels l’esquisse de son film en dialecte alsacien D’Goda (La Marraine) coréalisé avec Daniel Schlosser en 1973. Les autres sont à rapprocher de ses livres Fyirr et Nadala, Conte bilingue [Français/Alsacien] (Éditions du Rhin, 1996) et Dr Näsdla ou Un automne sans colchiques (Éditions Hortus Sundgauviae, 1983) consacré à la paysannerie, ou encore des textes écrits à deux mains avec René-Nicolas Ehni (en premier lieu La Raison lunatique, 1978).

Bibliothèque-médiathèque. Mulhouse, Haut-Rhin 20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif, Théâtre
Milhüüsärditsh ! La poésie dialectale du mulhousien Eugène Fallot-Landsman

Eugène Fallot-Landsman (1837-1918), qui avait ajouté le pseudonyme « Fallot » à son nom d’auteur, est un poète dialectal né à Mulhouse. Il travaille de 1856 à 1883 comme dessinateur textile dans l’atelier de Samuel Louis Schönhaupt, par ailleurs membre du comité du Musée historique de Mulhouse et éminent peintre héraldiste, auteur du Livre d’or de la ville de Mulhouse (1883), illustrée des armoiries des familles bourgeoises de l’ancienne république mulhousienne, et de l’Armorial des communes d’Alsace (1900).

Eugène Fallot-Landsman s’intéresse beaucoup lui-même à l’histoire locale (il publie en 1906 un plan du vieux Mulhouse, Alt-Mülinhüsen, accompagné d’une notice descriptive) et surtout à la poésie dialectale, qu’il mêle intimement dans ses écrits. A ce titre il entre en relation avec les frères Auguste et Adolphe Stoeber, considérés comme les pionniers des études sur le folklore alsacien.

Son œuvre littéraire, majoritairement composée de poèmes et de récits en rimes (une douzaine d’œuvres répertoriées, publiées entre 1881 et 1912), révèle une inspiration lyrique et épique, puisant également dans les textes bibliques (Ancien Testament, Psaumes, etc.). Elle peut être considérée comme typiquement mulhousienne, tant Mulhouse, ses idiomes et ses toponymes (Tour du diable, Tour du Bollwerk, la rivière l’Ill…) y sont présents. L’auteur revendique le fait d’écrire en Milhüüsärditsh (dialecte mulhousien), ce jusque dans les titres ou sous-titre de certains de ses recueils poétiques (Shtupfälaarä : Milhüüsärditshä Gedichtär…, 1901).

Il est à cet égard révélateur que les manuscrits d’Eugène Fallot-Landsman, véritable patrimoine linguistique local, soient conservés tant dans les collections du Musée historique de Mulhouse (37 cahiers de poésies en alsacien, en français et en allemand) que dans celles de la Bibliothèque municipale.

Les manuscrits d’Eugène Fallot-Landsman conservés à la Bibliothèque municipale de Mulhouse se composent de 4 volumes reliés format in-octavo, calligraphiés par l’auteur avec pièces de titres également manuscrites. Contenant de nombreux poèmes ou courts récits rimés en alsacien et en français, ils semblent relativement tardifs (entre 1909 et 1916) et concernent principalement deux œuvres de l’auteur.

La première, D Ofäbaarung, publié à Mulhouse en 1896, est un recueil poético-mystique sous forme de longue incantation rimée déclinée en 12 chants ponctués de références bibliques, dont l’auteur donne dans le manuscrit une version améliorée a priori inédite. Dans les derniers feuillets figure, en ancien français et en allemand, « La légende des mouchettes. 1293 ».

La seconde, Die Güldne Mär vom Bollwerkturm. Mülhauser Sage aus dem 13. Jahrhundert (= Le Conte d’Or de la Tour du Bollwerk. Légende mulhousienne du 13e siècle), publiée à Mulhouse en 1912, est un long poème d’inspiration médiévale en quatrains rimés. L’auteur en donne au fil des quatre volumes reliés différentes versions remaniées, tant en dialecte du Sundgau (sud de l’Alsace) qu’en français et en allemand, ponctuées d’autres poèmes et pièces rimées, jusqu’à une version complète et définitive composée de 24 chants (contre 16 dans l’édition de 1912). En accord avec la tonalité de l’œuvre, sa rédaction semble donc avoir été elle-même une petite épopée !

Bibliothèque-médiathèque. Mulhouse, Haut-Rhin 19e-20e siècle
Narratif, Poésie
Maurice Mutterer : médecin, érudit… et écrivain !

Maurice Mutterer (1870-1958), qui entre en 1895 comme assistant à l’hôpital de Mulhouse, est d’abord un médecin reconnu (études à Strasbourg, Münich et Paris), collaborateur de revues médicales, auteur par exemple d’une « Note sur un cas d’hystéro-épilepsie à crises distinctes, avec ecchymoses spontanées et accès de fièvre hystérique » (publiée dans les Archives de neurologie en 1902) qui n’a rien de très littéraire ! Il exerce ses talents de médecin à Mulhouse pendant une cinquantaine d’années. En tant que médecin-chef des services des maladies internes, il œuvre contre la petite vérole qui sévit à Mulhouse en 1906. Il conseille l’industriel et philanthrope Auguste Lalance (1830-1920) pour la fondation en 1902, à côté de Mulhouse, du sanatorium qui porte son nom (M. Mutterer en est le médecin-chef de 1912 à 1944). Il dirige par ailleurs en 1908 le premier dispensaire antituberculeux de Mulhouse.

Erudit féru d’histoire, collectionneur de documents anciens sur l’Alsace, auteur d’une Evocation de la Sicile antique (Paris, 1946), il publie de nombreuses études historiques dans le Bulletin du Musée historique de Mulhouse, le Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse et la Revue d’Alsace ou la Revue alsacienne illustrée, parmi lesquelles « Le Flûtiste Jean-Gaspard Weiss en Italie et ses relations avec Angélique Kaufmann et Grétry » ou encore « A propos d’une expression encore inexpliquée du Hortus deliciarum » (1925). Passionné par le romantisme, l’Allemagne et l’Italie, il consacre une grande partie de ses travaux à Rousseau (« Jean-Jacques Rousseau à Strasbourg », 1904) et à Goethe (« L’appel méditerranéen de Goethe », 1932 ; Esquisses goethéennes, Paris, 1948), dont il propose avec succès une traduction complète du Voyage en Italie (Paris : Honoré Champion, 1930), toujours rééditée.

Sur le plan littéraire, outre ses poésies, Maurice Mutterer est l’auteur de Près du tombeau de Cestius. Lettres d’Italie à un ami d’Alsace (Strasbourg : Imprimerie Alsacienne, 1921), ouvrage primé en 1923 par l’Académie Française. Œuvre de fiction écrite pendant la première Guerre mondiale (à Strasbourg ou à Mulhouse), elle intègre des souvenirs vécus de l’auteur, sous forme de lettres fictives adressées d’Italie (Rome, Florence, Venise, Pise…) entre 1912 et 1914 à un proche resté en Alsace. L’écriture est truffée de références littéraires (Montaigne, Petrarque, Boccace, Goethe, Chateaubriand…), le tombeau de Cestius évoquant l’emplacement près duquel Goethe avait souhaité reposer, dans « ce poétique cimetière des étrangers si paisiblement endormi au pied de l’Aventin » (M. Mutterer). On lui doit également La Reine Sibylle (Paris : Berger-Levrault, 1927), roman historique autour de la figure de Sibylle dite de Medaria, régente de Sicile à la fin 12e siècle (royaume normand de Sicile).

La Bibliothèque municipale de Mulhouse conserve une quarantaine de manuscrits unitaires de Maurice Mutterer regroupant souvent, pour chacun, un jeu de manuscrits (parfois un grand nombre de petits carnets cousus format in-12), tapuscrits et notes préparatoires ou documents de recherche, portant le nombre total d’unités matérielles bien au-delà de la centaine.

La majorité concerne des articles, études et conférences tant sur l’histoire de l’Alsace (« Un document alsacien sur la quatrième croisade : la Historia constantinopolitana de Gunther de Pairis », 1928, l’archéologie dans le bassin méditerranéen (Sicile antique, fouilles de Delphes…) que la musique et les arts (Leonard de Vinci, Martin Schongauer…), en particulier les grandes figures littéraires chères à Maurice Mutterer : articles et études sur Goethe (qui seront rassemblés et publiés dans le volume Esquisses Goethéennes en 1948), J.-J. Rousseau (dont un « Essai biographique ébauché » en 1896-1897), Herder, etc.

Viennent ensuite une quarantaine de carnets contenant des notes de lecture et une vingtaine de carnets de voyage manuscrits, essentiellement dans le sud de l’Allemagne et en Italie.

Ces derniers sont à rapprocher de ses écrits littéraires dont les manuscrits sont conservés. Il faut citer en particulier ceux relatifs aux deux livres les plus connus de Maurice Mutterer, à savoir La Reine Sibylle (MS 63/1-2), soit 5 carnets manuscrits ainsi qu’un article historique tiré du Goetheanum de mai 1931 qui indique bien la manière dont l’auteur « documentait » ses quelques écrits littéraires), et Près du tombeau de Cestius (MS 64/1-2) dont les lettres sont nourries de descriptions de l’Italie. Évocations de la Sicile antique (Ms 62, 8 cahiers) conte quant à lui la mort du poète et philosophe grec de Sicile Empédocle, avant de faire dialoguer Sénèque, le gouverneur romain Lucilius ou encore le philosophe Aristoclès au fil d’entretiens sur les passions humaines, le destin, la beauté, recherche d’une forme de sagesse, etc. Cet écrit peut être rangé par son style parmi les œuvres littéraires de Maurice Mutterer, dont l’un des talents est de marier les registres historiques et littéraires dans un style vivant, pétri et « illustré » de références à la culture européenne.

Bibliothèque-médiathèque. Mulhouse, Haut-Rhin 19e-20e siècle
Argumentatif, Narratif, Poésie
Victor Schmidt, une plume alsacienne entre théâtre, musique et poésie

Victor Schmidt (ou Schmitt) est un poète lyrique, auteur dramatique dialectal et compositeur né en 1881 ayant passé son enfance à Thann, petite ville industrielle au pied des Vosges où il apprend le métier de dessinateur textile à l’école professionnelle supérieure, et compose des poèmes en dialecte publiés dans la presse sous divers pseudonymes.
Dessinateur textile à Mulhouse (le Musée d’impression sur étoffes – MISE – conserve quelques-uns de ses dessins), il fait le choix de s’installer à Paris en 1904 : il s’y perfectionne dans le dessin d’impression (atelier Guerin), tout en profitant de son séjour pour étudier la musique (flûte, piano, composition…), améliorer son français et apprendre la technique dramatique en fréquentant les théâtres.

Peu avant le déclenchement de la Grande Guerre il revient définitivement à Mulhouse où il publie ses premiers ouvrages, des recueils de poésie en dialecte parmi lesquels on peut citer l’édition complète en 1939 de Geranium (réédité en 1947), qui englobe les poésies de plusieurs recueils publiés entre 1920 et 1930. L’édition, soignée, est illustrée par des artistes alsaciens parmi lesquels le graveur sur bois Henri Bacher (1890-1934).

Mais le nom de Victor Schmidt est avant tout lié à l’histoire du Théâtre alsacien de Mulhouse, où ses œuvres dramatiques furent jouées la première fois avant de l’être à Bâle, Zürich et même Paris. Son œuvre théâtrale, volumineuse et diversifiée, comprend essentiellement deux genres : des contes écrits pour la scène, et des comédies ou farces. Sa première pièce, une farce, Dr Erscht April, écrite pendant la guerre de 1914-1918 est montée à Mulhouse en mai 1919. Elle est suivie par D’r Schaeffer Mathis, Fiesinger et Cie qui connaît un succès retentissant en 1922. Il est distingué par le Prix Gustave Stoskopf en 1947 pour Odile (1946), pièce écrite alors qu’il était réfugié à Steinbrunn-le-Bas pendant la seconde Guerre mondiale.

Fondateur en 1937, avec d’autres poètes, du groupe « Quodlibet-Mulhouse », collaborateur de diverses revues (Mülhauser Tagblatt, Der Hüsfrind – plus tard rebaptisé L’Almanach de l’Alsace et des Marches de l’Est), Victor Schmidt est l’auteur de nombreuses causeries (sur la presse, le bonheur, l’amour, l’humour, le théâtre, etc.), pièces et contes radiophoniques. Il passe ainsi régulièrement sur les antennes de Radio Strasbourg et de Radio Bâle, tandis que Radio-Lausanne crée en français plusieurs de ses pièces, dont Le poirier enchanté, La cruche bleue, et L’étoile filante.

Victor Schmidt est également le compositeur de nombreuses chansons, paroles et musique. Elles parurent notamment sous le nom de Klang üs’m Elsass avec partition pour piano. La plus célèbre « S’Heimweh » (= Le mal du pays), chanson alsacienne pour chant et piano, avec paroles françaises et alsaciennes, composée en 1948, devient une sorte d’hymne alsacien à travers le monde. Au titre des compositions musicales, on peut citer « Angélus d’Alsace », un solo de violoncelle, et des fantaisies pour piano comme « La vieille horloge », « Hymne à la ville de Mulhouse », etc.

Il faut enfin mentionner que Victor Schmidt, en relation avec un certain nombre d’artistes alsaciens (Paul Hertzog, Henri Bacher, Louis Philippe Kamm…) et dont le peintre Alfred Giess (Grand Prix de Rome en 1929, conservateur du Musée national Jean-Jacques Henner à partir de 1957) a fait un portrait, pratiqua lui-même la peinture pour chanter d’une autre manière son amour pour Thann et le Sundgau (sud de l’Alsace).

Les manuscrits de Victor Schmidt conservés à la Bibliothèque municipale de Mulhouse sont au nombre de 8 unités (Ms. 89, Ms. 94 à 100), a priori donnés par son épouse Emma Schmidt après le décès de l’écrivain. Si l’importance matérielle est réduite, ces manuscrits embrassent toutefois les divers registres littéraires dans lesquels l’écrivain s’est exprimé.

La poésie et les chansons sont représentés par un recueil relié (Ms. 89) qui rassemble des poèmes (pour certains en différentes versions), en alsacien mais également en français, publiés dans les recueils Geranium (1920), Kappezinerle (1928), Pfingstnagele (1930) et Spitzewadri (1953), ce dernier réunissant des œuvres de jeunesse publiées avant 1900 sous divers pseudonymes. On y trouve également des poèmes inédits et plus tardifs, des versions en français de certains de ses poèmes, mais aussi des adaptations en alsacien de poèmes de Verlaine, Musset, Lamartine, etc. Parmi les poèmes emblématiques du recueil figurent « S’Heimweh » / « Le mal du pays » (version de 1904 et nouvelle version), « ‘S Lied vum Bächle » / « La chanson du ruisseau », « Geranium », « Melancholie », « Odile », « Elsasslied » / « Chanson d’Alsace », etc.

Les contes forment un autre ensemble. Un recueil relié (Ms 96 à Ms 100) en rassemble plusieurs, parmi lesquels « Der Schwarzepeter » (également publié en français sous le titre « Le valet noir ») publiés de manière dispersée dans D »r Elsässer Kaländer Hüsfrind (L’Ami du foyer dans les années 1930, puis Almanach de l’Alsace et des Marches de l’Est à partir des années 1950). Deux d’entre eux sont en français. « Le chien aboyant et la fontaine. Güethebrinnele » conte l’histoire des souffrances d’un jeune sculpteur à la fin du 15e siècle qui aurait laissé plusieurs œuvres dans la pierre de la belle collégiale et de la vielle ville de Thann (une adaptation sous forme de conte radiophonique en français sous le titre « Le Pilier de la Madone » en 1961). L’autre, « Au premier acte de ma vie. Le premier en classe », sans doute en partie autobiographique, résonne d’accents un peu revanchards en mettant en scène l’opposition à tous niveaux entre le fils unique, d’ascendance ostensiblement allemande, du « Herr Kreisdirektor » d’une petite ville (Thann ?) et ses camarades de classe alsaciens, considérés comme des « vauriens » par tous les « « Herren Professoren » à barbe et à lunette (…) ayant franchi le Rhin… » qui nous évoquent immanquablement les caricatures du célèbre Hansi !

Dans un autre manuscrit (Ms. 95) l’auteur présente des « vers dialogués et humoristiques », le plus souvent sous la forme de quatrains rimés distribués entre plusieurs personnages. L’auteur nous indique en préambule que « Plusieurs ont été diffusés et racontés comme bons mots, qui sont peut-être connus. Mais je puis certifier qu’ils sont de mon cru » !

Le théâtre en dialecte est représenté par la pièce Mit me Gump ins neye Johr! (= Un saut dans la nouvelle année), courte pièce dont le manuscrit (Ms. 94) mentionne un accompagnement musical. Parmi la centaine de pièces de théâtre, recueils de poèmes, contes et nouvelles mais aussi partitions signées Victor Schmidt conservés dans le fonds d’Alsatiques de la bibliothèque municipale figure par ailleurs un certain nombre de tapuscrits souvent annotés, dont le repérage est en cours afin de les rapprocher des manuscrits et les signaler en tant que tels. C’est le cas de la pièce de théâtre Odile (1er Prix du concours littéraire « Prix Gustave Stoskopf » 1946 organisé par le Syndicat des Théâtres alsaciens), écrite « d’après nature » pendant la seconde Guerre mondiale alors que Victor Schmidt était réfugié dans un village au sud de Mulhouse, et montée par le T.A.M. (Théâtre alsacien de Mulhouse Tony Troxler y interprète d’ailleurs un rôle) en novembre 1946, avant d’être jouée au Théâtre de Strasbourg au printemps 1948. Un dossier documentaire (cote F 700883) nous en livre une version polycopiée présentant de nombreuses annotations et corrections manuscrites, mais aussi le programme imprimé du Théâtre alsacien de Mulhouse, des photographies de la pièce et un ensemble de coupures de presse de l’époque. D’autres pièces inédites sont à signaler (‘S Rote Rad im wisse Fald : revue radiophonique mulhousienne en trois actes, vers 1948 ; Allo, Grande distillerie alsacienne ! : E Spiel rund um d’Liewe…).

Bibliothèque-médiathèque. Mulhouse, Haut-Rhin 19e-20e siècle
Narratif, Poésie, Théâtre
Georges Hérelle, traducteur et découvreur

Né à Pougy-sur-Aube en 1848, Georges Hérelle fait ses études à Troyes, puis à Paris. Après une licence de philosophie en 1871, il enseigne à Vitry-le-François (Marne), en Normandie, puis enfin à Bayonne, où il décède en 1935.
L’œuvre de Georges Hérelle est plurielle. Historien, il est l’auteur notamment de plusieurs publications sur l’histoire de la Champagne. Son œuvre est également littéraire. Il est notamment le premier traducteur en français de l’écrivain italien Gabriele D’Annunzio (1863-1938) ; il traduit également la production d’autres grands auteurs italiens et espagnols comme Grazia Deledda (1871-1936), qui reçoit le prix Nobel de Littérature en 1926, et Vicente Blasco Ibanez (1867-1928).
Georges Hérelle correspond régulièrement avec D’Annunzio, ainsi qu’avec de nombreux écrivains français de son époque, comme son ami de jeunesse Paul Bourget (1852-1935).
Sous le pseudonyme de L. R. de Pogey-Castries, Hérelle se fait historien et sociologue de l’homosexualité. Il publie en 1930 une Histoire de l’amour grec. Pour ce faire, il réunit une riche documentation : imprimés, manuscrits, iconographie ; sa correspondance et ses notes contiennent ses observations sur la vie des homosexuels de son époque.
À Bayonne, il étudie le théâtre basque traditionnel, en publiant de nombreuses études et éditions des pastorales.
La donation Hérelle à la Ville de Troyes a eu lieu de 1921 à 1936, complétée en 1973 par des archives familiales.

La Médiathèque Jacques-Chirac de Troyes Champagne métropole conserve les archives suivantes :
-Œuvres de G. D’Annunzio : manuscrits autographes de Francesca da Rimini, Sonnets cisalpins…
-Œuvres d’autres écrivains : manuscrits autographes de Grazio Deledda, Matilde Serao…
-Récits et souvenirs relatifs à G. D’Annunzio, lors de séjours en Italie
-Correspondance de G. Hérelle avec de nombreux écrivains français, avec G. D’Annunzio et d’autres écrivains italiens et espagnols (lettres reçues et copies de lettres envoyées)
-Mémoires littéraires sur les ouvrages et les traductions de G. Hérelle
-Manuscrit de l’Histoire de l’amour grec et documentation relative aux recherches sur l’homosexualité (notes, coupures de presse, brochures)
-Correspondance avec sa famille
-Correspondance et documents relatifs au don de G. Hérelle à la Bibliothèque de Troyes
La Médiathèque conserve également la bibliothèque de Georges Hérelle comptant un millier de volumes dont ses traductions, des éditions de bibliophilie, des œuvres de D’Annunzio, des ouvrages sur la sexualité, ainsi que des albums de photographies.

Médiathèque Jacques-Chirac. Troyes, Aube 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie, Théâtre
Les Cahiers bleus, une revue littéraire troyenne

La revue littéraire Les Cahiers bleus est fondée en 1975 par Dominique Daguet (1938-2021), écrivain, poète et journaliste français, qui reçoit le prix Fénéon en 1960 pour Soleil et Lune. Il publiera ensuite une cinquantaine d’ouvrages.
Un temps secrétaire de Jean Paulhan, il poursuit une carrière sous le signe des arts et des lettres. C’est ainsi qu’il est nommé directeur du centre culturel Thibaut de Champagne à Troyes (Aube), depuis renommé La Maison du Boulanger. Il enseigne également l’art dramatique et la diction poétique au Conservatoire de la ville.
Dans le prolongement d’une première entreprise éditoriale à Villeneuve-sur-Lot et en écho à la célèbre bibliothèque bleue née à Troyes au 17e siècle, Dominique Daguet lance en 1975 la revue Les Cahiers bleus.
Écrivains et peintres y sont accueillis, tels Henri Thomas, André Dhôtel, Alexandre Vialatte, René-Jean Clot, Georges Braque, Jean Fautrier, Roger Lambert-Loubère, Robert Wogensky, Grégoire Michonze, Claude Domec, Philippe Lejeune et bien d’autres encore. Plus de 1800 auteurs et artistes ont en effet contribué à la revue, proposant régulièrement des numéros thématiques comme « L’amour par écrit », « Notre frère l’arbre », « L’Ange » ou des numéros dédiés à différents territoires : « Poèmes de Roumanie », « Voyages dans les îles »,  » Poésie clandestine russe au 20e siècle « , etc.
A partir de 1982, la maison d’édition des Cahiers Bleus étoffe son catalogue avec la publication de livres, principalement de poésie.
Désireux de passer la main, Dominique Daguet confia en 2008 les Cahiers bleus aux éditions Auguste Zurfluh, qui publient jusqu’à leur liquidation en 2010.

Le fonds des Cahiers bleus conservé à la médiathèque de Troyes Champagne métropole est constitué de plusieurs ensembles :
-Les numéros de la revue, parus de 1975 à 2010
-Une bibliothèque de plus de 1000 ouvrages édités pour beaucoup par les éditions des Cahiers bleus
-Des archives déposées par Dominique Daguet en 2008, contenant les textes manuscrits de nombreux écrivains publiés dans la revue ou dans la collection, ainsi qu’une riche correspondance entre le directeur de la publication et les auteurs (cote CB 1-575). Il est à noter que toutes les archives ne sont pas encore traitées (reliquat d’une vingtaine de boîtes)
-Un ensemble de numéros de revues littéraires (Le Bateau ivre, Signes, Points et contrepoints, etc.), à inventorier.

Médiathèque Jacques-Chirac. Troyes, Aube 20e-21e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie, Théâtre
Jean Nesmy, l’alphabet de la forêt

Jean Baptiste Henri Aimé Surchamp, dit Jean Nesmy, est né à Marc-le-Tour (Corrèze) en 1876 et décède à Toulouse en 1959 ; il est inhumé à Troyes (Aube).
Fils d’instituteur, Henri Surchamp, après les classes primaires faites auprès de son père, continue ses études au collège de Brive (Corrèze) puis au lycée de Moulins (Allier). Il fait partie de la 73e promotion de l’École des Eaux et Forêts (1897-1899). Après un stage à Troyes, il est nommé garde général à Guéret (Creuse) et, en 1903, de nouveau à Troyes. Il y demeure comme inspecteur adjoint puis inspecteur. En 1929, il est promu conservateur à Bar-le-Duc puis revient à Troyes en 1931. Une réorganisation administrative le ramène à Bar-le-Duc en 1934 jusqu’à sa retraite en 1936. Chevalier de la Légion d’honneur et officier du Mérite agricole, son nom a été donné au plus vieux chêne de la forêt de Ligny-en-Barrois (Meuse), chêne abattu par la tempête de 1999. L’arbre et la nature furent les moteurs de sa seconde vie d’homme de lettres.
Ses premières publications sont de petits poèmes pour une collection de cartes postales éditée par Bessot et Guionie à Brive. Sous le pseudonyme de Jean Nesmy, héros de La Terre qui meurt, roman de René Bazin (1899), Henri Surchamp publie de nombreux contes – parmi lesquels Contes limousins (1925) et À l’ombre des châtaigners (1929) – et romans, notamment L’Ivraie (1905), Pour marier Colette (1919), Un Cœur en tutelle (1924), Le Miroir en éclats (1929), qui font de lui un maître de la littérature régionaliste. Une grande partie de son œuvre est consacrée à la forêt dont il est le chantre reconnu : la trilogie Le Roman de la forêt (1914), Les Quatre saisons de la forêt (1922), La Féérie des bois (1927), mais aussi L’Alphabet de la forêt (1947) et Au cœur secret des bois (1951). De 1925 à 1935, il dirigea la collection illustrée « L’arc-en-ciel » aux éditions SPES, inspirées par le catholicisme social. Trois fois lauréat de l’Académie française, il fut également couronné par l’Académie des Sciences morales et politiques. Il obtint en outre le grand prix du Limousin, le prix de littérature spiritualiste, le prix Jean Revel de la Société des Gens de Lettres. Il fut membre de la Société académique de l’Aube et de la Société des Gens de lettres.

Données en 2001 par ses fils José et Claude Surchamp, tous deux moines bénédictins, les archives Jean Nesmy conservées à la médiathèque de Troyes Champagne métropole sont constituées de plusieurs ensembles, qui ne sont pas à ce jour totalement inventoriés :
-Œuvres de Jean Nesmy. Manuscrits autographes, dont celui du Roman de la forêt
-Correspondance littéraire adressée à Jean Nesmy
-Correspondance diverse
-Ecrits divers
-Coupures de presse
-14 ouvrages imprimés de ou sur Jean Nesmy
-Revues publiant l’œuvre de Jean Nesmy, des critiques sur sa production et des articles signés de lui en tant que critique littéraire

Médiathèque Jacques-Chirac. Troyes, Aube 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
Gabriel Maurière, écrivain pédagogue

Henri Legrand, dit Gabriel Maurière, naît en 1873 à Bessy, dans l’Aube. Sa famille s’installe ensuite à Charmont-sous-Barbuise, dans ce même département, en 1881. Le jeune Henri y suit l’enseignement de son père instituteur, avant d’entrer à l’Ecole normale de Troyes. Il commence sa carrière d’enseignant dans l’Aube, avant de devenir inspecteur en 1903.
Parallèlement, Henri Legrand entame très jeune une carrière d’écrivain. Son nom de plume : Gabriel Maurière. Toute son œuvre est empreinte de ses souvenirs d’enfance, passée à Charmont-sous-Barbuise. Dans ses romans tels Aïno (1929), A la gloire de la terre (1924) ou encore Peau-de-pêche (1927), le plus célèbre d’entre eux grâce à l’adaptation cinématographique qui en a été faite en 1929 par Marie Epstein et Jean-Benoît Lévy, Gabriel Maurière excelle dans l’évocation de la campagne auboise. Reconnu par ses pairs, l’écrivain pédagogue reçoit plusieurs prix littéraires et est décoré de la Légion d’honneur en 1926, avant de décéder en 1930.
Plusieurs éditions, souvent illustrées, furent publiées en particulier sous forme de livres de lecture pour les scolaires. Depuis 2021, des textes de Gabriel Maurière sont réédités dans la collection « Romans champenois » des éditions La belle Lurette.

En 1995, les descendants d’Henri Legrand donnent à la commune de Charmont-sous-Barbuise les manuscrits de l’écrivain, ainsi qu’une partie de ses archives comprenant des coupures de presse et sa correspondance professionnelle. Une quinzaine de manuscrits, dont certains sont augmentés de quelques dessins de la main du romancier, sont ainsi conservés aujourd’hui à la médiathèque Gabriel-Maurière.

Médiathèque Gabriel-Maurière. Charmont-sous-Barbuise, Aube 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif
Schweitzer, un humaniste engagé

Albert Schweitzer nait le 14 janvier 1875 à Kaysersberg (Haut-Rhin). Peu après la famille s’installe à Gunsbach, où son père Louis Schweitzer est pasteur. Albert connait une enfance heureuse mais pas insouciante : ce bonheur dont il fait l’expérience n’est pas partagé entre tous les êtres vivants. L’enfant sensible souffre déjà de la misère qu’il voit autour de lui. Il s’efforce de ressembler aux petits garçons du village, plus pauvres. Le soir, il s’étonne que la prière n’intercède que pour les humains, en secret il rajoute une prière « pour tout ce qui respire ».
A 21 ans, il prend un engagement définitif : il se consacrera à l’art et à la science jusqu’à ses 30 ans, ensuite, il donnera sa vie aux autres. Comment ? Il ne le savait pas encore. Il comptait sur les « circonstances pour le lui indiquer ». Déjà docteur en philosophie et en théologie, il décide à 30 ans de recommencer des études de médecine pour soigner en Afrique. Sa thèse à peine soutenue, en 1913, il quitte Gunsbach et une carrière académique prometteuse pour Lambaréné, au Gabon, avec son épouse Hélène Bresslau.
Albert Schweitzer est aussi un grand organiste, et c’est en partie grâce aux 475 concerts donnés à travers le monde qu’il peut financer son hôpital, ou plutôt « le village où l’on soigne », car celui-ci est conçu comme un village africain, afin de perturber le moins possible les coutumes de la population. En effet le malade peut venir avec sa famille, et tout le monde contribue à la vie du village selon ses moyens. Les différentes ethnies peuvent s’organiser librement, cuisiner leur propre nourriture, vivre selon leurs croyances…
C’est en 1915 qu’Albert Schweitzer trouve l’éthique qu’il cherchait: « le Respect de la Vie », c’est-à-dire de toutes les formes de vie, humaines, animales, végétales. Cette véritable philosophie veut montrer que toutes les vies sont égales. Même si l’on est souvent obligé de détruire une vie pour sauver une autre vie, il est toujours mal de détruire la vie, bien de la favoriser. Celui qui détruit ou laisse détruire une vie sans y être contraint par la nécessité, n’est pas véritablement éthique. Son hôpital est donc plus qu’une œuvre médicale, il est la concrétisation de cette éthique. Il soigne et nourrit aussi des milliers d’animaux. Comme Schweitzer le dit lui-même, nous n’avons pas encore (en 1915) mesuré l’importance et la nécessité d’une telle éthique qui seule peut régénérer la civilisation de façon durable après la catastrophe du nationalisme et de la Première Guerre mondiale.
Dans la revue américaine Life en 1947, il est « le plus grand Homme du monde ». Pour son œuvre humanitaire et son éthique du respect de la vie, Albert Schweitzer reçoit le prix Nobel de la paix en 1952.
A partir de 1957, il s’engage dans le combat contre la bombe atomique et les armes nucléaires. Retentissement mondial, mais aussi représailles de certains politiques et critiques infondées dans les médias, qui tenteront de ternir son image.

La maison qu’Albert Schweitzer a fait construire en 1928 servait de point d’ancrage à son œuvre en Europe. Tous ses effets personnels et son matériel intellectuel sont restés dans sa maison après sa mort en 1965. Sa collaboratrice et secrétaire Emmy Martin, succédée d’Ali Silver et Tony van Leer ont organisé la somme de documents produits par Schweitzer ainsi que les innombrables lettres de sa correspondance.

Aux lettres et manuscrits viennent s’ajouter toute la littérature de et sur Albert Schweitzer. Ce fonds est aujourd’hui le plus important qui soit consacré à Albert Schweitzer. Les photos, articles de journaux, partitions, médailles, diplômes ainsi que les films et disques qui ont fixé ses discours et ses concerts d’orgue, donnent un aperçu de sa vie, de ses activités et de sa pensée.

Les Archives Albert Schweitzer de Gunsbach accueillent chaque année des dizaines de demandes de recherches. Etudiants, journalistes, chercheurs, particuliers souhaitent découvrir davantage les multiples facettes du Docteur.
Régulièrement les archives reçoivent sous forme de dons des documents venus du monde entier… une preuve de plus du rayonnement international de sa pensée.

Les visiteurs pourront découvrir dans le musée attenant, de nombreux objets et documents exceptionnels comme son « piano tropical », une lettre manuscrite de son petit cousin Jean-Paul Sartre, son prix Nobel de la paix, son premier sermon daté de 1898 ou encore son bulletin de notes lorsqu’il avait 6 ans.

Archives Centrales Albert Schweitzer. Gunsbach, Haut-Rhin 19e-20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif
Maurice Renard, théoricien du merveilleux-scientifique

Maurice Renard naît le 28 février 1875 à Châlons-sur-Marne (Marne), 7 rue du Grenier à Sel. Son père, Achille Renard, juge au Tribunal civil de Châlons, s’est illustré en fondant la société de gymnastique « La Renaissance ». La famille quitte Châlons alors que Maurice n’a que deux ans pour s’installer à Reims (Marne). Il y passe son enfance, puis suit des études de droit à Paris où il s’inscrit comme avocat stagiaire au barreau.
Mais il est passionné par la littérature. Dès 1902, il publie plusieurs essais poétiques. Son premier livre est édité chez Plon en 1905, sous le titre Fantômes et Fantoches. En 1908, il publie au Mercure de France son premier roman, Le docteur Lerne, sous-Dieu, que Guillaume Apollinaire qualifiera de « roman subdivin ». En 1909, il devient membre de la Société des Gens de Lettres, puis en 1911, il contribue à la fondation de La vie française, une revue de poètes.
Maurice Renard se désigne comme romancier du « merveilleux-scientifique », selon la définition que lui-même donne, dans un manifeste publié en 1909, de ce courant apparu à la fin du 19e siècle. Le péril bleu, qu’il publie en 1912, est un chef-d’œuvre de ce genre. A cette époque, Maurice Renard reçoit le Tout-Paris littéraire, de Mac Orlan à Colette, Montherlant ou Benoist.
Mobilisé pour la Grande Guerre, il en sort meurtri moralement et appauvri, ce qui le conduit à donner à son œuvre un ton plus vendeur. En 1920, il publie Les Mains d’Orlac, son œuvre la plus célèbre, adaptée cinq fois au cinéma, entre 1924 et 2021, et deux fois à la télévision. Le personnage principal est un pianiste animé de pulsions meurtrières depuis qu’on lui a greffé les mains d’un assassin. Il est interprété notamment par Conrad Veidt, Sylvie Testud (incarnant une version féminine) et Melvil Poupaud.

Cette même année 1920, l’écrivain poursuit sa promotion littéraire du merveilleux scientifique en créant le prix Maurice-Renard. Mais bientôt il constate l’insuccès populaire de ces récits, avec amertume : « Gagner sa vie en s’adressant à l’intelligence, cela, oui, ce serait vraiment fantastique ! » note-t-il en 1923. Aussi se tourne-t-il vers des genres plus populaires, contes de presse, nouvelles policiers, roman sentimental. Il voit l’échec du prix qu’il a fondé, et qui disparaît en 1932 ; cependant, il confirme sa place dans le monde littéraire, devenant en 1935 vice-président de la Société des gens de lettres et membre du jury du prix du Roman populaire. Il rend hommage en 1927 à la ville de son enfance, Reims, dans Notre-Dame royale : tableaux du sacre de Louis XVI…, ouvrage couronné par le prix Thérouanne de l’Académie française.
Maurice Renard passe les dernières années de sa vie sur l’île d’Oléron où il est enterré en 1939.

La collection consacrée à Maurice Renard est modeste : elle se compose d’une demi-douzaine de manuscrits de contes ou nouvelles de Maurice Renard, d’autant de tapuscrits de textes courts, et d’une trentaine de courriers autographes de l’écrivain.

Les textes concernés ne relèvent pas du domaine du merveilleux-scientifique à proprement parler. Cependant, le conte « Une histoire fantastique » illustre le goût de Maurice Renard pour les récits horrifiques et l’influence d’Edgar Poe : ce texte constitue un hommage manifeste au « Double assassinat dans la rue Morgue ».

Autre élément du fonds, les dossiers relatifs aux expositions consacrées par la bibliothèque de Châlons à Maurice Renard. La collection châlonnaise s’est développée à la faveur de ces expositions, grâce à la générosité de Claude Déméocq et Jean-Paul Barbier, respectivement invité d’honneur et commissaire des expositions de 1996 et 2009. Collectionneur de science-fiction et anthologiste, Claude Déméocq a notamment contribué à l’édition des œuvres complètes de Maurice Renard. Quant à Jean-Paul Barbier, co-auteur en 2000 d’un Dictionnaire des Châlonnais, il s’est fait le propagandiste zélé de plusieurs Châlonnais injustement méconnus.

Le versant imprimé de la collection comprend la totalité des titres publiés par Maurice Renard, avec des éditions illustrées, rares ou originales, ainsi que certains des journaux ayant publié les feuilletons et courts textes de l’écrivain.

Cette collection a vocation à s’enrichir : auteur prolixe, Maurice Renard a laissé de nombreux écrits et peu de manuscrits sont à ce jour entrés dans les collections publiques, si bien que la collection châlonnaise, pour modeste qu’elle soit, semble être la plus importante collection publique consacrée à cet auteur.

Bibliothèque municipale à vocation régionale. Châlons-en-Champagne, Marne 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif
Pierre Gauroy, scientifique-voyageur

Etonnant rejeton de la mer et de la Champagne, ce lointain descendant de Surcouf naît à Cherbourg. Vient la guerre, son père, militaire, meurt dès 1914. Après une enfance itinérante entre le Sénégal, Saint-Lô et Châteauroux, Pierre Gauroy se fixe à Châlons (Marne) où son oncle paternel, l’abbé Edmond Gauroy, enseigne au collège privé Saint-Etienne. Dans cette institution, Pierre Gauroy manifeste précocement des aspirations littéraires et une propension à créer et animer amicales, cercles et associations. Il poursuit à Paris des études scientifiques et littéraires à la fois. La science lui procure un métier, professeur, et une inspiration. Astronome amateur, il publie en 1947 son premier ouvrage sous le titre : Des astres morts aux mondes en feu. Véritable voyage extraordinaire à travers le système solaire, le livre mêle spéculation scientifique et vulgarisation. Il est illustré de photographies et de dessins de l’auteur.
A la fin des années 1940, Pierre Gauroy devient un contributeur régulier du Chasseur français, magazine alors réputé pour être le plus lu de France. Il y publie plus de 200 articles en une trentaine d’années, portant sur toutes les sciences : ingénierie, chimie et biochimie, sciences naturelles, climat. Pierre Gauroy fait partie des nombreux auteurs à prévoir le réchauffement de la Terre… si ce n’est que lui l’appelle de ses vœux, imaginant une absolue domination de la planète par l’homme !

Scientifique, Pierre Gauroy est aussi membre de la Société des explorateurs. Ses premiers articles publiés portent sur ses voyages, et la géographie des terres qu’il parcourt, notamment du grand nord et de la Laponie. Le succès venant, il relate les exploits et les malheurs d’explorateurs et de marins .

Outre le Chasseur Français, Pierre Gauroy publie dans plus d’une dizaine de revues : La Nature, Science et Vie, Naturalia, Sciences et Voyages, le Mercure de France, la Revue des deux mondes… Ses articles lui fournissent la matière d’une dizaine de monographies, dont deux reçoivent un prix de l’Académie. Le récit très documenté d’un drame de la conquête des pôles, « Les affamés de la banquise », est décoré en 1965 ; et « Les grandes aventures de la Science », popularisant l’histoire des sciences, en 1967.

Les Châlonnais se souviennent surtout du scientifique de terrain, du botaniste qui assista l’abbé Hermant dans la fondation de l’arboretum de la ville dans le Petit Jard en 1948. C’est pourquoi son souvenir est pérennisé par une allée de ce parc à son nom.

Le fonds Gauroy est donné à la bibliothèque de Châlons dans les années 1970-1980 par Jacques Gauroy. Le frère cadet de Pierre Gauroy en est assurément le principal propagandiste. Du vivant de Pierre, il se chargeait de l’essentiel des relations avec les éditeurs et de la gestion des finances familiales. C’est lui qui s’occupe de répertorier les œuvres de son frère, de les estampiller d’un double tampon, celui de Pierre Gauroy et le sien propre. Il cherche aussi à succéder à son frère comme contributeur régulier du Chasseur français, sans succès.

Le fonds Gauroy représente environ 15 mètres linéaires. Il se compose de trois parties, les archives de Jacques Gauroy, homme de lettre lui-même, membre notamment de la Société des écrivains de Champagne et de l’association des Amis du Vieux Châlons ; les archives scientifiques de l’abbé Hermant, éminent botaniste châlonnais, léguées à Pierre Gauroy ; enfin, les archives de Pierre Gauroy. Celles-ci sont remarquablement complètes, réunissant les manuscrits de presque tous ses livres et ses articles, et une volumineuse correspondance scientifique et éditoriale.

Ces papiers montrent parfaitement les dessous de la vie matérielle et intellectuelle de l’écrivain : la manière dont il rassemble sa documentation avant d’aborder un sujet, les recherches iconographiques en vue de la publication… ; on observe le travail considérable de négociation et de réécriture qui permet à Pierre Gauroy de « recycler » ses articles en les fondant au sein d’une monographie. Tous ses livres sont écrits ainsi, certains voient leur plan changer une demi-douzaine de fois, d’autres restent finalement inédits.

Les manuscrits de Pierre Gauroy sont caractérisés par une réjouissante économie de papier : il réemploie tout, les copies corrigées de ses élèves, des formulaires administratif, des éléments de documentation – ce qui aide à dater ses écrits.

Au fonds se rattache enfin la collection de 5000 clichés, non encore triée, rassemblée par Pierre Gauroy. On y trouve ses propres photographies et celles qu’il a acquises pour l’illustration de ses écrits.

Bibliothèque municipale à vocation régionale. Châlons-en-Champagne, Marne 20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif
Rainer Maria Rilke, une amitié alsacienne

Rainer Maria Rilke, né René Marie Rilke, est né à Prague en 1875. Il suit ses premières années de formation dans des Académies militaires, desquelles il est renvoyé pour inaptitude physique. Dans sa jeunesse, il compose déjà des textes en prose et en vers. De retour à Prague, le baccalauréat en poche, Rilke étudie l’histoire de l’art et la littérature, puis la philosophie à Munich. C’est à ce moment, en 1896, qu’il rencontre Lou Andréas-Salomé, rencontre qui change sa vie, à commencer par son prénom : sur son conseil, René s’efface pour devenir Rainer. Une passion intense, puis une amitié profonde va les unir jusqu’à la mort de Rilke. Lou, femme libre et indépendante, fait voyager le jeune Rainer à Berlin, en Italie ou encore jusqu’en Russie, terre d’origine de la famille Salomé.
Ces premiers séjours donnent le goût du voyage à Rilke, qui ne cesse de parcourir l’Europe tout au long de sa vie. C’est lors de l’un de ses séjours, durant l’été 1900, à la colonie d’artiste de Worpswede, au nord de l’Allemagne, qu’il rencontre Clara Westhoff, sculptrice et ancienne élève de Rodin, qui devient sa femme l’année suivante. Ensemble, ils ont une fille, Ruth, née en 1902 et unique enfant de Rilke. Le couple se sépare en 1903 mais continue d’entretenir une relation amicale. C’est d’ailleurs par l’entremise de Clara que Rilke rencontre Rodin et devient son secrétaire pendant quelque temps. Le reste de la vie de Rilke est un voyage permanent, passant de l’Allemagne à la Suisse, de l’Italie à la Belgique, s’arrêtant de long mois à Paris, séjournant en Algérie, en Tunisie ou encore en Egypte. Rilke semble constamment en mouvement, il n’a de cesse de faire de nouvelles rencontres amicales et amoureuses. Il fréquente de nombreuses figures du monde artistique telles qu’André Gide, Paul Valéry, la princesse von Thurn und Taxis, sa grande mécène, les artistes Lou Albert-Lasard ou encore Baladine Klossowska, dite « Merline ».
En 1922 sa santé commence à décliner. Rilke décède le 29 décembre 1926 dans une clinique près de Montreux des suites d’une leucémie.

Rilke écrit tout au long de sa vie et s’essaie à de nombreux genres : il compose des œuvres narratives, comme des romans, des pièces de théâtre ou des essais sur des figures d’artistes. Son unique roman, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge (1910), en grande partie autobiographique, le fait connaitre au grand public. Considéré comme le premier roman moderne en langue allemande, cette œuvre connait le succès en France lors de la publication de la traduction française par Maurice Betz. La grande passion de Rilke reste la poésie dans laquelle il excelle. Il est considéré comme l’un des plus grands poètes allemands du 20e siècle. Il compose également des vers en français à la fin de sa vie. Ses poèmes lui permettent de retranscrire ses passions et angoisses internes, ses questionnements existentiels et son rapport à la vie et à la mort. C’est ce qui traverse ses œuvres telles que Chant de l’amour et de la mort du cornette Christophe Rilke (1899-1904), Les Lettres à un jeune poète (1903-1908) ou encore Les élégies de Duino (1922).

Le fonds Rilke est indissociable du fonds Maurice Betz de par leur relation artistique et leur amitié. Le fonds Rilke a été composé à partir des archives du fonds Betz : en tant que traducteur du poète, Maurice Betz possédait de nombreuses lettres rédigées par Rilke ainsi que des manuscrits autographes.
Le fonds conserve une cinquantaine de pièces dans la correspondance envoyée à plusieurs personnes dont Betz, dans le cadre de leur travail de traduction française des œuvres de Rilke, mais à d’autres personnages importants du monde littéraire et artistique de cette époque tels que Romain Rolland, Paul Valéry ou encore la peintre Baladine « Merline » Klossowska, l’amie intime de Rilke et sa muse.
Le fonds conserve également une dizaine de poèmes autographes dont un de ses Carnets de poche contenant neuf poèmes inédits de Rilke. Ces poèmes ont été par la suite publiés par Maurice Betz à de multiples reprises dans des anthologies ou dans des recueils.

Bibliothèque municipale. Colmar, Haut-Rhin 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
Robert Honnert, poète corps et âme

Robert Honnert est né le 15 mai 1901 à Malzéville (Meurthe-et-Moselle). Jeune homme, il intègre l’Ecole Normale de Nancy pour y faire des études littéraires. Mais rapidement, Robert Honnert décide de quitter ses études pour se lancer dans une carrière de poète.
Dans les années 1920, nouveau dans ce milieu, Robert Honnert fait une crise existentielle. Il est tiraillé entre les poètes surréalistes et ses convictions, et décide à cette même période de se convertir au catholicisme. Il fréquente les salons littéraires où il côtoie Jean Cocteau, Lucie Delarue-Mardrus, Jacques Maritain, Pierre de Nolhac et Henri de Régnier. Il collabore pour plusieurs journaux tout en publiant ses recueils de poèmes à la N.R.F. Son recueil de poésie, Les Désirs, publié en 1926, est salué par la critique et lui ouvre une carrière de poète reconnu. Certains de ses poèmes sont repris et mis en musique par le compositeur Louis Beydts. Au cours de ces années, Robert Honnert devient également critique littéraire puis secrétaire à la Société des Études Staëliennes et secrétaire littéraire de Paul Reynaud. Dans les années 1930, il devient speaker à Radio Eifel en plus de poursuivre sa carrière d’auteur auprès de plusieurs revues. En 1939, il meurt à Paris de maladie et est inhumé au cimetière du Père-Lachaise.
Un an après la mort de Robert Honnert, en 1940, quatre poèmes inédits sont publiés dans Le Divan en hommage à l’auteur.

Le fonds Robert Honnert a intégré la Bibliothèque Stanislas en 1988 par l’intermédiaire de Madame Henrion, légataire de Madame Jeanne Honnert, épouse de l’auteur, décédée en 1980. Ce fonds contient l’intégralité des manuscrits comprenant des poèmes, des fictions en prose ainsi que la quasi-totalité de la correspondance de Robert Honnert (parmi lesquels Gaston Gallimard, la Comtesse de Polignac, Jacques Maritain ou Jean Cocteau). Au total, la bibliothèque a classé, conditionné et signalé environ quinze cartons d’archives.
A cela, s’ajoutent les dons de quatre romans de Robert Honnert. Ces derniers ont intégré le fonds lorrain de conservation : un recueil de poésies, Corps et âme publié en 1926 ; son premier roman, Mademoiselle de Chavières publié en 1932 ; Madame Etienne Mettraz publié en 1936 qui ne rencontre pas le succès escompté par l’auteur, et Catholicisme et communisme, publié en 1937, dans lequel l’auteur partage ses convictions religieuses.

Bibliothèque municipale. Nancy, Meurthe-et-Moselle 20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif
Pierre Pelot, écrivain prolifique

Né en 1945 à Saint-Maurice-Sur-Moselle, Pierre Pelot, de son vrai nom Pierre Grosdemange est un auteur lorrain ayant à son actif plus de 200 romans, 5 bandes dessinées, et de nombreux scénarios pour la télévision et le théâtre.
Après l’obtention de son certificat d’études, Pierre Pelot part dans un centre d’apprentissage pour étudier l’électricité et la mécanique. Mais rapidement, il décide de changer de voie pour se lancer dans l’illustration qu’il apprend par correspondance. Inspiré par Hergé, il rêve de devenir illustrateur de bandes dessinées. Pour provoquer sa chance, il envoie ses premiers travaux à Hergé qui lui répond et l’encourage à s’orienter vers l’écriture.
Passionné par les Etats-Unis, Pierre Pelot s’essaye au genre western avec la publication de son premier roman en 1966, La Piste de Dakota. Puis, à partir de 1967, il écrit plus de 22 romans autour du personnage Dylan Stark.
Dans les années 1970, Pierre Pelot s’amuse et s’ouvre à d’autres styles littéraires tels que la science-fiction, le roman noir, le fantastique ou encore le roman de mœurs ayant pour cadre les Vosges. Il écrit sous plusieurs noms tels que Pierre Suragne et Pierre Carbonari.
Dans les années 1980, il se consacre à l’écriture de scénarios pour la télévision, la radio et le théâtre. Dans les années 2000, deux de ses romans sont adaptés en bandes dessinées : L’été en pente douce par Chauzy et Pauvres Zhéros par Baru.
En 2018, Pierre Pelot, ne trouvant plus sa place dans le monde l’édition, annonce sur les réseaux sociaux que Braves gens du purgatoire est son dernier livre. Cependant, il continue à publier des romans. En parallèle, il se consacre à une nouvelle activité, la peinture, qui n’est pour lui qu’un autre moyen de raconter une histoire.

En 2022, Pierre Pelot a souhaité donner à la Bibliothèque Stanislas une partie de ses archives, romans et autres documents de travail. Ce fonds a intégré officiellement la Bibliothèque Stanislas en 2023. Il rejoint les dossiers préparatoires que la Bibliothèque avait déjà acquis pour L’Eté en pente douce et C’est ainsi que les hommes vivent (notes préparatoires, plans du livre, fiches signalétiques des personnages, découpage des articles). Grâce à cette nouvelle donation, la bibliothèque intègre environ 200 manuscrits et tapuscrits avec correction des différentes maisons d’éditions avec lesquelles Pierre Pelot a collaboré. Ces documents permettent de comprendre sa méthodologie de travail. A cela s’ajoutent des nouvelles, des pièces de théâtre, des nouvelles radiophoniques et des scénarios de téléfilms écrits par Pierre Pelot. Le signalement et le conditionnement de ces archives sont en cours à la bibliothèque. L’auteur a également fait don de certains de ses ouvrages sous leur forme éditée pour compléter les collections de conservation mais aussi de prêt.

Bibliothèque municipale. Nancy, Meurthe-et-Moselle 20e-21e siècle
Narratif
Raymond Schwab, poète érudit et philosophe

Raymond Schwab est un poète et romancier né à Nancy en 1884 dans une famille aisée de confession juive. Jeune adulte, il se convertit au catholicisme puis quitte la Lorraine afin de commencer des études littéraires à Paris. Rattrapé par le service militaire, Raymond Schwab abandonne les études pour se lancer dans une carrière au Sénat. D’abord rédacteur, il monte les échelons jusqu’à devenir, après la Seconde guerre mondiale, directeur du service des comptes analytiques à l’Assemblée nationale constituante, puis directeur honoraire au Conseil de la République. En parallèle de sa carrière au Sénat, Schwab écrit des romans et de la poésie. En 1935, il obtient le Prix de l’Académie pour son roman Vie d’Anquetil-Duperron. Il fréquente les lieux littéraires et devient critique pour les revues aux Nouvelles Littéraires et au Mercure de France, puis directeur de la revue Yggdrasill (1936-1940).
A l’issue de sa carrière de fonctionnaire, Robert Schwab reprend ses études et entreprend une thèse « La renaissance orientale » soutenue en 1949 à la Sorbonne. Son travail est salué par les universitaires, et elle fera l’objet d’une publication et d’une traduction en plusieurs langues. A la suite de son travail, il publie plusieurs chapitres consacrés au « domaine oriental » dans l’encyclopédie de la Pléiade et travaille sur la traduction des Psaumes pour la Bible de Jérusalem.
En 1955, Raymond Schwab reçoit de l’Académie française le Prix Louis Barthou pour l’ensemble de son œuvre. Il meurt en 1956 dans l’indifférence à Nancy. Mais en 1995, Raymond Schwab regagne de l’autorité post-mortem grâce à la réédition de son roman historique publié en 1914, Mengeatte.

Le fonds Raymond Schwab se compose de 300 monographies et de plusieurs textes non quantifiés comprenant des manuscrits, épreuves, éditions et correspondance avec des auteurs tels que Georges Duhamel ou Francis Ponge. La bibliothèque a obtenu ce don en juin 1956 de la veuve de Raymond Schwab, conformément aux dernières volontés de son mari et en mémoire de ses heures de jeunesse passées à la bibliothèque. Ce fonds a été complété en 2004 par la Bibliothèque avec l’achat d’un tapuscrit, augmenté de corrections manuscrites de Nemrod, échappé de la succession. Ce recueil de poésie interroge la nature de l’homme.

Bibliothèque municipale. Nancy, Meurthe-et-Moselle 19e-20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Poésie
Michel Caffier, un lorrain de cœur

Originaire de Boulogne-sur-Mer, Michel Caffier arrive en Lorraine pour débuter une longue carrière de journaliste auprès du quotidien régional Meurthe-et-Mosellan, L’Est Républicain. Entré au journal en 1953, Michel Caffier devient grand reporter puis gravit les échelons jusqu’à devenir rédacteur en chef adjoint et responsable des suppléments magazines. Très impliqué dans le monde journalistique, il devient également critique littéraire pour le journal et pour Radio France Nancy.
Michel Caffier, fervent défenseur de l’histoire et de la culture lorraine, s’investit dans la littérature et dans la culture locale. La diversité de ses activités en témoigne. Auteur prolifique, il s’essaye à plusieurs styles d’écriture : littérature classique, littérature scientifique, littérature jeunesse, essais. Ses romans sont souvent des sagas familiales ancrées dans le territoire. On y retrouve des éléments spécifiques à la Lorraine, tels le déclin de la sidérurgie ou les célébrations de la Saint-Nicolas.
Parallèlement à sa carrière de journaliste et d’auteur, il anime pendant de longues années le salon Le Livre sur la Place à Nancy et assure de nombreuses conférences sur la Lorraine et la littérature. Entre 1986 et 2002, Michel Caffier devient président du jury qui décerne le prix Erckmann-Chatrian à une œuvre écrite par un Lorrain ou concernant la Lorraine.
Michel Caffier, ayant toujours œuvré pour la mise en valeur de sa région de cœur, reçoit plusieurs prix au cours de sa carrière. En 1958, il reçoit le prix Erckmann-Chatrian pour son œuvre L’Arbre aux pendus, et le prix littéraire des conseils généraux de la région Lorraine en 1989, 1993 et 2001. Il est fait Chevalier des Arts et des Lettres pour l’ensemble de son œuvre, récompense remise par son ami François Nourrissier, président d’honneur de l’Académie Goncourt. En 2021, Michel Caffier meurt à l’âge de 90 ans.

Le fonds Michel Caffier est arrivé à la Bibliothèque Stanislas grâce à la donation de l’auteur lui-même entre 2009 et 2011. Ce fonds comprend quatre manuscrits autographes : L’Arbre aux pendus, Vie et misère de Jacques Callot ; La Péniche « Saint Nicolas » ; La Plume d’or du drapier ; Le Jardinier aux fleurs de verre, ainsi que des épreuves d’impressions et affiches promotionnelles.
Il se compose également d’environ 400 lettres témoignant d’une correspondance avec des maisons d’édition, des écrivains français et étrangers comme celle avec son ami François Nourrissier, mais aussi avec des historiens tels que Jacques Le Goff et Emmanuel Le Roy Ladurie, ou encore le romancier Gilles Laporte. Dans la correspondance se trouvent aussi des lettres de lecteurs et des lettres de courtoisie dont certaines accompagnées d’un mot explicatif de l’auteur et le contexte. Le classement par ordre alphabétique de Michel Caffier a été maintenu pour classer le fonds à la bibliothèque.
Ce fonds comporte des documents témoignant de son activité de journaliste tel que des articles de presse rédigés pour l’Est Républicain, des dossiers de presse, des cartes de presse et plusieurs laissez-passer comme celui accordé à l’occasion du mariage la princesse d’Angleterre Margaret avec Anthony Armstrong-Jones. Dans ce fonds se trouvent également des documents témoignant de ses activités littéraires : discours prononcés par l’auteur, mémoire et coupures de presse relatives aux prix décernés avec photographies. Le tout était conditionné à l’origine dans des pochettes illustrées de photographies, d’images découpées et collées en rapport avec le thème de la pochette, réalisations de Caffier.

Bibliothèque municipale. Nancy, Meurthe-et-Moselle 20e-21e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif
Emile Moselly, le chantre de la Lorraine

Né à Paris en 1870, Moselly, de son vrai nom Emile Chénin, rejoint dès 1874, la Meurthe-et-Moselle, plus précisément le village de Chaudeney-sur-Moselle d’où sa famille est originaire.
Après l’obtention de son baccalauréat, il part à Nancy étudier la rhétorique au Lycée Henri-Poincaré jusqu’à l’obtention d’une licence en Lettres en 1891. Puis il poursuit ses études à Lyon, à la Faculté des Lettres pour y préparer l’agrégation. Etudiant brillant, il devient enseignant dans plusieurs établissements en France.
Au cours de sa carrière, il enseigne et rencontre plusieurs grands auteurs tels que Maurice Genevoix (membre de l’Académie Française), Lucien Descaves (membre de l’académie Goncourt), ou bien Charles Peguy avec qui il se lie d’amitié.
Parallèlement à sa carrière d’enseignant, Emile Chénin commence à écrire en 1902 dans la nouvelle revue de son ami Charles Péguy, Cahiers de la Quinzaine. Une revue dans laquelle il publie son premier texte « L’Aube fraternelle », inspiré de son service militaire. Désormais, ses œuvres sont régulièrement publiées dans la revue jusqu’à la mort de Charles Péguy en 1914.
Emile Chénin adopte le pseudonyme Moselly en hommage à sa chère Lorraine. Son inspiration lui vient de la rivière Moselle et de la résidence d’été des évêques de Toul nommée « Moselli ». Auteur régionaliste, profondément amoureux des paysages de la Meurthe-et-Moselle, Moselly l’élèvera au rang de paradis terrestre dans ses romans.
Parmi ses plus grands succès, il obtient le prix Stanislas de Guaïta de l’Académie de Stanislas en 1904 pour son roman Terres Lorraines. Puis en 1907, il obtient le prix Goncourt à la suite de la publication du Pays Lorrain, repris sous le titre Le Rouet d’Ivoire, enfances lorraines dans les Cahiers de la Quinzaine. De plus, il sera décoré de la légion d’honneur pour sa carrière de professeur et d’écrivain. En 1918, il décède brutalement. Il est inhumé au cimetière de Chaudeney-sur-Moselle.
Aujourd’hui, la mémoire de Moselly continue de perdurer. Depuis 1949, Le Cercle d’études locales du Toulois décerne chaque année, en hommage à l’écrivain, le prix Moselly récompensant le meilleure nouvelle d’inspiration lorraine. Un concours accessible à tous les passionnés de Loraine. Deux de ses descendants ont entrepris récemment de rééditer ses textes.

Le fonds Moselly est arrivé en 2007 à la Bibliothèque Stanislas grâce à la donation de la partie héritée par François Chénin et ses descendants à l’occasion du centenaire de l’attribution du prix Goncourt.
François Chénin prend l’initiative de regrouper et de classer les archives de son père à partir des années 1960. Une grande partie de ce fonds se compose de documents personnels à Moselly tels que des cahiers de cours contenant des exercices de version latin et grecques de Moselly au Lycée Charlemagne de Nancy, un album du lycée d’Orléans dans lequel Moselly apparaît sur les deux premières photographies de groupe, des éléments de biographie probablement rédigés par François Chénin quand il s’est intéressé au fonds d’auteur de son père au milieu des années 1960, des photographies et cartes postales familiales se rapportant à la vie privée d’Émile Chénin : portraits, photos de classe, photographie de la maison d’Orléans, de service militaire, cartes postales d’amis.
Une deuxième partie se compose de documents tels que des notes sur des supports variés en rapport avec son activité d’écrivain ou son travail de professeur (faire part, bulletin de bibliothèque) témoignant de sa vie de professeur entre 1895 et 1918.
Une troisième partie se compose des épreuves corrigées des œuvres de Moselly comme Terres Lorraines (1907), Le Rouet d’Ivoire (1907), Fils de Gueux (1910), Joson Meunier (1910), Les Etudiants (1911), Le Journal de Gottfried Mauser (1915), de deux tapuscrits Les Souvenirs de Charles Peguy (1915), Grenouilles de la mare (1920) mais aussi des notes dactylographiées et carnets.
Enfin, le fonds comporte des critiques du vivant de l’auteur, des coupures de presse, des extraits de revues littéraires, le rapport du prix Stanislas de Guaïta, des critiques et coupures de presse à titre posthume entre 1920 et 1938 et des relevé des mentions de Moselly dans la revue Le Pays Lorrain, de 1904 à 1962, probablement réalisé par François Chénin.

Bibliothèque municipale. Nancy, Meurthe-et-Moselle 19e-20e siècle
Narratif
Cécile et Georges Périn, poètes de la Belle Epoque

Cécile et Georges Périn forment un couple d’auteurs qui ont activement participé à la vie littéraire parisienne de la Belle Époque. Georges Périn naît à Metz (Moselle), mais c’est à Reims (Marne) qu’il fait ses débuts littéraires. Auteur précoce, sa pièce Le nid est représentée au Grand Théâtre de Reims alors qu’il n’a que 21 ans. C’est aussi dans la cité des rois qu’il rencontre Cécile Martin, étudiante en sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Reims. Très tôt, ils sont unis par leur amour commun pour l’écriture et la musique. Après leur mariage en 1898, ils s’installent à Paris, où George trouve un emploi de commis à l’Assistance publique. Il y rencontre deux auteurs qui partagent son intérêt pour la littérature ; Fernand Dauphin et Edmond Pilon. Fernand Dauphin (1876-1961), originaire de Nancy (Meurthe-et-Moselle), est un poète qui écrit aussi pour des revues littéraires. Sa femme et lui-même lient une amitié sincère avec les Périn, fondée sur leurs idées communes en matière d’art et de politique. Edmond Pilon, né en 1874, est un poète, critique et essayiste prolifique qui connaît le succès avec des portraits romancés d’artistes de renom. Il explore aussi le genre du tourisme littéraire. F. Dauphin et E. Pilon introduisent le couple dans les cercles littéraires de la capitale. 
C’est ainsi qu’ils commencent à contribuer à de nombreuses revues et à s’investir dans divers groupes littéraires. Ils établissent progressivement des relations durables avec un grand nombre d’auteurs passés à la postérité. Les époux sont par exemple adhérents externes du groupe de l’Abbaye à Créteil, phalanstère d’artistes auquel participent, entre autres, Charles Vildrac, Georges Duhamel et Paul Adam. Parmi les correspondants de Georges Périn, citons Guillaume Apollinaire, qui publia un poème de Cécile dans sa revue Le festin d’Ésope en 1904, ou encore Jules Romains, l’auteur de Knock. Les Périn sont aussi proches des auteurs belges Émile Verhaeren et Maurice Maeterlinck. 
Malgré toutes ces relations et bien que Georges soit influencé à ses débuts par Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé et le mouvement symboliste, ni lui ni Cécile ne se réclament d’une école littéraire en particulier. La poésie de Georges Périn, inspirée par la nature et notamment par les arbres qui le fascinent depuis son enfance, s’attache à la pureté des émotions et à la fugacité des sensations. Cécile connaît une carrière autonome et prolifique, fait inédit pour l’époque si l’on considère ses origines provinciales et son statut social. Très tôt, elle est recensée dans les anthologies de son époque. Georges l’encourage et la soutient jusqu’à sa mort prématurée en 1922. Remariée au peintre rémois Paul Réal qui illustre certaines de ses œuvres, Cécile est à nouveau veuve en 1931. Elle continue à écrire, à voyager et à entretenir ses relations avec le monde littéraire jusqu’à sa mort en 1959. Sa poésie, qui rencontre un succès certain de son vivant, s’inspire de sa vie personnelle, notamment la naissance de sa fille Yvonne, le décès de son premier mari ou encore la Première Guerre mondiale.

Le fonds Cécile et Georges Périn comprend 2457 ouvrages. S’y ajoute un grand nombre de titres de périodiques d’art et de littérature auxquels le couple contribuait ou était simplement abonné, de la fin du 19e siècle au milieu du 20e siècle. Les livres de l’écrivain Edmond Pilon, auteur très proche du couple et décédé sans héritier, viennent enrichir la bibliothèque personnelle du couple. Le fonds fut légué à la bibliothèque universitaire de Metz en 1997 par Lise Jamati et Vivianne Isambert-Jamati, petites-filles des Périn. 
S‘y trouvent principalement des œuvres littéraires, la plupart dans leur édition originale. La particularité de cette collection réside dans les nombreuses dédicaces et envois autographes d’auteurs qui attestent des relations établies et entretenues par Cécile et George Périn et Edmond Pilon, tout au long de leurs carrières. Notons par exemple la forte représentation d’auteurs de La Phalange, revue néo-symboliste à laquelle George Périn contribue : Paul Fort, Rémy de Gourmont ou encore Francis Jammes. Des ouvrages de René Ghil, Gustave Kahn – très proche et fidèle ami des Périn –, Jules Laforgue représentent aussi le courant symboliste. Des titres d’auteurs étrangers comme Stuart Merill ainsi que des principaux poètes belges figurent dans la collection, preuve du cosmopolitisme parisien à la Belle Epoque. 
Enfin, de nombreuses poétesses sont aussi représentées, en lien avec la notoriété de Cécile Périn. Un exemplaire du recueil Les éblouissements d’Anna de Noailles est aussi dédicacé à Edmond Pilon dans ces termes : « […] en témoignage de ma très admirative et sincère sympathie ». Bien que l’influence de Paul Verlaine et de Stéphane Mallarmé soit clairement identifiée, voire revendiquée, chez Georges Périn comme chez Edmond Pilon, ces deux auteurs sont étonnamment peu représentés dans leur bibliothèque. Notons toutefois l’exemplaire de la seconde édition de Parallèlement (1894) de P. Verlaine, où se trouvent reliées diverses pièces relatives au poète messin, dont une lettre de ce dernier de 1895 à un destinataire inconnu, probablement son éditeur. 
Edmond Pilon faisait relier ses ouvrages dans des reliures en demi-parchemin et papier fantaisie, avec diverses pièces qu’il conservait : lettres, cartes postales ou invitations d’auteurs, articles de presse relatifs à l’attribution d’un prix, critiques littéraires, etc. Ces sources témoignent de la vie quotidienne et sociale des auteurs mais aussi du travail de critique d’Edmond Pilon. Notons par exemple, dans un de ses livres, une correspondance avec Paul Valéry dans laquelle le poète remercie vivement le critique pour les propos élogieux qu’il a tenu à son égard. À l’inverse, d’autres pièces montrent l’infructuosité de certaines prises de contact : citons par exemple une lettre de Pierre Loti, reliée avec un exemplaire de ses Japoneries d’automne, dans laquelle l’auteur refuse de répondre aux questions d’Edmond Pilon de manière peu cordiale : « […] je voudrais bien vous être agréable ; mais si vous saviez à quel point ces petits détails donnés au public me sont odieux ! En quoi cela peut-il intéresser vraiment de savoir ce que je ne sais pas moi-même, tout ça me paraît négligeable. […] »

BU Saulcy. Metz, Moselle 19e-20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie, Théâtre
Le Grand Jeu, quatre Rémois en quête d’absolu

La fondation du Grand Jeu, mouvement littéraire et artistique des années 1920 et 1930, découle de la rencontre au lycée de garçons de Reims (Marne) de quatre adolescents passionnés de littérature et de poésie : Roger Gilbert-Lecomte (1907-1943), René Daumal (1908-1944), Roger Vailland (1907-1965) et Robert Meyrat (1907-1997). Influencés par Arthur Rimbaud, Alfred Jarry et le dadaïsme, ils fondent en 1922 le groupe des « Phrères Simplistes » et adoptent alors des pseudonymes insolites : Meyrat est surnommé « Le Stryge », Vailland « François », Daumal « Nathaniel » et Gilbert-Lecomte « Rog-Jarl » ou « Coco de Colchyde ».

Les Phrères Simplistes publient leurs premiers écrits et dessins dans des revues artistiques rémoises comme Le Pampre. Leur œuvre se définit selon une recherche de l’absolu et une écriture expérimentale marquée par la consommation de substances, notamment l’opium, pour atteindre les « paradis artificiels » et tester les limites de leur inconscient.

A partir de 1925, ces jeunes poètes s’installent à Paris pour poursuivre leurs études. Ils y rencontrent des écrivains et des éditeurs comme Léon-Pierre Quint qui soutiennent la création de leur revue d’avant-garde intitulée Le Grand Jeu, dont trois numéros paraissent entre 1928 et 1930. Les membres fondateurs sont bientôt rejoints par de nombreux collaborateurs comme le poète rémois Pierre Minet, l’écrivain André Rolland de Renéville, le journaliste et peintre Maurice Henry, le photographe Arthur Harfaux et le peintre et graveur tchèque Josef Sima. Les trois numéros de la revue contiennent un riche ensemble de poèmes, de textes en prose, de dessins et de photographies dont certaines sont l’œuvre de l’américain Man Ray, un temps proche de ce mouvement.

Les membres du Grand Jeu se rapprochent du surréalisme et de leurs chefs de file, André Breton et Louis Aragon, tout en souhaitant garder leur identité propre. Cette proximité crée bientôt des tensions entre les partisans d’une écriture plus politique et les défenseurs d’une poésie de l’absolu, avec à leur tête René Daumal. Toutes ces divergences provoquent la fin du Grand Jeu en 1932, avant que le quatrième numéro de la revue n’ait pu être imprimé.

Après la disparition du Grand Jeu, ses membres continuent à écrire et à publier des œuvres poétiques, des romans mais également des essais à dimension religieuse. René Daumal se passionne ainsi pour l’hindouisme et lui consacre de nombreux textes. Malgré de graves problèmes de santé, Roger Gilbert-Lecomte parvient à publier quelques recueils poétiques comme La Vie, l’Amour, la Mort, le Vide et le Vent en 1933 ou Le Miroir noir en 1938 avant son décès prématuré à 36 ans. Roger Vailland s’engage quant à lui dans la Résistance lors de la Seconde Guerre mondiale, expérience qui lui inspire le roman Drôle de jeu publié en 1945. Il poursuit ensuite une riche carrière journalistique et littéraire et il obtient le prix Goncourt 1957 avec son roman La Loi.

La bibliothèque Carnegie conserve une collection complète des trois numéros de la revue Le Grand Jeu, insérée dans une boîte créée par l’artiste Daniel Knoderer, ainsi que des éditions originales des œuvres de René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte et Roger Vailland.

Elle abrite également un vaste fonds d’archives consacré au Grand Jeu, depuis la rencontre des Phrères Simplistes au lycée de garçons de Reims jusqu’aux années 1970, bien après la disparition de ce mouvement. La collection Grand Jeu contient dix-neuf manuscrits parmi lesquels Vertige, un poème composé par Roger Gilbert-Lecomte vers l’âge de quatorze ans, Je regarderai sur ton sceptre d’Artur Harfaüx ou Fils-du-Soleil, un texte écrit et illustré par René Daumal à Noël 1943 d’après l’épisode biblique du Déluge.

La collection contient une riche correspondance composée de 182 lettres : les plus anciennes datent du début des années 1920, dont des cartes postales adressées par Roger Vailland à son professeur de 4ème, Raoul Espiaux, qui reflètent sa passion précoce pour la littérature. La majeure partie des lettres datent de l’aventure du Grand Jeu (1927-1932) et fournissent de précieux renseignements sur le processus créatif de la revue. Elles évoquent la sélection de certains textes par rapport à d’autres, la nécessité de réaliser des coupes dans les textes sélectionnés et le choix des illustrations. D’autres échanges plus tardifs, des années 1940 aux années 1970, retracent le devenir des membres du Grand Jeu et la postérité de leur œuvre après la dissolution du groupe.
Certaines lettres adoptent une forme insolite : un courrier adressé par René Daumal à André Rolland de Renéville se présente comme une cocotte en papier sur laquelle Daumal répète sous 15 formes différentes qu’il attend Renéville pour un rendez-vous au café de Flore. Une autre lettre adressée par Maurice Henry à Pierre Minet s’achève par un portrait aux accents surréalistes d’un homme au visage d’hélice .

Cette collection renferme également un ensemble de photographies datées des années 1920. Ces photographies permettent de découvrir les Phrères simplistes en tant que jeunes poètes dandys dans la Reims d’après-guerre. Elles témoignent de leur étroite amitié et de leur volonté de s’affranchir de la bienséance morale de la bourgeoisie rémoise. D’autres photographies plus tardives les présentent espiègles avec Vera Milanova, la compagne de René Daumal.
Des dessins réalisés par divers membres du Grand Jeu reflètent leur talent polymorphe et leur créativité parfois placée sous le signe de l’humour. Un dessin de Maurice Henry intitulé [Encyclopédie] représente ainsi un homme la tête parmi des livres, alors que L’arrivée du grand crétiniseur, œuvre de René Daumal, livre une critique acerbe de la colonisation. Quelques gravures du peintre tchèque Josef Sima complètent cette approche artistique du Grand Jeu.

La bibliothèque Carnegie enrichit régulièrement l’approche de cette collection par l’acquisition de lettres et manuscrits lors de ventes aux enchères et par l’achat de toutes les éditions de textes du Grand Jeu (éditions originales, rééditions).

Bibliothèque Carnegie. Reims, Marne 20e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie
Docteur Carrière : médecin, chrétien, poète

Henri Carrière naît à Châlons-sur-Marne le 23 juillet 1881. Après des études à l’institution Saint-Étienne et à la faculté de médecine de Paris, il revient à Châlons exercer sa profession. Il se marie avec Margueritte Châtelain à Épernay en 1907 et le couple a cinq enfants.
Le docteur Carrière se spécialise dans la médecine infantile. Il crée également en 1922 un cours d’infirmières pour la Croix-Rouge puis une consultation de nourrissons au Dispensaire. En 1928, il déménage à La Chaussée sur Marne où il exerce sa profession de médecin jusqu’en 1940.
En plus de son activité de médecin, Henri Carrière s’engage auprès du Journal de la Marne. Après y avoir fait publier une soixantaine d’articles durant la première guerre mondiale (Pages de Guerre, Les enfants de la guerre), il occupe la fonction d’administrateur délégué jusqu’à son départ de Châlons-sur-Marne. A partir de 1935, il devient commissaire de districts des scouts de France. A ce titre, il passe plusieurs semaines à Lourdes chaque été, où il fréquente le Bureau des Constatations.
En parallèle de sa profession de médecin et de ses engagements, Henri Carrière écrit, à la fois de la poésie, un peu de prose et beaucoup de théâtre. Ses pièces sont jouées par des jeunes et des enfants, sur les scènes du Collège Saint-Étienne, de la Maison des Sœurs de Saint-Vincent de Paul, de la Maison des Œuvres. D’inspiration chrétienne, il exprime à travers ses œuvres sa pensée et son idéal.

Le fonds du docteur Carrière est composé des documents rassemblés par son fils ainé, Monseigneur Paul Carrière. Le fonds comporte notamment les manuscrits et épreuves de ses œuvres imprimés, ainsi que les tapuscrits de ses interventions lors de conférences ou d’articles dans des revues savantes. On compte également de nombreux manuscrits d’œuvres non publiés (7 récits, 8 pièces de théâtre, 47 poèmes) ainsi que son journal Le Livre de Raison. Celui-ci est composé de 11 cahiers dans lesquels Henri Carrière note chaque jour les évènements de sa journée entre 1908 et 1943. Il s’explique « dans ce livre, je veux consigner toute ma vie, pour en léguer à mes enfants ce qu’elle peut leur offrir de bon et d’élevé et les instruire par l’humble expérience que j’aurai acquise ». Enfin, on trouvera également de la correspondance et des photographies, dont un album relatif à la Première Guerre mondiale.

Archives départementales de la Marne, Reims, Marne 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie, Théâtre
Yvette Lundy, résistante marnaise

Benjamine d’une fratrie de six frères et sœurs, Yvette Lundy naît à Oger (Marne) le 22 avril 1916. A l’issue de la guerre, la famille Lundy se réinstalle à Beine-Nauroy (Marne), commune dont les parents d’Yvette Lundy sont originaires.
Yvette Lundy intègre en 1928 une école primaire supérieure à Reims et obtient le brevet supérieur en 1936. Après plusieurs remplacements, Yvette Lundy obtient le poste d’institutrice à l’école de Gionges (Marne) en 1938.
Devant l’arrivée des Allemands, Yvette Lundy part rejoindre sa famille en Vendée avant de revenir dans la région en août 1940.
La famille Lundy s’engage très tôt dans la Résistance, notamment son frère Georges et sa sœur Berthe qui intègrent le réseau Possum. Yvette Lundy, quant à elle, aide les prisonniers évadés et les réfractaires au STO en leur fournissant de faux papiers. Yvette Lundy est arrêtée durant sa classe le 19 juin 1944 avant d’être déportée au camp de Ravensbrück. C’est cette expérience qu’elle relate dans Le fil de l’araignée: Itinéraire d’une résistante déportée. 
A son retour en France en mai 1945, Yvette Lundy reprend son poste d’institutrice à l’école de Gionges.
Yvette Lundy s’engage par la suite dans plusieurs associations dans le but de témoigner de la Résistance et de la déportation aux générations plus jeunes, notamment par le biais du concours de la Résistance et de la Déportation ou au sein des CVR (combattants volontaires de la Résistance). Elle fonde également en 1991 l’Association marnaise des lauréats du concours de la Résistance et de la Déportation.
Yvette Lundy décède à Épernay le 3 novembre 2019.

A la suite de son décès, les archives d’Yvette Lundy ont été données par ses enfants.
Le fonds, de taille modeste (0.54 ml.), est composé de trois parties. La première d’entre elles concerne Yvette Lundy et sa famille. Celle-ci contient des récits biographiques et autobiographiques, dont Le Fil de l’araignée, ainsi que des documents relatifs au concours de la Résistance et de la déportation. On peut noter, par exemple, la réalisation de planches de bande dessinée par des élèves de 3e dans le cadre de ce concours.
La deuxième partie du fonds est centrée autour de l’engagement d’Yvette Lundy auprès de nombreuses associations. Parmi elles, on peut citer l’association marnaise des lauréats du concours de la Résistance et de la déportation (AMLCRD) ; l’association des déportés, internés et familles de la Marne (ADIF) ; de la fédération nationale des déportés et internés de la Résistance (FNDIR) ; ou bien de la confédération nationale des combattants volontaires de la Résistance (CNCVR).
Enfin, divers dossiers documentaires composé principalement de coupures de presse complètent le fonds. La Libération, la vie dans les camps, la Résistance sont les principaux thèmes de ces dossiers.

Archives départementales de la Marne, Reims, Marne 20e siècle
Narratif
Barrès, « La terre et les morts »

« La terre et les morts : sur quelles réalités fonder la conscience française ? », ce titre du discours, que Maurice Barrès prononce le 10 mars 1899, donne le ton sur ce que représente son œuvre.

Né le 8 août 1862 à Charmes (Vosges) et mort le 4 décembre 1923 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), Barrès est un homme à la plume polyvalente que le nationalisme républicain inspire. Il est écrivain (romancier, essayiste et critique), journaliste et homme politique.

Entrant en littérature, Barrès exalte d’abord le « culte du moi », dont une trilogie romanesque prend le nom et qui réunit Sous l’œil des barbares, Un homme libre et Le Jardin de Bérénice. Le protagoniste, qu’il met en scène, cherche à libérer son « moi » des « barbares », ces autres sous l’autorité desquels il se trouve, et qui l’empêchent. Ainsi, ces premiers textes sont de révolte et séduisent la jeunesse des années 1880-1890, à l’instar de Léon Blum ou de Gustave Kahn, un autre auteur que la bibliothèque Verlaine met à l’honneur dans « Littératuresque ».

La méthodologie que Barrès fait dire à son homme libre, selon trois principes allant de la joie ressentie dans l’exaltation jusqu’à l’analyse du plaisir retrouvé, invite à renouer avec le passé, donc avec ses origines. Aussi l’œuvre de l’écrivain évolue-t-elle en suivant ces principes. En revendiquant l’attachement à la terre natale, elle prend une tournure mélancolique, une partie de cette terre d’où l’auteur tient ses racines – la Lorraine – étant alors perdue, rattachée au Reich allemand.

Maurice Barrès s’engage en politique : il est candidat du mouvement boulangiste à Nancy et, à peine trentenaire, élu député. Entre septembre 1894 et mars 1895, il dirige le quotidien La Cocarde, de la ligne éditoriale duquel il tente de conjuguer à la fois le nationalisme et le socialisme. Antisémite et farouchement opposé au capitaine Dreyfus lors de « l’Affaire », il adhère en 1899 à la Ligue de la patrie française puis à la Ligue des patriotes qu’il préside en 1914, succédant à Paul Déroulède.

Entre 1897 et 1902, Barrès publie une autre trilogie intitulée Le roman de l’énergie nationale, autant dire le roman du nationalisme républicain et de l’attachement aux valeurs traditionnelles. En 1906, il est élu à l’Académie française et, la même année, député de Paris.

Pendant la Grande Guerre, il offre sa plume à l’effort de guerre, par exemple dans 1914-1916 : La Bataille sous Nancy et dans Alsace-Lorraine. Il est obsédé par la question des territoires perdus en 1870-1871, qui « n’est pas le système de quelques patriotes, une vue de l’esprit : elle est un fait, une plaie ». Dans Les Diverses familles spirituelles de la France, pourtant réputé pour son antisémitisme, il rend hommage aux Juifs tués dans les tranchées et leur reconnaît une place égale à celles des catholiques, des protestants et des socialistes.

Le succès de Maurice Barrès, alors considérable, surprend d’autant plus aujourd’hui que l’auteur est tombé en disgrâce, et son œuvre dans l’oubli. Il représente des courants de pensée caractéristiques de son époque, aujourd’hui controversés, voire condamnés, à l’image de l’antisémitisme.

Le fonds comprend des éditions dédicacées par Maurice Barrès et une cinquantaine de documents autographes, parmi lesquels de nombreuses lettres.

Les lecteurs trouveront ainsi une lettre de Verlaine, écrite en 1895 sur un formulaire à l’en-tête de l’assistance publique de Paris et dans laquelle il précise recevoir La Concorde– journal qui l’intéresse « moult » et que Barrès dirige. D’autres lettres, adressées la même année, démontrent l’existence d’une correspondance entre les deux hommes, le poète sollicitant souvent l’aide de l’écrivain à succès.

En 1907, les frères Prillot – figures incontournables de la photographie à Metz – ont pris le portrait de l’écrivain, tout juste élu académicien et député de Paris.

Enfin, des cartes postales, publiées pendant la Grande Guerre, illustrent des scènes patriotiques où Barrès pose devant une église en ruines ou en train de célébrer « la délivrance de Metz ».

Médiathèque Verlaine. Metz, Moselle 19e-20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif
François de Curel, le dramaturge oublié

« Votre rôle, dans ma carrière, a été admirable. Lorsque, malgré ma famille et mes relations, je me suis rallié au gouvernement, sans vous, que serait devenue ma situation mondaine ? » (La Figurante, Acte 1).

François de Curel est né à Metz le 10 juin 1854. Son père était officier de cavalerie et sa mère, descendante de la famille de Wendel, maîtres de forges.

Après une scolarité chez les Jésuites, et suite à la défaite de 1870 face à la Prusse provoquant la perte de l’Alsace-Moselle, il suit sa famille fuyant vers la France. Bien qu’il soit diplômé de l’École centrale et qu’il ait hésité à diriger les forges familiales, il renonce à une carrière d’ingénieur pour se consacrer à la littérature. Il écrit des romans avant de privilégier le théâtre. En 1898, il reçoit le prix Calmann-Lévy pour l’ensemble de son œuvre. En 1918, il entre à l’Académie française.

Écrivant des drames d’idées mis en scène dans des décors mondains, François de Curel aborde des thèmes à caractère social et familial, des discussions morales puis des réflexions sur la guerre. L’analyse psychologique, l’étude des caractères, la sobriété du style sont tantôt saluées, tantôt malmenées par la critique, la dramaturgie faisant souvent défaut, aux yeux des contemporains. Ainsi, de L’Envers d’une Sainte, L’Écho de Paris célèbre le 3 février 1892 « le noble ouvrage de M. François de Curel », son talent inégalé de « vaudevilliste » ; Le Figaro distingue une « œuvre tout à fait supérieure, non pas comme pièce de théâtre, mais comme étude de psychologie ». Le Temps, quant à lui, tranche : « C’est crevant ! Je n’ose pas dire que c’est sans talent parce qu’il y a là-dedans certaines qualités… ». À la fin de la carrière de l’auteur, les avis ne sont pas moins clivés. Dans un article du 8 janvier 1926, au sujet de La Viveuse et le Moribond, le quotidien L’Homme libre, dont Clémenceau est le rédacteur-en-chef, résume : « On aime ou l’on n’aime pas M. François de Curel » et de conclure : « Dramatiquement, l’œuvre est faible, mais elle est semée, submergée, serait-on tenté d’écrire, de pensées, de formules, dont le fracas a été la préface et l’entraînement naturel aux applaudissements ».
Les drames de François de Curel sont avant tout les reflets des préoccupations morales et philosophiques de son époque. Inscrites dans la veine naturaliste, elles ont été considérées comme des « pièces à thèses ». Pourtant, le dramaturge renverse l’art dramatique traditionnel. En effet, les personnages, au lieu qu’ils s’affrontent entre eux, laissent transparaître leurs égarements intérieurs. Ils ne se révèlent plus dans l’action mais dans la réflexion.
François de Curel meurt à Paris en 1928. Il est inhumé à Coin-sur-Seille, dans la chapelle du château de sa famille, au sud de Metz.

Le fonds, don fait à la Ville de Metz par l’épouse de François de Curel, se compose de quatre boîtes rassemblant :
– plus d’une vingtaine de lettres autographes (1917-1925) adressées à son éditeur au sujet de la mise au point de l’édition de son théâtre en six volumes. Cette correspondance détaillée nous informe sur le retard de la livraison des épreuves et la rédaction des préfaces ;
– des articles de journaux se référant aux représentations des pièces, notamment l’Amour brode et L’Envers d’une Sainte.

Médiathèque Verlaine. Metz, Moselle 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Théâtre
Gustave Kahn, poète engagé et théoricien du vers libre

« Quand je commençais à publier, ce fut parmi les étudiants que je trouvai mes premiers lecteurs. (…) On mobilisait contre nous les plus vieilles gloires », ainsi Gustave Kahn faisait-il l’aveu, lors d’une conférence donnée en 1912, d’avoir soulevé contre lui « les vieilles gloires », en défendant le vers libre.

Trop longtemps méconnu, Gustave Kahn est un poète symboliste, un romancier, un dramaturge et un essayiste. Il est aussi un critique d’art et un intellectuel engagé.

Né à Metz en 1859, il quitte avec ses parents la Moselle annexée en 1870 par le Reich allemand. C’est pour lui un exil, un déchirement. La nostalgie imprègne ses premiers poèmes : « Le souvenir vibre empenné de douleur (…). Le cordeau des rues, l’apaisement des places et des squares évoquent. Les souffrances de la mémoire s’exacerbent. Vers le passé, vers le lointain, vaguement murmure le désir présent… », jusqu’aux Images mosellanes, plus tardives.

En 1878, Gustave Kahn est inscrit à l’École des chartes. Deux ans plus tard, il s’engage dans l’armée coloniale et part quatre ans en Afrique du Nord. De retour en France, il se consacre à son œuvre littéraire, qu’il inscrit dans le mouvement symboliste, autour de Mallarmé.

Fondateur des revues d’avant-garde La Vogue et Le Symboliste, Kahn collabore également à La Revue blanche, au Mercure de France et à de nombreux autres organes de presse. En publiant de la poésie (Palais nomades en 1887, Domaine de fée en 1895, Le Livre d’images en 1897), il défend le vers libre qu’il théorise et dans le principe de liberté duquel « chacun doit trouver en lui-même sa force rythmique ». Selon lui, Jules Laforgue, André Spire, Charles Cros ou encore Émile Verhaeren participent tous de ce courant de « liberté esthétique ».

En plus de la poésie, Kahn écrit des romans, des contes, des pièces de théâtre, en mêlant le tragique à l’ironie, ainsi que l’illustre son Roi fou, un « Ubu roi » régnant sur un État d’opérette transposé en Allemagne. En outre, il publie des essais, notamment sur le symbolisme, et il s’intéresse à des courants artistiques d’avant-garde.

Deux auteurs messins, également valorisés dans le cadre de Littératuresque, ont exercé de l’influence sur Gustave Kahn – sur l’homme et sur son œuvre. Il en va ainsi de Verlaine qu’il admire et dont il transmet la mémoire en fondant la « Société des amis » du poète. Le patrimoine littéraire s’écrit aussi dans la pierre : un buste du poète est ainsi inauguré à Metz sur le chemin de l’Esplanade. Par ailleurs, Kahn n’a pas échappé à la fascination qu’exerçait à l’époque Maurice Barrès, sur nombre de jeunes gens, davantage sans doute pour le Culte de moi que pour la suite d’une œuvre évoluant vers le nationalisme et l’antisémitisme.

Kahn, auteur engagé, s’éloigne de « l’art pour l’art », théorisé par Théophile Gautier dans Émaux et Camées, en soutenant le rôle de l’art au nom du progrès, avec « l’idée de la responsabilité du poète au sein de la société ». Il participe aux débats de son temps : anarchisme, socialisme, féminisme. Pendant « l’Affaire », il soutient Dreyfus. Dans les années 1920, il s’engage en faveur du sionisme, puis, jusqu’à sa mort en 1936, il s’intéresse de plus en plus à la culture juive. Il publie les Contes juifs en 1926, Images Bibliques en 1928 et Terre d’Israël en 1933.

Gustave Kahn est enterré à Paris, au cimetière du Montparnasse.

Le fonds, constitué d’un leg de l’auteur et de plusieurs dons et achats, comprend près de cinquante manuscrits autographes complets aux dimensions diverses, une centaine de manuscrits épars (lettres signées, poèmes, textes de discours et de conférences, etc.), quatre télégrammes, deux photos de Gustave Kahn, ainsi que 17 carnets autographes de notes et de poèmes.

Parmi les documents remarquables actuellement numérisés sur Limédia Galeries, se trouve une lettre de Gustave Kahn à l’attention de Léon Vanier, éditeur réputé pour avoir publié les poètes symbolistes. L’écrivain messin évoque une pièce de Verlaine intitulée « À un mort » et commençant par « L’affreux jury dévorateur ».

Médiathèque Verlaine. Metz, Moselle 19e-20e siècle
Argumentatif, Narratif, Poésie, Théâtre
Frédéric Estre, un amoureux des mots et un bienfaiteur de l’humanité

Né à Marseille en 1813 et mort le 11 janvier 1902 à Servigny-lès-Raville (Moselle), Frédéric Estre a été médecin cantonal et du chemin de fer, et chef interne de l’Asile des aliénés de Marseille. Il s’est également beaucoup intéressé à la question de l’alcool.

Il est aussi un amoureux des mots et de leur saveur, propre à chaque région. Ses écrits sont à la fois rédigés en patois provençal et en patois messin et il utilise le pseudonyme « Lou felibre de la mousèlo » lorsqu’il écrit en provençal et « Chan Heurlin » quand il emploie le dialecte lorrain. Il a rendu hommage, par les mots, autant à sa Provence natale qu’à sa terre d’adoption, la Lorraine. Il a laissé des traductions et des contes, ainsi que des études philologiques.

En 1846, il s’installe à Remilly (Moselle), après des études de médecine à Paris.

En 1866, une épidémie de choléra se propage dans le village de Servigny-lès-Raville, causant la mort de plusieurs dizaines de personnes. Le docteur Frédéric Estre rayonne dans la région, soignant avec dévouement les malades. En pleine épidémie, et à l’appel du maire de Servigny, il assume d’abord seul le choc de la maladie, faisant preuve d’abnégation, se contentant des remerciements. Pour cette raison, il est décoré de la médaille d’or du dévouement à l’humanité. En son honneur, une plaque a été érigée au Cimetière du choléra de Servigny-lès-Raville.

Le fonds se compose de six manuscrits autographes complets et vingt-neuf cahiers, contenant principalement des contes, des études philologiques et des glossaires, regroupés dans quatre unités matérielles.

Le Cercle folklorique de Metz a fait don de ces archives à la Bibliothèque de Metz.

Signalons notamment parmi ses œuvres :
– des écrits sur l’alcoolisme, un thème cher au médecin qu’était Frédéric Estre ;
– des témoignages de cet amoureux des langues :
– des fables provençales dont les « dous grenouilles, le corbel et le reinard » ;
– un glossaire patois lorrain- français,
– enfin, la relève est assurée avec un manuscrit de sa fille, Léontine Estre : ce sont des contes en patois messin, traduits en français, tels que « Naoué (Noël), le « diâle dans l’âtrèye » (le diable au cimetière).

Médiathèque Verlaine. Metz, Moselle 19e-20e siècle
Argumentatif, Narratif, Poésie
Bernard-Marie Koltès, le désir et la violence

« Un désir comme du sang à vos pieds a coulé hors de moi, un désir que je ne connais pas et ne reconnais pas, que vous êtes seul à connaître, et que vous jugez. » (Dans la solitude des champs de coton).

Bernard-Marie Koltès est l’un des « classiques contemporains », tant son œuvre singulière a marqué la fin du 20e siècle.

Originaire de Metz, Koltès s’oriente à 20 ans vers le théâtre après avoir assisté à une représentation de Medea par Maria Casarès. Il intègre la section « scénographie » de l’école du nouveau Théâtre national de Strasbourg, y réalise des mises en scène et commence à écrire des pièces. En 1970, il fonde sa propre troupe de comédiens – le « Théâtre du Quai » – et écrit L’Héritage que Maria Casarès lit pour la radio. Mais, c’est la mise en scène par Pierre Audi de La nuit juste avant les forêts au Festival d’Édimbourg qui le fait connaître au public, en 1981.

En 1983, Patrice Chéreau met en scène Combat de nègre et de chiens, pièce écrite par Koltès après un voyage en Amérique centrale. C’est le début d’une collaboration fructueuse, car suivront au Théâtre des Amandiers : Quai Ouest (1985), Dans la solitude des champs de coton (1986) et Le retour au désert (1988). Sa dernière pièce Roberto Zucco, jouée à Berlin un an après sa mort, est l’une de ses œuvres les plus diffusées en France et à l’étranger.

Bernard-Marie Koltès campe des personnages solitaires, rejetés, en révolte, parfois inspirés de ses propres expériences et de ses nombreux voyages (États-Unis, Afrique, Amérique centrale…). Son théâtre, qui rompt avec le théâtre de l’absurde, explore le désir, les sentiments obéissant aux lois de l’économie, le manque de communication, l’altérité.

La dramaturge décède du SIDA à 41 ans. Il est enterré au cimetière de Montmartre, à Paris. Ses œuvres, publiées aux éditions de Minuit, sont aujourd’hui traduites dans une trentaine de langues.

Le fonds comprend 105 tapuscrits, des photographies de pièces jouées sur scène, un ensemble de photographies diverses, des enregistrements (cassettes et disques compacts) de Koltès, quatre microfilms ainsi que des archives numériques, sur disques compacts.

En outre, des documents, relevant notamment de la littérature « grise », décrivent l’organisation de rencontres culturelles et de colloques portant sur l’œuvre de Koltès (brochures, programmes, revues de presse, etc.), ainsi que des dossiers de communication et des affiches de différentes troupes ayant joué ses pièces.

Enfin, la bibliothèque Verlaine conserve les œuvres de l’auteur en français, ainsi que les traductions dans de nombreuses langues étrangères (langues européennes, russe, japonais, chinois, hébreu, turc, etc.).

Médiathèque Verlaine. Metz, Moselle 20e siècle
Narratif, Théâtre
Jean Vodaine, poète, imprimeur et typographe

La Lorraine, terre de liens et de passages, a accueilli, au cours de son histoire, des artistes, des musiciens, des écrivains. Jean Vodaine est l’un de ceux-là. Né en 1921 à Volče en Vénétie Julienne (aujourd’hui en Slovénie), il arrive à l’âge de trois ans en Moselle avec ses parents, qui émigrent pour échapper au fascisme.
Cordonnier de formation, il exerce différents métiers avant de se consacrer pleinement à l’édition, à la typographie et à la poésie. Vladimir Frédéric Kaucic choisit alors de s’appeler Jean Vodaine, comme un rappel des mots slovènes Bod eden ! (« Sois un ! »). Vodaine entre en poésie d’abord comme auteur, inspiré aussi bien par le milieu d’artisans et d’ouvriers qu’il côtoie que par la terre lorraine où il vit. Ses poèmes, éloignés de tout intellectualisme, se font l’écho des expériences variées de la condition humaine. Certains sont primés : prix Germaine Briant pour La mort de l’ouvrier ; second prix Verlaine pour Le bâton du vagabond.
Il se tourne ensuite assez vite vers l’activité d’imprimeur, à laquelle s’ajoutent celles d’éditeur et de typographe. Cette facette de son travail se manifeste en particulier à travers les revues qu’il anime et publie à partir de 1949 : Poésie avec nous, Le Courrier de poésie, La Tour aux Puces et, enfin, DIRE. Avec cette dernière, Vodaine exprime tout son génie : expérimentations typographiques audacieuses, création du format poèmes-affiches, collaboration avec de nombreux écrivains et artistes (Paul-Alexis Robic, Gaston Chaissac, Pierre Béarn, Edmond Dune, entre autres). DIRE paraît de 1962 à 1984, occupant une place de choix parmi les périodiques littéraires en Lorraine et au-delà. Il reçoit en 1987 le Prix Stomps de la Ville de Mayence et du Musée Gutenberg.
Ses publications des auteurs de l’art brut (Queneau, Dubuffet) ainsi que son ouverture aux cultures de tous les continents constituent des aspects remarquables de son engagement littéraire.
Aussi l’œuvre du poète semble-t-elle se tenir en retrait de son activité d’éditeur. Elle dévoile pourtant une sensibilité vive, aussi bien dans ses premiers recueils que dans les œuvres de la maturité.
Familier de plusieurs langues, Jean Vodaine n’a eu de cesse de se confronter aux mots, de vivre avec eux et de les questionner. Il lui est même arrivé de se faire traducteur, comme le montre le recueil Poésie slovène publié aux Éditions Escales en 1950.
Artiste aux multiples talents, Vodaine reste fidèle à sa terre d’adoption, résidant successivement à Yutz (Moselle), à Metz, et enfin à Baslieux (Meurthe-et-Moselle) dès 1976. Et malgré un goût pour la peinture qui se renforce au fil du temps, c’est toujours dans les mots qu’il choisit d’habiter. Il continue d’écrire et d’éditer des poètes jusqu’au début des années 2000.
Tout au long de son travail de création, Vodaine collabore régulièrement avec la Médiathèque de Metz : expositions, rencontres, dons réguliers de ses publications à la Ville de Metz. Il fait ainsi vivre la poésie pour la plus grande joie des lecteurs avisés comme des publics les plus divers.
Lorsqu’il meurt en août 2006, il laisse une œuvre protéiforme, à lire, relire et admirer.

Le fonds est en cours de traitement. Il constitué essentiellement d’imprimés (près de 300 références), se partageant entre les monographies pour environ 2/3, et publications périodiques pour le 1/3 restant. Le reste du fonds comprend cinq manuscrits autographes complets, deux cahiers manuscrits, une cinquantaine de lettres et autres documents autographes, et enfin, des plaques de linogravures, des maquettes et épreuves d’ouvrages.
Les documents sont issus de dons faits par Jean Vodaine à la Bibliothèque de Metz, d’autres dons de diverses personnes, et d’acquisitions effectuées directement auprès de l’auteur (par souscription ou achat ordinaire).

Focus sur un document :
Les Maixines (1985). Cote : RES IN-F 039.
Dans cet ouvrage, Jean Vodaine propose au lecteur une déambulation poétique et onirique à travers les rues de Metz. Il évoque les lieux, les personnages et les monuments de façon tantôt caustique, tantôt tendre, et n’épargne pas certains travers du microcosme culturel messin. En usant du vers libre, le poète converse avec nous sur le ton de la confidence, et nous invite à cheminer à ses côtés.

Médiathèque Verlaine. Metz, Moselle 20e siècle
Poésie, Traduction
Verlaine, le Prince des poètes

Paul Verlaine est né à Metz. Encore enfant, il suit ses parents qui s’installent à Paris. Poète, il publie son premier ouvrage Poèmes saturniens à l’âge de 22 ans.

Marié et père de famille, il tombe amoureux d’Arthur Rimbaud en 1871. Leur liaison tumultueuse s’achève à Bruxelles sur un coup de revolver tiré par Verlaine sur son amant. Condamné pour cette tentative d’homicide et pour pédérastie, il passe deux ans dans les prisons belges.

Libéré, il s’exile en Angleterre où il subsiste en donnant des cours de français et de dessin dans une école privée. Séparé de sa femme qu’il maltraitait, il divorce en 1885. Revenu en France en 1877, il gagne sa vie comme répétiteur et s’éprend d’un de ses élèves âgé de 17 ans, Lucien Létinois. Cette affection partagée se termine en 1883 avec la mort de Lucien, victime de la typhoïde.

Sa renommée littéraire prend de l’ampleur. Ses divers recueils poétiques écrits et publiés entre 1866 et 1896 rencontrent un grand succès dans les milieux littéraires. Sacré Prince des poètes, il entame pourtant une descente aux enfers. Vivant dans la misère, rongé par l’alcoolisme et miné par une santé défaillante, il meurt à l’âge de 52 ans.

La collection Paul Verlaine regroupe 5 manuscrits de Verlaine, 60 pièces manuscrites (poèmes, lettres et dessins autographes) de l’auteur ainsi qu’une centaine d’autres documents écrits lui ayant été adressées ou le concernant. Elle comporte également toutes les premières éditions (36 recueils et œuvres diverses) du poète, des ouvrages publiés par ses amis lui rendant hommage ainsi que de nombreuses éditions bibliophiliques de ses œuvres illustrées par des artistes de renom. Enfin, une vingtaine de documents iconographiques représentant Verlaine complètent cette collection.

Cette collection a été constituée à l’aide des crédits reçus par la Bibliothèque depuis 1966, pour dommages de guerre, et régulièrement enrichi par des acquisitions (subventions FRRAB -fonds régional de restauration et d’acquisition pour les bibliothèques des collectivités territoriales).

Les manuscrits de Bonheur (1887-1889), Liturgies intimes (1891-1892), Dans les limbes (1894), Chair (1896), et des Confessions (manuscrits Barthou et Gimpel) figurent en première place des documents remarquables. Le manuscrit Gimpel est illustré de dessins représentant Verlaine dans sa jeunesse. Un talent moins connu de Verlaine, celui de caricaturiste est représenté dans certaines lettres autographes, dont celle croquant Rimbaud et datant du 7 mai 1875. Parmi les éditions de ses œuvres, il serait dommage de ne pas citer Parallèlement, édité par Ambroise Vollard en 1900 et illustré par Pierre Bonnard. Un portrait de Verlaine enfant par Frédéric-Auguste Cazals, dessin au fusain et à la mine de plomb d’après photographie, constitue une rareté. Enfin une collection de 586 ex-libris ayant Verlaine pour thème, résultant d’un concours international organisé en 1996, provenant de 39 pays différents témoigne du rayonnement international de cet auteur.

Médiathèque Verlaine. Metz, Moselle 19e siècle
Poésie
Guy Goffette, et la poésie résonne

Guy Goffette est né en 1947 à Jamoigne dans la campagne gaumaise en Belgique, entre forêts et Semois, dans une famille ouvrière de 4 enfants. Il séjourne dans plusieurs pays d’Europe, vit quelques temps à Charleville-Mézières, la contrée de Rimbaud et Verlaine puis à Paris avant de rejoindre la Belgique où il s’éteint en 2024. Il a porté toute sa vie un regard émerveillé et amoureux sur le monde.

Poète et aussi romancier, il a été instituteur à Harnoncourt pendant plus de 25 ans et exercé plusieurs métiers, éditeur, typrographe, compositeur-imprimeur, bouquiniste, critique littéraire entre autres à la Nouvelle Revue Française à partir de 1986, essayiste.
Son premier recueil Quotidien rouge est publié en 1971.
De 1983 à 1987, il dirige les éditions l’Apprentypographe qui offrent des tirages de petits livres faits main, réunissant des signatures aussi prestigieuses que celles d’Umberto Saba, Bernard Noël ou Michel Butor.
Les publications se suivent, poésie (Éloge pour une cuisine de province en 1991, Le pécheur d’eau, L’adieu aux lisières, Petits riens pour jours absolus), romans (Un été autour du cou, Une enfance lingère, Géronimo a mal au dos), récits, proses, recueils, livres d’artiste (Mariana, Portugaise, L’autre Verlaine, Chemin des roses, Semois, Les derniers planteurs, La chambre des nues) … De nombreux prix littéraires récompensent son œuvre à travers le monde, dont le prix Mallarmé en 1989, le Grand Prix de Poésie de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre en 2001, le Prix Félix-Denayer de l’Académie royale de Belgique en 2001, le prix Goncourt de la poésie en 2010, le prix Max-Jacob en 2017.
Amoureux de la littérature, Guy Goffette, qui a consacré sa vie au livre et à l’écriture, était aussi un grand lecteur. Son poète de prédilection, celui auquel il s’est même parfois identifié, est Paul Verlaine, à qui il a consacré une poétique biographie Verlaine, d’amour et de pluie (1995). Marthe, la muse de Bonnard a inspiré Elle, par bonheur, et toujours nue en 1998. En 2005, Auden ou L’œil de la baleine est un hommage au poète britannique.
Après la préface de différentes éditions de poètes, la composition de l’album Claudel de la Pléiade en 2011, Guy Goffette est membre du comité de lecture des éditions Gallimard, où il a dirigé les collections Enfance en poésie et Folio Junior en Poésie.
Passionné par le blues, il travaille à la traduction d’un important corpus de chants noirs d’Amérique. Guy Goffette est, avec André Velter, Yanny Hureaux et Franz Bartelt, un des parrains de la médiathèque Voyelles, inaugurée en 2008.

Je me disais aussi : vivre est autre chose
que cet oubli du temps qui passe et des ravages
de l’amour, et de l’usure – ce que nous faisons
du matin à la nuit : fendre la mer,

fendre le ciel, la terre, tour à tour oiseau,
poisson, taupe, enfin : jouant à brasser l’air,
l’eau, les fruits, la poussière ; agissant comme,
brûlant pour, allant vers, récoltant

quoi ? le ver dans la pomme, le vent dans les blés
puisque tout retombe toujours, puisque tout
recommence et rien n’est jamais pareil
à ce qui fut, ni pire ni meilleur,

qui ne cesse de répéter : vivre est autre chose

Extrait de La vie promise, Guy Goffette, 1991

Les archives déposées par Guy Goffette contiennent des correspondances d’ordre professionnel et privé, plus de 2000 courriers de nombreux auteurs du monde de la poésie et de l’édition, essentiellement entre 1966 et 1998.
On y trouve aussi les manuscrits de ses premières œuvres : Quotidien rouge, Partance, Solo d’ombres, Nomadie, du catalogue d’exposition « L’agencement du monde ou le voyage rêvé du Marquis de Sy », ainsi que des dossiers sur différents sujets témoignant de ses activités d’auteur et d’éditeur : l’association Guy Lévis Mano, la Maison de la poésie et L’Apprentypographe, des articles rédigés par Guy Goffette ou qui lui sont consacrés et des coupures de presse des années 70 aux années 2000.
Le fonds Guy Goffette conservé à la médiathèque Voyelles comprend aussi des ouvrages de Guy Goffette traduits dans une dizaine de langues (roumain, italien, anglais, allemand, japonais, russe, grec, finnois…), des affiches, 2 médailles récompensant son œuvre littéraire, des catalogues d’exposition, des revues littéraires, des livres d’artistes avec qui il a travaillé (Joël Leick, Julius Balthazar) et une bibliothèque de plus de 500 ouvrages, consacrés à la poésie, dont une partie sont dédicacés.
Le fonds Guy Goffette a été présenté lors d’une exposition Charlestown blues à l’automne 2018. Une partie de cette exposition a aussi été présentée à Harnoncourt en Belgique en 2020, pour accompagner une représentation théâtrale de Verlaine, d’ardoise et de pluie.

Médiathèque Voyelles. Charleville-Mézières, Ardennes 20e-21e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
Claire et Yvan Goll : amour, passion et surréalisme.

Yvan Goll (nom de plume Isaac Lang) naît le 29 mars 1891 d’un père fabricant de tissu habitant à Saint-Dié (Vosges). Ce dernier meurt 6 ans plus tard et la jeune veuve retourne dans sa famille à Metz avec son fils. Il y apprend notamment la langue allemande à l’école puis au lycée. En 1914, à Berlin, il publie deux recueils de poésies de nature expressionniste et collabore à la fameuse revue Aktion.

Survient alors la Première Guerre mondiale et, appelé dans l’armée allemande, il décide de se réfugier en Suisse. Là-bas, il noue des liens avec les pacifistes de toutes les nations pour crier l’horreur de la guerre. Il rencontre en 1917, à Genève, Claire Studer née Aischmann, journaliste et femme de lettres allemande, divorcée de l’éditeur Heinrich Studer. C’est le début d’une vie de couple passionnée, tumultueuse, avec des trahisons, des départs, des tentatives de suicide, des déchirements.

À Zurich, ils fréquentent Arp, Tzara et Picabia. Installé à Paris en 1919, le couple se lie avec des écrivains et des artistes, comme Malraux, Léger, Cendrars, Chagall, Delaunay, Claire Goldschmidt-Malraux…

De 1939 à 1947, le couple s’exile aux États-Unis pour échapper aux persécutions nazies, vivant grâce au journalisme et à la littérature.

Yvan Goll meurt en 1950 à 58 ans d’une leucémie  dont il est atteint depuis 1944, laissant un testament poétique, Traumkraut (L’Herbe du Songe), qui sera édité par Claire Goll, de même que nombre de poèmes inédits.

Claire Goll, décédée en 1977, a légué à la ville de Saint-Dié-des-Vosges leurs manuscrits français représentatifs du surréalisme, leurs œuvres d’art ainsi que leur bibliothèque et leur mobilier.

Claire Goll a légué par testament à la bibliothèque de Saint-Dié les manuscrits français (ceux en allemand et en anglais se trouvant au musée Schiller à Marbache, en Allemagne) ainsi que les œuvres publiées et leur bibliothèque personnelle. L’ensemble représente près de 3000 documents comprenant des romans ( ex : Agnus Dei, 1929), des manuscrits (ex : Le char triomphal de l’antimoine, 1949) ou encore des poèmes écrits par Yvan Goll ou en commun avec son épouse (ex : Poème de jalousie, 1926). La médiathèque dispose également des correspondances échangées entre le couple Goll et des artistes reconnus comme Fernand Léger, Man Ray ou encore Hans Richter.

Médiathèque de La Boussole. Saint-Dié-des-Vosges, Vosges 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
Christian Hubin, en marge du poème

Ce n’est pas vraiment en nous qu’est le poème,
– comme quelle immanence, quels sédiments ?
C’est dans une syncope : un là par défaut, un là
– sans commencement
Christian Hubin

Christian Hubin est né le 18 septembre 1941 à Marchin, en Belgique. De 1959 à 1963, il prépare une licence de philosophie et lettres à l’Université de Liège et devient professeur. Il participe à la création de la revue Carbonne. Dans les années qui suivent, il entretient une correspondance avec plusieurs écrivains dont la rencontre l’a marqué : Armel Guerne, Achille Chavée, Jean Malrieu, Frédéric Jacques Temple, Jacques Izoard, Pierre Dhainaut, François Jacqmin, Julien Gracq, Lorand Gaspar, Claude Louis-Combet, Valère Novarina, Pierre-Albert Jourdan, Raoul Vaneigem, Francis Edeline…
« Son œuvre traverse depuis 50 ans les débats théoriques et esthétiques pour marquer d’une empreinte personnelle, radicale, la question du sens et de la nature du langage comme de l’être » dit Eric Brogniet

Plusieurs publications rendent hommage au travail de Christian Hubin. Parmi celles-ci, on peut citer un numéro spécial du Courrier du Centre international d’études poétiques (Bruxelles, juillet.-dec. 2000) avec une bibliographie détaillée recensant les titres parus depuis 1962.

Son œuvre a été couronnée de plusieurs prix dont le Prix Antonin Artaud en 1975 pour La parole sans lieu, le Grand prix du Mont Saint-Michel en 1984 pour l’ensemble de son œuvre, le Prix triennal de poésie de la Communauté française de Belgique en 1991 pour Hors, le Prix Louise Labé en 2018 pour Face de son, et le Grand Prix de poésie de l’Académie royale de langue et littérature françaises de Belgique en 2020 pour L’in-temps et pour l’ensemble de son œuvre.

Christian Hubin a déposé une partie de ses archives en 2007 à la médiathèque Voyelles de Charleville-Mézières.
Elles se composent d’une vingtaine de manuscrits, dont Personne, Parlant seul, La forêt en fragments, En marge du poème, et de correspondances (avec Andrée Chedid, Pierre Dhainaut, Julien Gracq, Jacques Izoard, Charles Louis-Combet, Jean-Claude Renard, Bernard Noël…) . Un catalogue d’exposition Sans commencement, conçu par Philippe Blanc a été publié par la bibliothèque en octobre 2007 dans la collection Une saison en poésie.

Médiathèque Voyelles. Charleville-Mézières, Ardennes 20e-21e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie
Nohad Salameh, la poésie d’un double-pays

Nohad Salameh est née à Baalbek (Liban) en 1947. Son père Youssef Fadlallah Salameh (1906-2001), poète en langue arabe et fondateur du magazine Jupiter, lui transmet le goût de la littérature.
Elle débute sa carrière dans le journalisme littéraire à Beyrouth (Liban), en dirigeant dès 1973 les pages culturelles du journal francophone As-Safa, puis, de 1976 à 1988, celles du quotidien Le Réveil.
Elle rencontre à Beyrouth, en 1972, le poète rémois Marc Alyn qu’elle épouse en pleine guerre civile en 1988 avant de s’installer à Paris l’année suivante.

Nohad Salameh débute son œuvre poétique dans les années 1980 avec la publication des Enfants d’avril en 1980. Parmi les œuvres de Nohad Salameh, on compte quatre essais dont Rimbaud l’Oriental (1991) ou Marcheuses au bord du gouffre (2018), et quatorze recueils poétiques parmi lesquels Passagère de la durée (2010) et Le Livre de Lilith (2016). Son anthologie D’Autres annonciations, parue en juin 2012 aux éditions Le Castor astral, a reçu en 2013 le prix Verlaine de l’Académie française. En 2019, la correspondance amoureuse de Marc Alyn et Nohad Salameh paraît chez Pierre-Guillaume de Roux sous le titre Ma Menthe à l’aube, mon amante.

Ses poèmes sont traduits en arabe, anglais, espagnol, roumain et serbe. Exil, amour, mal-être, déchirure, double-pays et double-langage constituent les principales thématiques de son œuvre située à mi-chemin entre le Liban et la France. Certains écrits de Nohad Salameh sont consacrés à la femme et cherchent à réhabiliter des figures féminines décriées pour leur liberté et leur affranchissement des codes. Son essai Marcheuses au bord du gouffre met en lumière onze femmes créatrices d’œuvres riches et puissantes, marquées par un destin tragique.
Nohad Salameh collabore régulièrement avec des artistes français ou internationaux tels que Colette Deblé et Etel Adnan pour la création de livres d’artiste. Elle réalise elle-même des illustrations à base de collages et de peintures pour mettre en lumière ses poèmes ou orner les recueils de son époux, Marc Alyn.

Son œuvre a reçu de nombreux prix littéraires : le Prix Louise Labé en 1988 pour L’Autre écriture, le Grand Prix d’automne de la Société des Gens de Lettres en 2007, pour l’ensemble de l’œuvre et le Prix Européen de poésie Leopold Senghor en 2020. Nohad Salameh est membre du jury du Prix Louise Labé et de l’Académie Mallarmé mais également Officier dans l’ordre des Palmes académiques.

La collection Nohad Salameh a été donnée à la bibliothèque municipale de Reims en 2021 par la poétesse elle-même. Elle rassemble un vaste ensemble documentaire sur la vie et l’œuvre de cette artiste.
2 albums de photographies et 5 portraits au dessin et au fusain témoignent des différentes étapes de son itinéraire personnel et professionnel. Ils retracent la vie de Nohad Salameh, de sa carrière journalistique au Liban dès les années 1970 à sa production littéraire en France depuis la fin des années 1980.

Six médailles reçues par Nohad Salameh à différentes étapes de sa carrière littéraire témoignent de la reconnaissance de son œuvre tant dans le domaine de la poésie que de l’essai. La médaille reçue lors de la remise de la Rose d’Or des Poètes français en 1989 est délicatement ornée sur le dessus d’une rose et sur le dessous de la citation « Les roses ont des épines ? Non les roses ont des étoiles ».

Deux albums de correspondance rassemblent les lettres reçues d’autres poètes français et libanais tels qu’Andrée Chedid, Salah Stetié et Pierrette Micheloud, d’artistes et de membres de l’Académie françaises comme Jean d’Ormesson. Ces lettres témoignent de l’amitié et de la complicité professionnelle entretenues par Nohad Salameh avec divers auteurs et artistes. Certaines lettres éclairent le processus de création de livres d’artiste à partir des écrits de Nohad Salameh : des peintres et dessinateurs lui expliquent leur démarche, détaillent la manière dont ses poèmes les inspirent et le parti-pris qu’ils souhaitent adopter pour illustrer ses textes.

Cette collection contient également quatre recueils poétiques manuscrits enrichis d’illustrations et collages conçus par Nohad Salameh elle-même, qui s’inspire des paysages de son pays natal, le Liban, pour en recréer l’architecture dans un univers coloré aux mille formes. Les collages inclus dans le manuscrit de Baalbek, les demeures sacrificielles restituent ainsi la splendeur des temples de cette cité antique.

Cette collection rassemble enfin un riche corpus de 100 livres d’artiste aux supports et aux formes variés, réalisés en collaboration avec des artistes français et libanais tels que Youl, Dominique Pinchi, Colette Deblé et Etel Adnan. Certains livres conçus avec la rémoise Colette Deblé se distinguent par leur support original : ils ont en effet été créés sur feuilles de riz, ce qui donne de la transparence à ces œuvres. Les ouvrages réalisés par Lô présentent une grande originalité : ce sont en effet des « livres de verre », dont la reliure est entièrement conçue en diverses teintes de verre teinté et coloré fabriquées par l’artiste elle-même.

Bibliothèque Carnegie. Reims, Marne 20e-21e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Poésie
Jean-Marie Le Sidaner, le poète du décalage

D’origine bretonne, travailleur en usine devenu professeur de philosophie, l’écrivain Jean-Marie Le Sidaner est mort à l’age de 45 ans. Il est né en 1947 à Reims (Marne) et mort en 1992 à Verzy (Marne). Il enseigne au lycée Saint-Rémi de Charleville-Mézières (Ardennes) de 1977 à 1992. Jean-Marie Le Sidaner publie plusieurs textes, essentiellement de poésie (Manuel de scène, Portraitures, Leçons d’apocalypse) mais il est aussi critique littéraire, critique d’art, essayiste, auteur d’anthologies. Il collabore à de nombreuses revues et magazines parmi lesquels Esprit, Europe, Art Press, Critique, Encres vives, Les Cahiers de la différence, Le Nouvel Observateur, Le Magazine littéraire
Le prix Roger Caillois 1992 lui est décerné à titre posthume pour l’ensemble de son œuvre. Passionné de cinéma, il est un des animateurs du ciné-club Lola-Montès. Il est le coscénariste avec Michel Butor d’un film consacré à Arthur Rimbaud, Le fantôme de l’enfant marcheur de William Mimouni. Il est un militant actif de l’art et la poésie, anime des soirées poésie au musée Rimbaud à Charleville-Mézières à partir de 1988. Une exposition « Dialogues avec la peinture » consacrée à Jean-Marie Le Sidaner est présentée de décembre 1993 à février 1994, au musée Rimbaud et bibliothèque de Charleville-Mézières, avec C.Deblé, F-X. Fagniez, M. Gérenton, B. Lejeune, P. Lespine, A. Moreau, S. Paris, J-J. Rossbach.
La revue Présages, Les cahiers de JM Le Sidaner est créée en 1994 et compte 18 numéros. Flache n° 17 (1993), petite revue de poésie à la périodicité irrégulière éditée par le Musée-bibliothèque Rimbaud et un numéro de la revue des Amis de l’Ardenne sont consacrés à Jean-Marie Le Sidaner.
Une exposition « Jean-Marie Le Sidaner, Le cercle de la rose » est présentée à la bibliothèque municipale de Charleville-Mézières du 11 mars au 30 avril 2003. Un livre-catalogue, dirigé par Jean Miniac, a été publié à cette occasion dans la collection Une saison en poésie.

« Jean-Marie Le Sidaner était un écrivain rare, singulier et d’une lucidité si nette qu’elle devenait une exacte ironie. Homme d’amitié, de fraternité et de partage dans sa vie privée, il devenait dans son oeuvre un poète de l’écart, du déphasage, du décalage. » André Velter, Le Monde, 28 février 1992.

Il s’agit d’un tout petit fonds (2 cartons) que sa veuve Annick Le Sidaner a cédé à Philippe Coquelet (association Arts-rencontre-Créations) qui en a fait don à la bibliothèque de Charleville-Mézières en 1992. En plus d’une collection d’une centaine de livres de poésie rares, ce fonds comprend des manuscrits de textes divers, poésie et articles publiés par Jean-Marie Le Sidaner, ainsi que des courriers joints aux ouvrages.
D’autres documents ont été rassemblés par Gérard Martin, conservateur à la bibliothèque, pour la préparation d’une exposition à la médiathèque Voyelles en 2003.

Médiathèque Voyelles. Charleville-Mézières, Ardennes 20e siècle
Argumentatif, Narratif, Poésie
Paul Fort, une oeuvre entre vers et prose

Paul Fort naît le 1er février 1872 dans la maison familiale située 4 rue Caqué à Reims (Marne). En 1878, ses parents déménagent à Paris où Paul Fort poursuit ses études et s’engage sur la voie du théâtre et de la poésie. L’auteur fréquente des artistes comme Jules Laforgue, Alfred Jarry, Guillaume Apollinaire, mais aussi Pablo Picasso ou Amedeo Modigliani.
Admirateur du mouvement symboliste, Paul Fort fonde, à 18 ans, la salle de spectacle Théâtre d’Art. Il fait appel à des peintres comme Paul Gauguin, Edouard Vuillard ou Pierre Bonnard pour illustrer ses programmes et réaliser les décors. Il révèle au public français les dramaturges nordiques Henrik Ibsen et August Strindberg. Le 5 octobre 1890, une première pièce, intitulée La petite bête, est jouée. Quatre ans après sa création, le Théâtre d’Art, laissé aux mains de Lugné-Poe, devient le Théâtre de l’Œuvre.
Dès lors, Paul Fort se consacre à la poésie. Il publie en 1897 ses premières Ballades françaises. En 1905, il crée Vers et Prose, publication dans laquelle écrivent les symbolistes et qui parait jusqu’en 1914. En 1912, il est élu « Prince des Poètes » et succède, entre autres, à Leconte de Lisle, Paul Verlaine et Stéphane Mallarmé. Pendant presque sept décennies, il publie près de quarante volumes de Ballades françaises. Parmi ces poèmes les plus connus, on peut citer la « Complainte du Petit Cheval Blanc », « Le Bonheur », « La Marine » et « L’enterrement de Verlaine ».
Pour autant, Paul Fort n’oublie pas le théâtre et écrit des légendes dramatiques en vers, notamment Louis XI, curieux homme (1921), Ysabeau (1924) et Les Compères du roi Louis, jouée à la Comédie-Française en 1927.
Toute sa vie, l’écrivain reste attaché à sa région natale comme le laissent transparaître ses écrits : Reims, bouclier de la France (1923) ou encore Jeanne d’Arc : la Lorraine et la Champenoise (1924). En 1954, la bibliothèque de Reims organise une exposition consacrée à l’écrivain. Ce dernier reçoit la même année la médaille Vermeil de la Ville de Reims des mains du maire René Bride. La cérémonie se déroule dans la bibliothèque et est suivie d’un repas de gala à l’Hôtel de Ville.
Paul Fort décède le 20 avril 1960 à Monthléry (Essonne). Georges Brassens, qui a mis en musique et chanté plusieurs œuvres du poète, compose à cette occasion la chanson « L’enterrement de Paul Fort » (consulter des extraits sur Gallica). Trois ans après sa mort, la ville de Reims donne le nom du poète à une rue. En 2015, la bibliothèque consacre une nouvelle exposition à l’auteur intitulée « Paul Fort (1872-1960), prince des poètes ».

La collection Paul Fort contient 23 éditions originales et livres de bibliophilie édités de son vivant ainsi qu’une boite d’archives abritant des documents iconographiques et des fragments de sa correspondance littéraire. Trois textes manuscrits reliés, ainsi qu’un manuscrit en feuilles, complètent cet ensemble.
Parmi les documents rares en lien avec le théâtre, on peut citer un manuscrit original signé de la main de l’auteur et intitulé Un Lys dans les Ténèbres. Cette pièce se compose de 208 pages écrites au recto avec de rares corrections. Elle est publiée en 1933 au Mercure de France sous le titre L’Assaut de Paris mais ne semble pas avoir été représentée. Elle retrace, en quatre actes, l’histoire du siège de Paris en 1429 par les troupes françaises de Charles VII, commandées par Jeanne d’Arc, et la défense de la ville par Jean de Villiers de L’Isle-Adam. Une lettre manuscrite de Paul Fort adressée à Antoine Girard, datée du 24 juillet 1929, est insérée à l’intérieur du manuscrit. Cette missive éclaire le contexte de rédaction de cette chronique : elle a été élaborée par l’auteur pour le 500e anniversaire de la naissance de Jeanne d’Arc, après avoir assisté à une cérémonie à Reims.
Dans la correspondance littéraire, une lettre témoigne des relations privilégiées entre l’auteur et Jean-Pierre Martin, chef de compagnie théâtrale, metteur en scène et organisateur de spectacles. Dans ce courrier dactylographié du 23 décembre 1957, Jean-Pierre Martin suggère des noms d’acteur pour interpréter les rôles principaux de la pièce de théâtre Louis XI, curieux homme, créée par Paul Fort en 1921. Ce courrier est annoté d’appréciations de la main de Paul Fort sur les artistes proposés.
Cette collection est régulièrement enrichie par des acquisitions. Ainsi, en 2009, la pièce Ysabeau : chronique de France en cinq actes a pu être achetée par la bibliothèque de Reims. Cet exemplaire numéroté est émaillé de nombreux éléments qui font sa rareté. Il comporte un envoi manuscrit de l’auteur à Antoine Girard, trois lettres autographes signées de Paul Fort et un long poème manuscrit en hommage à Paul Fort du poète Auguste Villeroy. A cela s’ajoutent 54 photos format carte de visite représentant les portraits des comédiens en costume et, pour chaque acte, des notes manuscrites d’indications scéniques de Paul Fort. Ce témoignage précieux du travail de l’auteur a failli disparaitre. Dans une lettre, Paul Fort explique que, pressé par le temps, il a oublié ce livre dans un taxi. Heureusement, le chauffeur, après avoir pris soin de lire l’ouvrage, l’a déposé à la préfecture de police. Paul Fort décrit ce chauffeur comme « un honnête homme et un homme de goût ».
Cette collection a inspiré des plasticiens rémois comme Marie-Christine Bourven et Catherine Decellas, qui ont réalisé des livres d’artistes illustrant des textes de Paul Fort.

Bibliothèque Carnegie. Reims, Marne 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie, Théâtre
Marc Alyn, passeur de mots et d’art

Le poète Marc Alyn naît à Reims (Marne) le 18 mars 1937. A dix-sept ans, il crée la revue Terre de Feu et fait paraître un premier recueil de poèmes intitulé Liberté de voir (1956). Son talent est salué dès 1957 : le jour de ses vingt ans, il reçoit le Prix Max Jacob pour son ouvrage Le Temps des autres (1956).
Critique littéraire, il rédige des articles dans Arts et Le Figaro littéraire pendant plusieurs années. Il publie des essais sur François Mauriac, Gérard de Nerval ou Lawrence Durrell. En 1966, il fonde la collection Poésie/Flammarion où paraissent, entre autres, ses propres poèmes comme Infini au-delà. Il reçoit le Prix Guillaume Apollinaire pour ce recueil en 1973.
Lors de son premier séjour à Beyrouth, en 1972, Marc Alyn fait la connaissance de la poète libanaise francophone Nohad Salameh. Les deux poètes échangent une longue correspondance amoureuse, publiée en 2019 sous le titre Ma menthe à l’aube mon amante, correspondance amoureuse. En 1988, Marc Alyn dédie à Nohad Salameh Le Livre des amants, puis ils se marient.
Ses voyages en Orient inspirent au poète les trois volumes des Alphabets du Feu : Byblos (1991), La Parole planète (1992), Le Scribe errant (1993). En 1994, les textes de Marc Alyn sont salués par le Grand Prix de poésie de l’Académie française et celui de la Société des gens de lettres. Le poète est fait chevalier de la Légion d’honneur. La couverture de l’édition de cette œuvre parue en 2018 chez Le Castor Astral est illustrée d’un calligramme conçu par son épouse.
Sensible à l’art, Marc Alyn tient la rubrique « Les Miroirs voyants » pour le mensuel Aujourd’hui poème, chroniques réunies dans le recueil Approches de l’art moderne publié en 2007. Ses relations avec les artistes sont visibles dans son œuvre, par la création de livres bibliophiliques illustrés de peintures et collages. Ses différents séjours à Venise, ville chère à son cœur, lui inspirent, en 2005, Le Piéton de Venise. C’est dans cette cité qu’il rencontre l’artiste Dominique Pinchi et, ensemble, ils conçoivent plusieurs livres d’artistes.
Privé de l’usage de la parole par une grave maladie durant de longues années, Marc Alyn n’en poursuit pas moins son œuvre : L’Etat naissant (1996), L’œil imaginaire (1998), Le Miel de l’abîme (2000). Il reçoit en 2007 le Goncourt de la poésie. En 2014, le Grand Prix de poésie Pierrette-Micheloud lui est attribué pour l’ensemble de son œuvre.
Très attaché à sa ville natale, Marc Alyn fait don à la bibliothèque municipale de Reims d’un vaste ensemble de documents en 2000. Des expositions et des lectures de ses ouvrages, organisées à la bibliothèque, sont autant d’occasions pour le poète et son épouse de (re)venir à Reims.

Le don de Marc Alyn se compose d’imprimés, de livres d’artistes et d’archives (correspondances, manuscrits, épreuves corrigées, photographies et dessins). Ces documents sont classés dans 49 boîtes et 27 classeurs.
Tout au long de sa carrière, Marc Alyn collabore avec de nombreux artistes issus d’univers esthétiques différents pour mettre en lumière ses textes. Colette Giraux, Georges Badin, Youl, Rosa Vives, Souleïma Zod en sont quelques exemples. Ce travail de coopération donne naissance à des éditions bibliophiliques comme Grains d’ombre, publié aux éditions Vendémiaires en 1992. Ce poème est illustré par trois gravures à l’eau-forte de l’artiste Pierre Cayol. Seuls 45 exemplaires numérotés et signés par l’illustrateur et le poète ont été édités dans le commerce. L’association avec des peintres et dessinateurs a permis la création de livres d’artistes. Ainsi, Marc Alyn a travaillé avec Jean-Noël Bachès pour réaliser Barque solaire. Sous la forme d’un dépliant, ce poème, écrit à la main en lettres rouges, est accompagné des réalisations à la gouache, craie et crayon de mine de l’illustrateur.
Les archives, personnelles et professionnelles, contiennent plus de 700 lettres qui témoignent des échanges entretenus par Marc Alyn avec des personnalités du monde littéraire. Lawrence Durrell, Georges Emmanuel Clancier, Andrée Chedid, Norge, Léopold Sedar Senghor, Pierrette Micheloud ou encore Jean d’Ormesson font partie de ses correspondants. Remerciements pour envoi de publication, félicitations pour des prix, appréciations des œuvres et vœux de nouvel an sont quelques-uns des thèmes récurrents de ces missives. Les relations épistolaires éclairent un autre aspect de l’activité de Marc Alyn, celui de critique littéraire. Par exemple, dans une lettre dactylographiée datée du 3 février 1972, Bernard Pivot lui commande des notes de lectures pour Le Figaro littéraire.
La poésie de Marc Alyn est lue et mise en musique par plusieurs artistes, ce qui explique la présence dans cette collection de cassettes audio et de disques compacts (CD). Un exemplaire de Jean-Louis Trintignant dit les poèmes de Marc Alyn est conservé parmi les archives. L’œuvre de Marc Alyn a été distinguée par de nombreux prix. Une boîte d’archives est consacrée aux « Prix et distinctions » reçus par le poète. Elle contient, entre autres, son diplôme d’Officier de l’Ordre des Arts et Lettres obtenu en 1997.
Ces archives ont été valorisées par deux expositions organisées par la bibliothèque de Reims, « Marc Alyn, l’œil imaginaire » en 2001 et « Poésie, fille du désir et de la mémoire » en 2013. Des acquisitions d’œuvres du poète rémois illustrées par l’artiste Youl complètent ce don. En 2021, la poète et épouse de Marc Alyn, Nohad Salameh, donne à son tour des manuscrits, des livres illustrés par des artistes et des archives personnelles à la bibliothèque de Reims.

Bibliothèque Carnegie. Reims, Marne 20e-21e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Poésie
[Collection Rafaël de Luc] Emmanuel Peillet, créateur aux multiples facettes

Emmanuel Peillet naît le 21 janvier 1914 à Reims (Marne). En 1932, il entre en école préparatoire littéraire au lycée Henri-IV à Paris. A cette période, il découvre l’œuvre d’Alfred Jarry, notamment les Gestes et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien, œuvre publiée en 1911.
Il débute sa vie professionnelle en donnant des cours de lettres et de philosophie. Il écrit des articles au sein de diverses revues. Puis, il devient professeur de philosophie au lycée Chanzy de Charleville. En 1939, il publie Philosophie du départ, poèmes illustrés par ses propres photographies.
A partir de 1940, il enseigne la philosophie au lycée à Reims. Il poursuit sa carrière au lycée Michelet à Vanves de 1948 à 1957, puis au lycée Louis-le-Grand à Paris jusqu’à sa retraite en 1970. C’est un professeur atypique. Par exemple, en 1943, il publie avec ses élèves une première édition des poèmes de Jacques Prévert. En 1946, il met en scène la première représentation mondiale d’Ubu Cocu d’Alfred Jarry dans la salle de conférence de la Chambre de Commerce, située à l’Hôtel Ponsardin, à Reims. Le personnage principal, Ubu, est interprété par Pierre Minet, membre du Grand Jeu, accompagné des élèves d’Emmanuel Peillet.
En 1948, sur une idée de l’écrivain et critique Maurice Saillet, le Collège de Pataphysique est cofondé par Emmanuel Peillet, Jean-Hugues Sainmont, le Docteur Sandomir, Mélanie Le Plumet et Oktav Votka. C’est une « société de recherches savantes et inutiles » qui administre la pataphysique, définie par l’auteur Alfred Jarry comme « la science des solutions imaginaires » dans son œuvre Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien.
Issus de l’entourage d’Emmanuel Peillet, les premiers membres du Collège sont majoritairement originaires de Reims ou de la région. Les effectifs augmentent progressivement. Des personnalités des milieux littéraires et artistiques, tels Raymond Queneau, Boris Vian, Max Ernst ou Eugène Ionesco rejoignent le Collège. Emmanuel Peillet consacre une part importante de son temps à l’organisation des activités du Collège et à la conception de ses publications, notamment la revue trimestrielle Viridis Candela.
Dès 1937, Emmanuel Peillet pratique la photographie et s’intéresse à des thèmes variés : portraits, monuments et paysages de la région, fleurs, animaux… Il expose plusieurs fois entre 1943 et 1954. En 1951, une exposition est ainsi organisée sur les « Églises et châteaux de la vallée de l’Ardre » à la bibliothèque municipale de Reims. Emmanuel Peillet prend des clichés de sa collection de cactus pour lesquels il développe une véritable passion. Il acquiert une érudition dans ce domaine et réalise en 1968 un recueil manuscrit de portraits de personnalités ayant marqué l’histoire du cactus.
Emmanuel Peillet décède à Paris le 1er septembre 1973.

De 2005 à 2018, Rafaël de Luc, exécuteur testamentaire et ayant-droit d’Emmanuel Peillet, a fait don, par versements successifs, des archives personnelles et professionnelles, des photographies et de la bibliothèque de l’écrivain à la bibliothèque de Reims. Cet ensemble représente 64 boites d’archives et 9000 livres et revues. Cette collection reflète la curiosité d’Emmanuel Peillet pour de nombreux domaines, de la littérature à la photographie en passant par la philosophie, et témoigne de sa vie professionnelle et intellectuelle.
La philosophie est très présente dans les archives d’Emmanuel Peillet. Plusieurs boites contiennent des réflexions et des notes, prises parfois au verso d’un feuillet publicitaire, sur un thème comme la mémoire, le moi, l’apparence ou le temps. Des cahiers manuscrits de ses cours, à l’écriture soignée, témoignent de sa pensée, de la structuration de ses enseignements et de son intérêt pour la calligraphie.
Dans sa bibliothèque, de nombreux ouvrages portent des annotations manuscrites : Emmanuel Peillet complète le texte, apporte ses propres remarques de lecture ou juge la qualité du travail de l’auteur. Il pratique une lecture active des documents et les enrichit. Ainsi, il colle ou insère à l’intérieur des livres des articles de presse les présentant. Certains ouvrages sont dédicacés par leur auteur à l’intention d’Emmanuel Peillet.
Le Collège de Pataphysique est au centre de ces archives : correspondance avec les autres membres du Collège, photographies d’évènements importants du Collège, travaux de préparation des publications et des expositions… Cependant, le nom d’Emmanuel Peillet n’apparaît que très rarement sur ces documents. En effet, le philosophe considère son nom comme « un pseudonyme d’état civil » et utilise à la place bien d’autres noms comme Latis, Sainmont ou encore Mélanie Le Plumet.
Parmi les documents remarquables conservés dans cette collection, un manuscrit est particulièrement intéressant. Au cours de l’été 1930, Emmanuel Peillet, âgé de seize ans, calligraphie et enlumine le texte du Cantique des cantiques dans sa version latine. Réalisée sur un simple carnet à carreaux, cette œuvre a été éditée en 2008 sous le titre Canticum canticorum aux éditions de l’Hexaèdre. Tout l’intérêt d’Emmanuel Peillet pour le travail de l’illustration et de la mise en page transparaît dans cette création.
Les photographies réalisées par Emmanuel Peillet de la fin des années 1930 jusqu’à sa mort tiennent une place importante dans cette collection. Plus de 8000 négatifs, plusieurs centaines de tirages et 15 albums de photographies constituent un ensemble artistique de premier ordre. Passionné par cet art, Emmanuel Peillet consacre une grande partie de sa vie à représenter les paysages et les édifices de la Champagne, à saisir des atmosphères particulières, à immortaliser des scènes inattendues et à mettre en scène des portraits. Un de ses appareils photographiques est intégré dans cette collection : il s’agit d’un appareil de la marque Rolleiflex – Compur datant des années 1930. En 2010, la bibliothèque municipale de Reims a organisé une exposition intitulée « Emmanuel Peillet, photographe » consacrée à l’œuvre photographique de l’artiste.

Bibliothèque Carnegie. Reims, Marne 20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance
[Collection Raymond Fleury] Les archives d’une « société de recherches savantes et inutiles »

Fondé le 11 mai 1948, le Collège de Pataphysique constitue une « société de recherches savantes et inutiles ». Il administre la pataphysique, définie par l’auteur Alfred Jarry comme « la science des solutions imaginaires » dans son œuvre Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien, publiée en 1911.
Membre fondateur du Collège de Pataphysique, Emmanuel Peillet (1914-1973), professeur de philosophie, met en scène la première représentation mondiale de la pièce Ubu Cocu (1895) d’Alfred Jarry, en 1946, à Reims (Marne). Cette représentation connait un fort retentissement. Au fil des années, le Collège de Pataphysique s’enrichit de nouveaux membres issus des mondes littéraires, scientifiques et artistiques : René Clair, Jacques Prévert, Jean Dubuffet, Paul-Emile Victor, Eugène Ionesco, Boris Vian, Enrico Baj, Umberto Eco ou encore Fernando Arrabal.
L’organisation du Collège est structurée autour de la figure du docteur Faustroll et donne à ses membres des titres et des fonctions réelles ou honorifiques. L’emblème de la pataphysique est la gidouille en référence au ventre du personnage d’Ubu. Ce symbole se déploie dans les illustrations des publications, sur les timbres, les cartes postales et même sur des vêtements.
Depuis 1950, le Collège de Pataphysique publie une revue trimestrielle intitulée Viridis Candela. Tous les 28 numéros, une nouvelle série débute avec un changement de maquette et de nom : Cahiers, Subsidia pataphysica, Spectateur, Spéculations du Collège de Pataphysique… Les numéros sont le plus souvent centrés autour d’un thème de recherche ou de la publication d’une œuvre inédite. Le Collège a ainsi fait découvrir des textes d’Alfred Jarry, de Boris Vian et de Julien Torma. C’est dans la revue du Collège que sont parus les premiers travaux de l’Ouvroir de Littérature Potentielle (Oulipo). Des publications internes sont dédiées aux membres du Collège. Elles sont numérotées et comportent des particularités d’exemplaire (photographies, signature de l’auteur…).
Au-delà du travail d’édition, le Collège organise des manifestations publiques et privées pour faire rayonner la pataphysique. Cérémonies, banquets, expositions et conférences ponctuent la vie du Collège. Dès sa création, le Collège souhaite s’étendre au-delà de la France et nomme des représentants officiels dans différents pays. Des instituts de pataphysique voient le jour en Suisse, Italie, Belgique, Allemagne, Angleterre, Bolivie ou au Canada.

Les archives du Collège de Pataphysique, dénommées Patarchives, sont composées de correspondances, photographies, pièces administratives et documents d’archives relatifs à la vie du Collège. Elles sont conservées dans plus de 600 boîtes d’archives et classeurs. Une bibliothèque complète cet ensemble avec près de 8000 livres, 121 titres de revues et 4436 dossiers de documentation générale classés par thématique. Administrateur et archiviste du Collège, Raymond Fleury collecte, trie, estampille et inventorie ces documents de 1950 à 2014, date à laquelle il en fait don à la bibliothèque municipale de Reims.
Les boites d’archives sont constituées de pièces administratives comme des factures, des cartes de membres, des diplômes, l’organigramme et les statuts du Collège. Des dossiers sont consacrés aux membres du Collège et rassemblent des coupures de presse, photographies et documents administratifs. Les archives témoignent également du travail d’édition du Collège de Pataphysique, attentif autant au contenu qu’à l’apparence des documents. Maquettes annotées, courriers adressés à l’imprimeur, tapuscrits, bons à tirer et essais d’impression sur différents papiers sont précieusement conservés avec des éditions uniques ou à petit tirage de certains textes.
Conservées dans des classeurs, les photographies illustrent la vie du Collège lors des cérémonies officielles et lors des rencontres plus informelles. Ces photographies sont souvent enrichies de commentaires et indications qui contribuent à nous immerger dans la vie même des pataphysiciens. Elles attestent également des passions des différents membres. Emmanuel Peillet et plusieurs pataphysiciens sont amateurs de cactées. C’est pourquoi, dans les classeurs et boites d’archives, sont conservées des centaines de clichés de cactus avec des indications très précises sur leurs variétés, leurs particularités et leurs dates de floraison.
Au-delà des réflexions pataphysiques et de l’avancée des publications, la correspondance offre un aperçu plus intime sur les relations amicales des membres du Collège. Cartes de vœux, d’anniversaire ou souvenirs de vacances côtoient des courriers plus formels.
Parmi les documents insolites présents dans les Patarchives, on peut citer une nappe en papier blanche d’un restaurant portant les signatures de Paul Gayot, Stanley Chapman et d’autres membres du Collège. C’est un souvenir du banquet organisé pour fêter l’an 100 de l’ère pataphysique, le 28 avril 1972.
En 2020, la bibliothèque municipale de Reims marque l’ouverture de cette collection au public en présentant une exposition intitulée « Voyage en Patarchives ». Depuis ce don initial de l’archiviste du Collège, les Patarchives sont régulièrement complétées par des donations de membres du Collège et des acquisitions de la bibliothèque. En 2022, grâce à la Société des amis de la bibliothèque, l’édition originale du recueil de souvenirs littéraires et artistiques du pataphysicien le Baron Mollet a été intégré dans les collections de la bibliothèque de Reims. Cet exemplaire exceptionnel est un envoi autographe signé par Raymond Queneau. Il porte la signature de deux autres membres du Collège, Noël Arnaud et Latis (pseudonyme d’Emmanuel Peillet). Il est enrichi du cachet de l’ordre de la Grande Gidouille et de timbres du Collège représentant Alfred Jarry et le Baron Mollet.

Bibliothèque Carnegie. Reims, Marne 20e-21e siècle
Argumentatif, Narratif, Poésie, Théâtre
A l’ombre de Paul Flamant

Paul Flamant est né à Jeantes (Aisne) le 21 septembre 1874 et mort à Signy-l’Abbaye (Ardennes) le 22 juin 1947.
Sa mère était originaire de Aubérive/Suippe (Marne), et son père de Rethel (Ardennes). Il passe sa scolarité dans l’Aisne car son père y travaille comme fonctionnaire, puis exerce le métier de journaliste à Reims : au Courrier de la Champagne puis pour le quotidien l’Indépendant Rémois. En parallèle et depuis l’âge de 18 ans, il débute comme poète et conteur dans des petites revues parisiennes, au Journal de Saint-Quentin et à l’Argus Soissonnais de Soissons (Aisne). Son premier livre publié, Au Poteau Frontière, préfacé par Maurice Barrès, paraît en 1905. A l’âge de 32 ans, il entre dans la presse parlementaire (série Sansot) comme correspondant de journaux de province.
Durant la guerre de 1914-1918, il est capitaine Officier au 332e régiment d’infanterie, notamment à Verdun. Il reçoit le titre de Chevalier de la Légion d’Honneur en 1917.
De 1919 à 1940, il exerce la fonction de secrétaire de rédaction parisienne d’un groupement de journaux de province, et est accrédité au Ministère des affaires étrangères comme membre de la presse diplomatique. Il est Directeur de la revue [La Bluirache], et fonde la revue Blancheflor. Thiérache, Laonnois, Soissonnois, Champagne, Ardennes. Revue régionale de folklore de folklore thiérachien, publiée à Hirson (Aisne), dont la publication a été interrompue par la Seconde guerre mondiale.
Il est l’auteur d’ouvrages régionalistes, de vers et essais destinés au théâtre, d’ouvrages et recueils poétiques : La Morte-Abbaye (publié en 1940 par Alphonse Lemerre, qui a reçu le Prix Caroline Jouffroy-Renault de l’Académie française), et de quatre recueils poétiques écrits entre 1938 à 1942. Il s’adonne aussi à la peinture et à la critique d’art.
Paul Flamant a été notamment membre titulaire de la Société des gens de lettres, membre de l’association de la Presse de l’Est, de la Presse Départementale, membre correspondant de l’académie nationale de Reims et deux fois Lauréat de l’Académie française (prose et vers).

Le fonds est composé de manuscrits, souvent sous forme de cahiers et des versions successives d’un même texte, de poésie, de pièces de théâtre, de récits de guerre, des contes, des nouvelles, des articles ainsi que des correspondances et des papiers personnels de Paul Flamant, journaliste et écrivain régionaliste.
Parmi les papiers personnels, divers documents sont liés à son activité littéraire ou journalistiques et son dossier militaire comprend des photographies, 10 médailles, un extrait de la nomination de Paul Flamant au grade de Chevalier de la Légion d’honneur le 21 mai 1917 ou un document du Gouvernement chérifien, une confirmation à Paul Flamant du titre d’Officier de l’ordre du Ouissam alaouite, en date du 25 juin 1930.
La partie Poésie contient des poésies diverses, parues dans des revues ou inédites pour la période 1894-1944, des poésies sur l’Ardenne et la Thiérache (« Froissart » ; « Les chemins bleus de l’Aisne » ; « Rethel » ; « Souvenir du val Saint-Pierre » ; « Petrarque en Ardenne » ; « Attigny » ; « La source de la Vaux »… ), diverses versions du Chemin de Tintagel.
Les dossiers Théâtre contiennent des cahiers manuscrits, des indications de mise en scène, des exemplaires « inédits et non joués » et d’autres publiés dont Thibaut le chansonnier, fabliau en un acte, Le cœur qui chante !, Avez-vous des témoins, comédie-bouffe en un acte, La gloire d’Ypres, Gauthier de la Calprenède (1914), Anstrude ou la Bataille de l’Aisne, tragédie mérovingienne en 3 actes et en vers (1922).
Des contes, des nouvelles, des articles et des chroniques ont été publiées dans des revues et des journaux. Parmi les œuvres manuscrites, « A l’ombre de la forêt légendaire, sur la trace des quatre fils Aymon », « La Vierge rouge », grand roman-feuilleton inédit, « L’ombre de Blancheflor sur les étangs thiérachiens », « Le réveil des vivants », un roman-reportage en 8 cahiers …
On trouve encore de nombreux dessins de paysages, des scènes champêtres dessinées au crayon, à l’encre et des récits de guerre, récits personnels de la Première Guerre mondiale, des pensées et impressions de guerre sous forme de nombreux cahiers manuscrits très documentés dont certains ont été illustrés de croquis, de scènes de vie dans les tranchées ou à l’hôpital, de dessins à l’encre, retraçant notamment la Bataille de Verdun, la guerre des Blés (Offensive Mangin en 1918).

Ce fonds riche est particulièrement intéressant pour la qualité de ses dessins, les récits de guerre illustrés et ses textes concernant la Thiérache, région entre Hainaut, Nord, Aisne et Ardennes.

Médiathèque Voyelles. Charleville-Mézières, Ardennes 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie, Théâtre
Maurice Barrès, homme politique et écrivain

Né le 17 août 1862 à Charmes (Vosges), Maurice Barrès, parallèlement à sa carrière d’écrivain prolifique qui lui assure un succès précoce, se lance dans la politique. Boulangiste en contestation de l’ordre établi, il est élu député de Nancy en 1889. Lors de l’affaire Dreyfus (1894-1906), il se place dans le camp des antidreyfusards et s’érige parmi les chefs de file, tant il craint la désintégration de la communauté nationale et nourrit un sentiment revanchiste contre les Allemands au lendemain de la guerre de 1870-1871. Dès lors, sa pensée s’oriente vers un nationalisme traditionaliste, qui habille ses œuvres certes littéraires mais non moins politiques. En 1894, afin de défendre ses idées, il fonde son propre journal, La Cocarde.
À la suite de l’affaire Dreyfus, il ne quitte plus la scène politique, assumant la présidence de la Ligue de la patrie française puis celle de la Ligue des patriotes. L’année 1906 lui apporte la consécration politique et littéraire grâce à une double élection comme député de Paris, siège qu’il occupe jusqu’à sa mort, et comme membre de l’Académie française.
Dans le sillage de la loi de Séparation des Églises et de l’État (1905), Barrès s’engage également dans de vigoureuses campagnes en faveur de la protection du patrimoine religieux. Ces vibrants plaidoyers seront réunis dans un ouvrage paru à la veille de la guerre, La Grande Pitié des églises de France (1914).
Pendant la Grande Guerre, il concourt activement à la propagande. Dans les pages de L’Écho de Paris, il décrit chaque jour, quatre années durant, les combats avec force détails, voire passion, animé par l’esprit de revanche contre l’Allemagne impériale pangermaniste. Dès la fin de l’année 1914, convaincu par le général Boëlle (1850-1942) et suivant sa conduite patriotique de toujours, il plaide pour la création d’une décoration récompensant les soldats à la conduite exceptionnelle et auteurs d’un exploit particulier. Le 2 avril 1915, après d’âpres discussion et un projet porté par Émile Driant (1855-1916) devant l’Assemblée nationale, la loi est votée : la Croix de guerre 1914-1918 est née.
Maurice Barrès meurt le 4 décembre 1923, à l’âge de 61 ans, dans sa demeure de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) et bénéficie de funérailles nationales en présence notamment des anciens présidents de la République Alexandre Millerand (1859-1942) et Raymond Poincaré (1860-1934), ainsi que de membres de l’Académie française tel le maréchal Foch (1851-1929). Il est enterré au cimetière de son village natal vosgien, à Charmes.

Ces quelques pièces, classées en 1 J 1731, présentent une importante correspondance (66 lettres manuscrites et tapuscrites) de Maurice Barrès adressées à Henry Cochin (1854-1926), homme politique et ami. Les sujets de ces échanges portent essentiellement sur la littérature et la Grande Guerre : dommages de guerre, dévastation des églises et soutien financier, régions envahies, décoration de la Croix de guerre, Ligue des patriotes fondée par Paul Déroulède, etc.
Le fonds documente également, dans une moindre mesure, les relations amicales entretenues par la famille Barrès, son fils Philippe (1896-1975) et son épouse Paule. Cette dernière, par le biais de quelques missives, présente le projet d’une édition des lettres de Maurice Barrès, cherchant à rassembler sa correspondance.
Enfin, ces pièces d’archives sont complétées par le faire-part annonçant les funérailles de Maurice Barrès en la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 8 décembre 1923, ainsi que par deux articles hommages dont l’un est paru dans L’Écho de Paris, titre de presse dans lequel Maurice Barrès joua de sa plume dès 1914.

Meurthe-et-Moselle. Archives départementales 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif
Pierre Lyautey, grand voyageur et homme de lettres

Pierre Lyautey, fils de Raoul Lyautey (1856-1935) et de Marie-Charlotte de Bouvier (1866-1939), et neveu du maréchal Hubert Lyautey, est aussi l’exécuteur testamentaire de son oncle. Il en organise l’inhumation à Rabat, publie sa correspondance et administre sa propriété de Thorey (Meurthe-et-Moselle).
Né en 1893 à Châteaudun (Eure-et-Loir), licencié ès lettres et diplômé de l’École libre des sciences politiques, il mène après la guerre une rapide carrière d’administrateur qui le conduit au Maroc puis au Liban comme chef du cabinet civil du haut-commissaire pour la Syrie et le Liban, le général Gouraud (1867-1946). Il poursuit sa carrière comme publiciste et administrateur d’associations et de syndicats patronaux, de comités de Français de l’étranger et de coloniaux. Il milite au sein du Parti colonial, sans renier pour autant ses origines lorraines ; il anime ainsi et préside, entre 1928 et 1930, une éphémère Ligue lorraine, qui entend faire oublier la dénomination périmée d’Alsace-Lorraine, fédérer les quatre départements lorrains et se veut à la fois régionaliste et patriote.
Son goût du voyage le conduit en Russie soviétique, aux États-Unis d’Amérique, au Proche et au Moyen Orient, en Inde, en Indochine ou encore en Afrique du Nord. Maréchaliste au début de la Seconde Guerre mondiale, et délégué de la Légion française des combattants à l’étranger, il rejoint le camp gaulliste en 1943 et sert comme officier de liaison des Goums marocains durant la campagne d’Italie (1944). En 1946, il épouse Andrée de Luze (1902-1976), veuve du comte Max de Pourtalès (1893-1935).
Après la guerre, il devient membre de l’Académie des sciences d’outre-mer qu’il préside en 1975. Titulaire de la Croix de guerre 1914-1918 et 1939-1945, il est promu commandeur de la Légion d’honneur. Il meurt à Paris, le 1er novembre 1976, sans héritier direct.

Les papiers de Pierre Lyautey, classés sous la cote 20 J, proviennent du château de Thorey (Meurthe-et-Moselle). Ils ont été remis aux archives départementales par ses héritiers (Suzanne de Vittu de Kerraoul et son époux, Pierre Toussaint), en 1980, au moment de la cession de la propriété de Thorey. Le don effectué par M. Bernard Lozé en 2023 a été classé à la suite de la partie entrée en 1980, comme un ensemble à part.
Le fonds associe des dossiers concernant la propriété de Thorey, héritée du maréchal, à une très abondante correspondance et à des dossiers de voyages et de documentation sur l’étranger reflétant l’activité de Pierre Lyautey. Des notes et brouillons de ses futures publications sont conservés dans le fonds, notamment Les révolutions du Proche-Orient, Le Liban moderne ou encore La Jordanie nouvelle, publiés respectivement en 1960, 1964 et 1966.

Meurthe-et-Moselle. Archives départementales 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif
Léon Malgras, poète et critique d’art lorrain

Originaire de Neufchâteau, Léon Malgras est connu comme poète et journaliste sous le nom de René d’Avril. Il est l’auteur de romans, dialogues scéniques, miracles renouant avec la veine médiévale, et poèmes largement publiés de son vivant ; son œuvre L’Arbre aux fées est couronnée du grand prix de l’Académie française en 1913. Il publie par ailleurs des chroniques d’art dans les principaux organes de presse régionaux.

La première partie du fonds, entrée en 1999, concerne la production littéraire de René d’Avril et les distinctions honorifiques qu’elle lui valut. Elle est constituée par des éditions d’une partie de ses œuvres, notamment ses recueils de poèmes, des coupures de presse et surtout la correspondance échangée avec les personnalités du monde artistique, culturel, politique et religieux, pour la plupart actives en Lorraine.
Un second ensemble, entré également en 1999, s’articule autour de la mémoire de René d’Avril, avec en particulier les lettres reçues par Geneviève Malgras à la suite du décès de son père en 1966, et les hommages rendus.
La troisième et dernière partie du fonds, entrée en 2007, comprend une collection de chroniques de la vie artistique, culturelle et mondaine à Nancy et plus largement en Lorraine, publiées dans les principaux organes de presse diffusés à Nancy et rédigées tant par René d’Avril que par d’autres critiques et chroniqueurs de l’époque. Si les plus anciennes coupures de presse remontent à 1903, l’essentiel couvre les années 1921-1940, avec une incursion jusqu’en 1944. Assemblées en recueils (des cahiers dans lesquels les coupures ont été simplement collées) plus ou moins chronologiques et parfois thématiques (la musique et l’art dramatique bénéficient ainsi de recueils spécifiques organisés en séries), elles constituent une source documentaire très peu lacunaire et extrêmement précieuse, d’une part sur la vie culturelle à Nancy dans l’Entre-deux-guerres avec les spectacles, les concerts et les expositions proposés, d’autre part sur le goût du temps en matière d’art ou en matière d’interprétations musicales.

Meurthe-et-Moselle. Archives départementales 19e-20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Poésie
Louis Marin, écrivain voyageur et homme politique

D’une famille originaire de Bruyères (Vosges), Louis Marin (1871-1960) naît à Faulx (Meurthe-et-Moselle) où son père exerce comme notaire. Après une scolarité à Nancy (collège de La Malgrange, de 1881 à 1887, puis lycée Saint-Sigisbert de 1887 à 1890), il poursuit ses études supérieures à l’université de Nancy, où il obtient une licence en lettres et en droit, puis à la faculté de droit et à l’École libre des sciences politiques à Paris. Il exerce comme avocat de 1890 à 1910.
À partir de 1891, il effectue des voyages à l’étranger qui le conduisent, en 1899 et 1902, avec des amis dont l’écrivain et géographe Georges Ducrocq et le nancéien d’origine Paul Collenot, jusque dans le Caucase et le Turkestan russe, puis à Pékin et en Corée via la Mongolie et Vladivostok. Engagé dans les rangs de la Fédération républicaine dès 1903, il devient vice-président de la Chambre des députés en 1923. Député de la première circonscription de Meurthe-et-Moselle (Nancy), de 1905 à 1951, il cumule ce mandat avec celui de conseiller général du canton de Nomeny (1910-1955) ; il est élu président du conseil général en 1934 et en conserve la présidence jusqu’en 1952. Après la Première Guerre mondiale, il devient le principal leader de la droite républicaine dans le département. En 1919, il se fait élire sur la liste d’entente républicaine et de défense nationale menée par son adversaire Albert Lebrun, ce qui vaut à ce dernier d’être acculé à la démission du gouvernement par Clemenceau.
Pendant la Première Guerre mondiale, il milite activement à la Chambre en faveur du relèvement des régions sinistrées et est l’un des auteurs de la loi sur les dommages de guerre, votée le 17 avril 1919.
Louis Marin acquiert le quotidien L’Impartial de l’Est en 1921, puis prend le contrôle en 1925, avec l’aide de François de Wendel, de L’Éclair de l’Est, quotidien catholique et conservateur fondé en 1905, désormais organe de la Fédération républicaine en Lorraine. En 1925, il fonde l’hebdomadaire politique La Nation qui paraît jusqu’en 1940.
Il entre au gouvernement comme ministre des Régions libérées en 1924, dans le troisième cabinet Poincaré et dans l’éphémère cabinet François Marsal. Deux ans plus tard, avec le retour de Poincaré, il est nommé ministre des Pensions. Chef de l’opposition en 1924-1926 et en 1932-1934, il est choisi par Doumergue pour le portefeuille de la Santé publique en février 1934. Symbole de la droite nationaliste, il entre dans le ministère Flandin au poste honorifique de ministre d’État. Il conserve cette place dans le cabinet Bouisson et dans le quatrième ministère Laval, avant d’accepter de faire partie du gouvernement Reynaud (10 mai – 16 juin 1940), au sein duquel il combat l’idée d’armistice. Il quitte ses fonctions de ministre d’État le 16 juin 1940, refuse de participer tant au débat qu’au vote qui confère les pleins pouvoir au maréchal Pétain, le 10 juillet 1940. Membre des Assemblées consultative et constituante (1944-1946) et de l’Assemblée nationale de 1946 à 1951, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, Louis Marin est aussi un ethnographe et sociologue. Mort à Paris, le 23 mai 1960, il est enterré à Bruyères (Vosges).

Les archives de Louis Marin ont été réparties en trois grands ensembles sous la cote 26 J : les documents intéressant la vie et les activités de Louis Marin en Meurthe-et-Moselle, ainsi que le matériel biographique considérable réuni par son épouse Fernande Hartmann, ont été légués au Département de Meurthe-et-Moselle pour les Archives départementales en 1981 ; la partie des papiers d’universitaire donnée par Mme Marin à un historien originaire de Bruyères a été cédée par celui-ci aux archives départementales en 2017 ; enfin, les documents relatifs aux activités politiques nationales de Louis Marin ont été remis aux Archives nationales (317 AP). Ainsi le fonds 26 J comprend-il tous les documents reflétant l’activité universitaire et politique locale de Louis Marin.
Le fonds conserve également une collection de volumes de documentation constituée par Fernande Hartmann et Georges Ducrocq. Fernande Hartmann, diplômée ès lettres de l’université de Paris, travaille auprès de Louis Marin comme sa secrétaire particulière avant de l’épouser. Georges Ducrocq (Lille, 1874 – Morey, 1927) est un ami proche de Louis Marin. Écrivain et géographe, il participe aux voyages de Louis Marin en Asie (1899 et 1902) et entretient avec Louis Marin et son père une correspondance suivie. En 1918, il est attaché militaire à Téhéran (Iran). Il meurt d’un accident de chasse dans sa propriété de Morey (Meurthe-et-Moselle).

Meurthe-et-Moselle. Archives départementales 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif
Madame Suzanne Briet

Suzanne Briet est née en 1894 à Paris, où elle a été élevée avec sa sœur Alice, de 5 ans sa cadette, dans une famille originaire des Ardennes, et meurt en 1989 âgée de 95 ans.
Elle est la cousine de l’écrivain André Dhôtel (1900-1991) et a été proche de Jacqueline Teissier-Rimbaud (1946-2023), arrière-petite-nièce du poète Arthur Rimbaud.

Elle a eu plusieurs carrières, à la Bibliothèque Nationale, où elle fut surnommée « Madame Documentation », et pionnière dans le domaine des sciences de l’information (et reconnue à ce titre particulièrement aux Etats-Unis) puis en tant qu’historienne et rimbaldienne, notamment avec la société des Amis de Rimbaud.

Après l’obtention d’une licence d’histoire et d’anglais, elle part enseigner en Algérie pendant 3 ans (1917-1920) puis se tourne vers le métier de bibliothécaire. En 1924, elle est reçue première au Certificat d’Aptitudes aux Fonctions de Bibliothécaire Universitaire et entre à la Bibliothèque Nationale où elle fut une des premières femmes de la profession.
Entre 1934 et 1954, Suzanne Briet créée et dirige la salle des Catalogues et des Bibliographies de la BN, où elle sera décorée de la Légion d’honneur en 1950. Elle développe un ensemble d’outils de recherche documentaires pour les lecteurs, et les bases de l’enseignement des professionnels de la documentation. En 1931, Suzanne Briet participe à la création de l’Union Française des Organismes de Documentation (UFOD) et devient en 1948 vice-présidente de la Fédération Internationale de Documentation (FID). Après la seconde guerre mondiale, elle est représentante de la BN à l’étranger. À l’échelle internationale, elle se préoccupe notamment de la conservation du patrimoine mondial à travers les bibliothèques. Durant son voyage aux États-Unis, elle observe et étudie la bibliothéconomie en Amérique et rencontre de nombreux professionnels.

En 1951, Suzanne Briet publie un petit ouvrage intitulé Qu’est-ce que la documentation ? dans lequel elle expose ses conceptions sur la nature d’un document, qu’elle définit de façon très large, ainsi une antilope d’une espèce nouvelle, capturée et conservée dans un zoo puis au museum une fois empaillée, peut être considérée comme un document brut et être cataloguée, et engendrer de nombreuses publications : communiqués de presse sur sa découverte, études, enregistrement de ses cris, expositions… Certains voient dans ses intuitions une préfiguration de l’essor du world wide web.

En 1954, Suzanne Briet est chargée de l’exposition à la BN pour le centenaire de la naissance d’Arthur Rimbaud. Après sa retraite en 1955, elle quitte Paris et se rapproche des Ardennes à Mont-de-Jeux, où elle publie des études d’histoire locale et de littérature (avec la Société des écrivains ardennais ou la Grive) et participe aux activités de la société des Amis de Rimbaud, rédigeant des articles dans Études Rimbaldiennes puis Rimbaud vivant. Elle découvre le Cahier des dix ans du jeune Arthur et publie une biographie Madame Rimbaud (1968).

Professionnelle passionnée et engagée, elle est aussi très active dans la vie associative et s’est investie dans la cause de la professionnalisation des femmes. Elle participe à la création de l’organisation non gouvernementale internationale du club rotary Zonta pour la reconnaissance des femmes dans le monde et sera présidente de l’Union des femmes européennes entre 1950 et 1954.

En 1976, Suzanne Briet publie son autobiographie Entre Aisne et Meuse … et au-delà. Ces souvenirs sont présentés sous forme… de mots-clés.

Suzanne Briet a elle-même souhaité donner ses archives à la bibliothèque. Après sa retraite, elle s’intéressait à la vie culturelle ardennaise et était membre du bureau de conseil de la bibliothèque municipale de Charleville.
En 1989, à la mort de Suzanne Briet, Jacqueline Tessier-Rimbaud, dont elle était restée très proche, a hérité de la bibliothèque -le meuble- et les livres appartenant à Suzanne Briet ont été donnés à la bibliothèque de Charleville. Mme Tessier-Rimbaud a apporté à la médiathèque un complément d’archives en 2021.

Le fonds est fourni et rend compte de ses différents centres d’intérêt et reflète aussi son goût d’archiver. Suzanne Briet avait indexé une partie de sa correspondance et noté sur l’enveloppe le sujet de ses courriers. Elle avait dessiné pour ex-libris un petit cygne en entrelaçant ses initiales S et B, qu’on retrouve sur la couverture de sa petite autobiographie Entre Aisne et Meuse et au-delà.
Au sujet de son journal ( rédigé sur des cahiers d’écoliers et truffé de correspondances, notes, billets de spectacles, faire-part…), elle avait formulé des restrictions sur la consultation, qui devait attendre jusqu’en 2024.

On retrouve dans le fonds des documents personnels (scolarité, diplômes, documents administratifs, correspondance privée, photographies, dessins, un autoportrait au pastel…) et des documents concernant sa vie associative (Union européenne des femmes 1950-1954, Club Rotary Zonta de Paris).
Une partie du fonds concerne ses activités professionnelles dans le domaine de la bibliothéconomie, documentation et normalisation, dont une partie sur son voyage d’études au Etats-Unis.
Une partie est consacrée à Arthur Rimbaud : notamment les travaux préparatoires pour l’exposition de 1954, la vie de l’association des Amis de Rimbaud, des articles de Suzanne Briet sur Arthur Rimbaud et des articles sur Suzanne Briet rimbaldienne, divers dossiers.
Une partie concerne son cousin André Dhôtel dont elle admirait le travail d’écrivain : correspondance avec elle et sa sœur Alice, photographies, tirés-à-part, coupures de presse.
Une série enfin est constituée de publications et travaux de Suzanne Briet : histoire, histoire locale, activité littéraire, poésie, compte-rendus.
La consultation des archives de Suzanne Briet intéresse les chercheurs pour l’ensemble de ces sujets, en particulier pour son activité de rimbaldienne et ses travaux sur la bibliothéconomie, avec des projets de traduction et de réédition de son texte Qu’est-ce-que la documentation ?

Médiathèque Voyelles. Charleville-Mézières, Ardennes 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
Leclerc, poète et pionnier de la télévision française

Max-Firmin Leclerc est né à Saint-Dizier (Haute-Marne), le 20 octobre 1923, dans une famille bien ancrée dans ce département. Son père étant chef de gare, notamment à Wassy (Haute-Marne), puis à Nancois-Tronville (Meuse), il abandonne ses études en 1942 pour entrer à la S.N.C.F. (Société nationale des chemins de fer français), afin d’éviter les réquisitions allemandes pour le Service du travail obligatoire. Ses premiers écrits datent de cette période. En 1944, il s’engage au 5e régiment de génie où il aide à la reconstruction de ponts ferroviaires. Démobilisé en 1946, il retrouve son travail aux chemins de fer et publie ses premiers recueils de poésie sous le pseudonyme de Max de Saint-Dizier. Marié en 1948, à Vitry-le-François (Marne), il occupe successivement le poste de secrétaire général de la Société des écrivains et artistes du peuple (il tient la rubrique littéraire Le Médaillon dans la revue Faubourgs), puis de l’Association des écrivains cheminots. A partir des années 1950, il reçoit plusieurs récompenses pour sa poésie, dont le prix Enguerrand Homps pour son recueil Le Cap des Trente. Ses contes et nouvelles sont publiés dans divers périodiques dont L’Aurore et Les Cahiers haut-marnais.
En 1954, il effectue une réorientation professionnelle en se tournant vers la réalisation télévisuelle. Pour cela, il suit les cours au Centre d’Etudes de Radio-Télévision de la Radiodiffusion Télévision Française (R.T.F.). Sa thèse de fin d’études : Télévision, Art du Vingtième Siècle est publiée par Photo-Cinéma et par Le Photographe en 1957.
Cela lui permet de devenir, en 1958, réalisateur de télévision à la Direction régionale de Marseille. Il réalise notamment la série Dimanche en France pour la chaîne nationale. Dès 1962, il réalise sur Paris plus de 1200 heures d’émissions en direct, de vidéos enregistrées et de téléfilms (dont L’Homme aux cheveux gris, scénario : Henry Meillant). Il a ainsi à son actif des émissions de variétés avec Jean Nohain et sportives avec Roger Couderc, des émissions d’accordéon, etc. En 1964, l’O.R.T.F. (Office de radiodiffusion télévision française) succède à la R.T.F. De 1963 à 1969, il réalise le Journal Télévisé avec Léon Zitrone et Georges De Caunes.
Mais sa carrière s’arrête brusquement, en 1975, à l’éclatement de l’O.R.T.F. où il est « l’oublié ». En réponse à ce désaveu, Max-Firmin Leclerc publie un roman-pamphlet sur ses années de télévision : La République du Mépris (réédité en 2010 aux Editions du Masque d’Or, sous le titre : La République du Mépris ou Le Cimetière des Crabes). Il se retire alors dans le Sud (Ariège, Costa Brava et Roussillon) où il s’occupe de ses vignes et de sa production littéraire. En février 2011, les Editions Plénitude publient pour la première fois son recueil de poésie Le Cap des Trente, pour lequel il avait obtenu un prix en 1954. Resté en contact amical avec Annie Massy, présidente de l’A.H.M.E. (Association haut-marnaise des écrivains), il lui permet, dans ces derniers instants de vie, de mettre en ligne sur son site (https://ecrivains-haute-marne.com/) ses œuvres, en téléchargement gratuit, et lui fait don de documents en rapport avec sa production télévisuelle (enregistrements, notes, dessins, photos, etc.). Il décède le 11 janvier 2014 à Perpignan. Ses cendres sont dispersées dans sa propriété familiale à Oudincourt (Haute-Marne).

Ce fonds a été constitué par trois dons successifs : deux dons par l’auteur lui-même (07/03/2012 et 02/04/2013) et un don par Mme Annie Massy, présidente de l’A.H.M.E. (Association haut-marnaise des écrivains), le 02/02/2017 (elle avait reçu ces archives de la main du fils de Max-Firmin Leclerc). Il porte la cote 118 J et représente 1,8 mètres linéaires.
Il contient des documents très variés, sur différents supports : papier, photographies, négatifs, DVD, etc.
Ils concernent la vie privée et professionnelle de Max-Firmin Leclerc et couvrent une période allant de 1903 à 2013. Le fonds est classé selon trois grandes thématiques : état civil et études, son métier d’écrivain, puis son parcours en tant que réalisateur à la télévision. Pour les deux premières parties, on y retrouve son arbre généalogique, son curriculum vitae, des informations sur ses études et diplômes, un exemplaire de sa thèse, ses cartes personnelles et professionnelles, des photographies, de la correspondance, les manuscrits/ tapuscrits de ses ouvrages littéraires et poétiques, des dessins, des périodiques dans lesquels il a été édité ou mentionné, ses ouvrages publiés et des documents au sujet d’associations d’écrivains. On y découvre, entre autres, et avec nostalgie, les tout premiers poèmes qu’il a couchés dans des cahiers ou carnets, les pages jaunies des magazines où sont parus ses premiers écrits et ses chroniques littéraires, des échanges avec Télémagazine pour faire publier Le billet de cousin Max, les étapes de la rédaction de son roman La République du mépris. Quant aux archives concernant son expérience télévisuelle, elles sont constituées de notes de travail, de scénarios, photographies, diapositives, enregistrements vidéos de ses productions, coupures de presse, etc. Elles permettent de mettre en lumière le fonctionnement des coulisses de la télévision de cette époque et de s’y projeter, notamment en observant les photographies prises lors de ses tournages.

Archives départementales, Chamarandes-Choignes, Haute-Marne 20e-21e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
Marot et Marchal, mémoires du Bassigny

• Marie-Alcide-Marot (1862-1927) :
Marie-Alcide-Marot est né à Sauville (Vosges), le 11 mars 1862, au domicile de ses grands-parents maternels. Il passe son enfance à Nijon (Haute-Marne) dans une famille aimante, pieuse, distinguée et cultivée. Il étudie auprès du curé du village, puis au Petit séminaire à Langres (Haute-Marne). Après son service militaire à Belfort (Territoire de Belfort), il revient vivre en Haute-Marne. Il aime la littérature, le dessin et la musique. Son goût pour la lecture lui confère une solide culture. Il apprécie autant le travail de l’esprit que celui du corps. Le curé et ses parents encouragent son talent pour les poèmes. Il noircit de nombreux cahiers de lignes qui évoquent le passé de la Lorraine et la nature. En 1892, il publie Le Chasseur de la Mothe, ouvrage dont le texte oscille entre faits historiques et imaginaires, relatant le dernier siège de la Mothe (Haute-Marne) au 17e siècle, qui le fascine tant. En 1895, il épouse à Nijon Julia Elvire Renaut qui le soutiendra tout au long de sa vie dans son travail d’écriture et de publication. Il succède à son père au conseil municipal et occupe la place de Maire pendant une quinzaine d’années. Depuis 1906, il confie à la revue Le Pays lorrain nombre de ses contes, textes de poésie ou d’histoire locale. Très attaché à son territoire, il fait revivre le patois lorrain dans de magnifiques poèmes que son épouse fera publier à titre posthume. Au décès de l’écrivain Maurice Barrès et sur demande de son ami Charles Sadoul (rédacteur en chef du Pays lorrain), il lui écrit un magnifique hommage en patois. Héritier de l’historien du Bassigny Jules Marchal, il utilise les notes de ce dernier pour rédiger son Essai d’histoire des villages du canton de Bourmont, publié en 1925, ainsi qu’une Histoire de la Mothe, restée manuscrite. Il est membre de plusieurs sociétés savantes et littéraires comme la Société d’archéologie lorraine, la Société des poètes français, la Société des écrivains lorrains et a reçu plusieurs prix de poésie. Il décède dans son village familial, le 20 novembre 1927, après une vie simple, mais bien remplie. Il laisse derrière lui de magnifiques et délicats écrits qui montrent sa maîtrise de la langue française et son goût pour le « pays » auquel il a consacré sa vie.

• Jules-Eugène Marchal (1829-1895) :
Jules-Eugène Marchal est né le 11 juillet 1829 à Chaumont (Haute-Marne). Il fait ses études dans cette ville et à Langres (Haute-Marne), puis est licencié en droit, en 1851. Il débute sa carrière professionnelle comme attaché au cabinet de M. Migneret, préfet de Haute-Vienne et de Haute-Garonne, avant d’être chef de cabinet de M. de Villesaison, préfet de la Haute-Marne, de 1857 à 1860. Cette dernière année, il épouse Erneste-Jeanne-Marie Bernard, à Nijon (Haute-Marne). Il est ensuite nommé juge de paix du canton de Montier-en-Der (Haute-Marne). En 1867, sur sa demande, il obtient le même poste sur le canton de Bourmont (Haute-Marne). Quand sa retraite arrive, il la consacre à peaufiner ses recherches sur le Bassigny qu’il affectionne et sur lequel il collecte, dans les archives, un nombre impressionnant de notes, de son écriture serrée, dans des carnets. Il publie quelques-unes de ses découvertes dans des revues, comme Le Journal de la société d’archéologie et du comité du musée lorrain ou Le bulletin de la Société historique et archéologique de Langres. Mais le plus souvent, en toute modestie, il fait profiter ses confrères chercheurs des renseignements qu’il a compilés. A sa mort, ses précieuses notes reviennent à Jules Marot qui, comme lui, est passionné par l’histoire tragique de La Mothe (Haute-Marne) et le pays lorrain. Il décède le 15 octobre 1895 à Bourmont.

Le fonds concernant Alcide Marot a été constitué en plusieurs fois. Mme veuve Alcide Marot a fait un premier don d’archives concernant le Bassigny, le 5 octobre 1929, puis d’un feuillet issu des archives de La Mothe, le 30 novembre 1930. Un autre don a eu lieu le 30 novembre 1942, concernant le volume manuscrit Histoire de Nijon, écrit par son époux en 1922. Le dernier don, effectué en juillet 1948 comporte les notes, manuscrits aquarellés, poèmes en français et en patois de la production littéraire d’Alcide Marot. Les documents provenant de la succession de Jules Marchal sont entrés aux archives par don de M. Marot en 1921, mais ne sont notés sur le registre des entrées qu’en janvier 1963. Ce double fonds est conservé sous la cote 69_J_1-44 et représente 1,8 mètres linéaires. Le fonds est classé en deux grandes parties : les archives d’Alcide Marot et celles de Jules Marchal.
Les archives de la famille Marot concernent la période de 1882 à 1934 et sont classées selon trois grandes thématiques : les papiers personnels (correspondance, coupures de presse, photographies), les œuvres littéraires et les œuvres historiques. Pour ce qui touche à la production écrite d’Alcide Marot, une particularité ressort avec ses poèmes en patois. On y trouve les épreuves avant tirage consignées dans des cahiers par Mme Marot (1933), ils montrent les étapes préparatoires de la publication posthume. Le fonds comporte surtout de nombreux feuillets manuscrits volants ou reliés, dont certains sont rehaussés d’aquarelles et de dessins à l’encre, sur lesquels sont consignés les poèmes de l’auteur. Un vrai régal pour les yeux ! On retrouve aussi les chroniques d’Alcide Marot, publiées dans Le Pays lorrain et les épreuves des préfaces de ses ouvrages. Le manuscrit Histoire de Nijon (1922), impeccablement rédigé et illustré de cartes postales de l’époque, les innombrables notes historiques sur le Bassigny, ainsi que les feuillets manuscrits du début de son ouvrage sur le canton de Bourmont, sont autant de témoins du travail acharné et minutieux de leur auteur.
Quant aux archives de Jules Marchal, elles couvrent la période de 1203 à 1894 et ce sont principalement des recueils de notes manuscrites sur le Bassigny. Mais on y trouve aussi de la correspondance, des cartes et plans, des dessins, de l’héraldique, des recherches généalogiques, des documents originaux, transcrits ou copiés, etc. sur le même sujet.
Sources complémentaires aux Archives départementales de la Haute-Marne :
– 3_J_21. Archives de la Société d’histoire, d’archéologie et des beaux-arts de Chaumont : notes préparatoires et manuscrit d’un article publié par Jules Marchal dans les Annales de cette société (t. I, fascicule 10, janvier 1896, pp. 164-172), Les voies romaines dans le canton de Bourmont.
– 7_J_35. Fonds de l’érudit nogentais Arthur Daguin : deux lettres de Jules Marchal à Daguin des 12 juin et 20 juillet 1884, à propos de son article Description de la ville et forteresse de La Mothe, Revue de Champagne et de Brie, 1885-1886.
– 2_Fi_1584. Photographie de la façade de la maison d’Alcide Marot à Nijon.
– 3_T_SUP_20. Petits fonds d’archives privées (1920-1934) dont correspondance concernant les archives de Jules Marchal, après le décès de son épouse (1921).

Archives départementales, Chamarandes-Choignes, Haute-Marne 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
René Baret, le journaliste poète et amateur de théâtre

René Baret est né en 1898 dans les Vosges et a exercé toute sa carrière comme employé de la préfecture des Vosges. Dès 1920, il travaille en parallèle pour le Journal L’Union Républicaine. Très engagé au sein de clubs sportifs spinaliens, c’est tout naturellement qu’il rédige des chroniques autour de ce domaine. La culture occupe également une place de choix dans l’écriture journalistique de René Baret. En effet, il s’intéresse de près à la vie culturelle de sa région, nouant notamment une amitié avec Maurice Pottecher et devenant un fervent admirateur du Théâtre du Peuple de Bussang (Vosges). En 1948, il publie même un texte intitulé Une vie… Maurice Pottecher et le Théâtre du Peuple de Bussang dont les bénéfices sont au profit de la compagnie.

René Baret écrit également des poèmes, des pièces de théâtre et des nouvelles. Il publie quelques ouvrages sous le nom de plume Goëry Coquart, personnage du roman éponyme de l’écrivain régionaliste spinalien, René Perrout. Parmi ses publications, on dénombre Fleurs de nos épines, recueil poétique qui réunit des textes de Baret, Robert Javelet et du chanoine Lacourt. René Baret a, par ailleurs, reçu une distinction de l’Académie des Jeux floraux de Toulouse pour son recueil de poésie Les chants du faune qui magnifie la beauté de la nature et célèbre la vie paysanne.

René Baret décède le 15 mars 1982 à Épinal. Frédéric Pottecher, neveu de son ami Maurice Pottecher, lui rend un émouvant hommage dans La Liberté de l’Est du 18 mars 1982.

René Baret a légué à la bibliothèque d’Épinal ses archives littéraires ainsi que sa bibliothèque constituée essentiellement d’ouvrages littéraires des 19e et 20e siècles. Le fonds est entré dans les collections spinaliennes en 1982 quelques mois après son décès.

Le fonds comporte de nombreux poèmes tapuscrits de René Baret, dont certains publiés dans Fleurs de nos épines. On y trouve également quelques tapuscrits de textes en prose publiés dans la revue l’École vosgienne.

Féru de théâtre, René Baret s’est aussi essayé à l’écriture de pièces. Ainsi dans le fonds, on trouve quelques tapuscrits de pièces de théâtre accompagnés parfois de croquis de mise en scène et de leurs programmes, lorsqu’ils ont été joués.

Un dossier plus personnel contient de la correspondance avec des lettres de Maurice Pottecher et de son épouse, Georgette Cammée, qui signe Tante Camme.

Bibliothèque multimédia intercommunale. Épinal, Vosges 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie, Théâtre
Arthur Rimbaud, le dynamiteur de la poésie française

Arthur Rimbaud voit le jour le 20 octobre 1854 à Charleville (Ardennes). Son père, militaire de carrière, abandonne vite le foyer familial laissant la fratrie de 4 enfants aux bons soins de leur seule mère, Vitalie. Rimbaud se révèle un élève particulièrement brillant et écrit ses premiers poèmes à 15 ans. L’année suivante, la rencontre avec un nouveau professeur de rhétorique, Georges Izambard lui ouvre de nouveaux horizons littéraires. Rimbaud ne rêve que d’ailleurs et, alors qu’éclate la guerre franco-prussienne, il tente pour la première fois de fuguer vers Paris. Une seconde fugue, en octobre, n’a pas plus de succès. Ce n’est finalement qu’un an plus tard qu’il arrive à la capitale, à l’invitation de Verlaine. D’abord bien accueilli dans le milieu des poètes – et notamment au « dîner des Vilains Bonshommes », son caractère difficile le rend rapidement indésirable. Verlaine cherche à éloigner le jeune poète de Paris mais – quoique marié – ne peut se résigner à vivre longtemps loin de lui, car leur relation a pris un tour romantique. Débutent deux années passionnées qui voient les deux amants vivre à Londres (Angleterre) puis en Belgique, à Bruxelles. C’est dans cette ville que leur liaison trouve une fin tragique quand Verlaine tire un coup de revolver sur Rimbaud. Verlaine est emprisonné ; Rimbaud retourne dans les Ardennes et termine d’écrire Une saison en enfer, qu’il fait publier à compte d’auteur en octobre 1873. Faute d’argent, les ouvrages ne sont pas diffusés hormis quelques rares exemplaires. Retourné à Londres, il travaille un temps avec Germain Nouveau à la composition d’un autre recueil, Les Illuminations, qui ne sera publié que bien plus tard.
C’est donc un poète complètement inconnu du grand public qui met fin à sa carrière littéraire en 1875. Rimbaud entreprend une série de voyages qui le mènent à travers l’Europe (Allemagne, Italie, Suisse, Autriche, Danemark, Suède ) et le monde (Sumatra, Java,Chypre, Égypte) avant qu’il ne parvienne en 1880 à Aden (Yemen). D’abord employé par la maison Bardey, il devient ensuite négociant à son compte, partageant ses activités pendant 10 ans entre Aden et Harar, en Abyssinie (actuelle Éthiopie). Atteint d’une forte douleur au genou droit en avril 1891, il rentre se faire soigner en France, à Marseille où il est amputé. De retour dans la ferme familiale de Roche, dans les Ardennes, il est pris de nouvelles douleurs, et, fin août, il est de retour à Marseille. Il y décède le 10 novembre. La veille, il espérait encore pouvoir embarquer sur un navire en partance vers des contrées inconnues. Le génie révolutionnaire de son œuvre poétique ne sera reconnu que grâce à l’entreprise conjuguée de sa sœur Isabelle et de Verlaine.

Le fonds Arthur Rimbaud est, depuis sa création, conservé et géré conjointement par le musée Arthur Rimbaud et la bibliothèque de Charleville devenue médiathèque Voyelles. Cette particularité est née du fait que les deux établissements ont été dirigés pendant longtemps par un unique conservateur. Les premiers éléments de la collection liée à Arthur Rimbaud ont été réunis avant la deuxième guerre mondiale. Il ne s’agit alors que de quelques objets qui lui avaient appartenu. Ce sont les dons faits après-guerre à la Ville de Charleville par Henri Matarasso (1892-1985), écrivain, éditeur et libraire spécialiste de Rimbaud, qui vont lui donner une autre dimension, en particulier celui réalisé en 1954, année du centenaire de la naissance du poète. Il devient alors possible de penser à un véritable musée dédié à Arthur Rimbaud. Embryon de cette ambition, la salle qui lui est consacrée dans l’ancien musée municipal est transférée en 1969 au second étage du Vieux-Moulin, avant qu’elle n’investisse l’ensemble du bâtiment en 1991, à l’occasion de la commémoration des cent ans de la mort du poète-aventurier. Suite à ces dons initiaux, le fonds n’a cessé de s’enrichir d’autres documents : don Suzanne Briet, don Izambard, don Vaillant et bien d’autres. Il comprend aujourd’hui des centaines de documents originaux, manuscrits ou imprimés, liés à la vie et à l’œuvre du poète de Charleville : photographies et notamment clichés évoquant sa période africaine, et bien sûr quelques rares manuscrits de poèmes :« A la musique », « Promontoire », « Fête de la faim », « Patience. D’un été » et « Voyelles ».
Ce sont cependant les extraits de correspondance et dessins, de la main de Rimbaud ou de ses proches, qui en font la grande richesse. Ainsi par exemple la lettre du 2 novembre 1870. Rimbaud, rentré de sa seconde fugue, écrit à son professeur Izambard : « Eh bien ! J’ai tenu ma promesse. Je meurs, je me décompose dans la platitude, dans la mauvaiseté, dans la grisaille. Que voulez-vous, je m’entête affreusement à adorer la liberté libre, et… un tas de choses que « ça fait pitié, « n’est-ce pas ? ». Lettres échangées entre le poète et sa famille ou entre des amis laissés sans nouvelles alors que Rimbaud parcourt le monde, lettres d’admirateurs de son œuvre qui, après sa mort, cherchent à en décrypter les mystères…
Le fonds littéraire est complété, d’une part, par une importante collection d’œuvres contemporaines, œuvres plastiques ou éditions bibliophiliques, fruit des travaux des très nombreux artistes qui ont voulu illustrer ses écrits ou représenter le poète (Sonia Delaunay, Fernand Léger ou Pablo Picasso, ou encore, plus proches de nous Ernest Pignon Ernest, Patti Smith ou David Wojnarowicz). Et d’autre part, par un fonds documentaire réunissant plus de 2500 ouvrages ayant trait à la vie et à l’œuvre de Rimbaud, de l’essai à la thèse universitaire en passant par les romans ou les bandes dessinées.

Musée Arthur Rimbaud, Médiathèque Voyelles, Charleville-Mézières, Ardennes 19e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie
Charles Tordjman, promoteur de la scène théâtrale lorraine

Né en 1947 à Casablanca (Maroc), Charles Tordjman est tour à tour auteur et metteur en scène de pièces écrites pour le théâtre. En 1972, date à partir de laquelle le fonds se constitue, il est nommé administrateur du Théâtre populaire de Lorraine, qu’il codirige l’année suivante. En 1992, il prend la direction du théâtre de la Manufacture à Nancy, scène nationale qu’il quitte à sa retraite en 2010. En 1996, il crée le festival Passages.
En tant qu’auteur, Charles Tordjman produit six pièces au début de sa carrière, avant d’être absorbé totalement par la mise en scène et la direction de troupes et théâtre : Le Retour du Graully (1973), Histoires de l’oncle Jacob (1975), C’était (1977), Intimité (1979), En revoir (1981), Le Chantier (1982).
Son œuvre de metteur en scène, particulièrement dense et qui s’intéresse surtout à un répertoire résolument contemporain (avec quelques incursions dans le répertoire du 19e siècle, et beaucoup plus rares encore dans celui des siècles précédents, pourvu qu’il relève de la satire ou d’une forme de contestation sociale), brassant comédie, tragédie, opéra, l’impose sur la scène lorraine mais aussi au niveau national et international ; ses productions voyagent beaucoup et volontiers à l’étranger.

Le fonds remis par Charles Tordjman personnellement est constitué par les projets et suivis de réalisation des mises en scène qu’il a créées de 1978 à 2010. Il s’agit des dossiers des productions personnelles de Charles Tordjman et non pas des productions données au théâtre de la Manufacture sous son mandat de directeur.
Ces dossiers sont constitués, pour l’essentiel : de notes de lecture et esquisses de mises en scène, des pièces de communication autour des productions (programmes, affiches, coupures de presse), de photographies.

Meurthe-et-Moselle. Archives départementales 20e-21e siècle
Théâtre
Nicolas Gardet, un poète rémois méconnu

Nicolas Gardet est né à Reims en la paroisse Saint-Jacques le 4 mars 1741, de Claude Gardet et de Nicole Lajoye ; ses parents étaient toutefois installés paroisse Sainte-Marie-Magdeleine. Il exerça la profession de maître sergier, artisan qui travaille le serge et la laine. Après la Révolution française, il travailla vraisemblablement à la manufacture de Veuve de Recicourt, Jobert, Lucas et Cie à Reims. L’écriture était une activité secondaire, mais Nicolas Gardet devait avoir une certaine notoriété locale, car il a écrit différents textes pour des mariages.
Il était marié à Madelaine Guyotin avec qui il eut plusieurs enfants entre 1767 et 1771 dont certains sont décédés en bas âge. Il habitait en 1805 au 56 rue Neuve. Il mourut le 25 janvier 1827 à l’âge de 85 ans, rentier, demeurant 15 rue Saint-Symphorien.

Nicolas Gardet a tenu des recueils, « volumes » une bonne partie de sa vie (1771-1823). Il y consignait tous ses écrits : sonnets, chansons, pensées, apocryphes, épitaphes, etc. Les recueils sont organisés par ordre chronologique, et tenus avec un grand soin : l’écriture est appliquée et des marges sont tracées au crayon de mine. Pour certains textes, chaque début de ligne commence par une lettrine. Les derniers recueils sont néanmoins moins bien organisés et correspondent à des périodes chronologiques plus étendues. Il indique même sur certains « ce volume est sans doute le dernier », ou bien « je ne le finirai pas, je serai mort avant ». Pourtant, il écrit jusqu’en 1823, soit quatre ans avant son décès. Il avait par ailleurs l’habitude de griffonner sur des papiers volants récupérés par-ci, par-là (papier à en-tête, facture, etc.) qu’il insérait ensuite dans les différents volumes. Marque-pages volontaires, ou simple oubli, ces textes éparses font partie intégrante du fonds.
Ses différents écrits, en dehors de leur qualité littéraire et parfois humoristique, permettent également d’avoir un témoignage original des bouleversements politiques de la France durant cette période. Certains de ses écrits portent en effet sur le roi, les patriotes ou Napoléon Bonaparte.
Le fonds conservé actuellement aux Archives municipales et communautaires de Reims comprend 11 recueils, et est sans doute incomplet. Les circonstances de leur entrée aux Archives sont malheureusement inconnues.

Archives municipales et communautaires de Reims. Marne, Reims. 18e siècle, 19e siècle
Poésie
Julius Greber et les débuts du Théâtre alsacien de Strasbourg

Julius Greber est un auteur dramatique alsacien, né en Allemagne, à Aix-la-Chapelle en 1868 et mort à Colmar en 1914. Installé dès sa prime jeunesse à Strasbourg il y étudie le droit (docteur en 1896) et devient juge de paix à Strasbourg et à Hochfelden. Il entre dans la carrière d’auteur dramatique en participant à des saynètes dialectales au sein d’un petit club pour Allemands. Il approfondit ce domaine de création et son talent se révèle dès 1895 et de fil en aiguille il fonde le Theaterclub de Strasbourg, et naît ainsi un théâtre concurrent au théâtre municipal. Il fonde aussi une société nommée Elsässisches Theater, en 1898. Ses créations appartiennent au genre de la farce (Schwank) ou du vaudeville, des pièces où l’humour domine. Son théâtre met aussi en valeur les mœurs locales et permet l’expression éventuelles de quelques critiques envers la société de l’époque. Une part de son théâtre est en allemand standard. Ses qualités de gestionnaire firent de cette entreprise un succès commercial qui aboutit à la mise à disposition du Théâtre municipal comme lieu de représentations dialectales. Il cède ensuite cette gestion à son collaborateur Gustave Stoskopf (1869-1944) qui a mieux que Greber su capter la célébrité et la conserver.

Ce fonds est arrivé en 1998 mais n’a été traité jusqu’au bout qu’en 2014. Sous la cote MS.6.408 on trouve un choix de documents regroupant l’essentiel de ses pièces de théâtre, sous la forme de manuscrits ou de dactylographies, ainsi qu’un peu de correspondance et de documentation sur la vie théâtrale à Strasbourg. Un recueil de critiques et de pièces de procès intentés contre cette production rendent compte de la réception de son œuvre. Dans un second temps, les cotes MS.7.053,1-3 regroupent des dossiers sur des pièces de théâtre et des récits, accompagnés de plus de pièces permettant d’apprécier la nature du travail de cet auteur et homme de théâtre. Il s’agit par exemple de plusieurs états manuscrits de certaines œuvres, avec des éléments sur la réception, des affiches et articles de presse. Des œuvres en prose s’y trouvent aussi, ainsi que son essai sur l’histoire de la fondation du théâtre alsacien de Strasbourg. Et peut-être quelques traces de sa vie personnelle, dans ses impressions parisiennes ou ses poèmes à une certaine Emilia. Enfin, trois dossiers de correspondance, où Gustave Stoskopf est également destinataire, en tant qu’associé, et où sont regroupés aussi les échanges avec les éditeurs et libraires. L’écriture gothique cursive (kurrentschrift) ne facilite pas l’étude de ce fonds. Il contient cependant la mémoire d’un des principaux auteurs dramatiques dialectaux d’Alsace.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Théâtre
Au sommet de la poésie dialectale strasbourgeoise, le Fonds Albert et Adolphe Matthis

Adolphe et Albert Matthis sont frères jumeaux, nés le 27 décembre 1874 au lieu dit Val de Villé, dans la commune de Châtenois (Bas-Rhin) et morts à Strasbourg, Albert le 17 juin 1930 et Adolphe le 25 mars 1944.
Très tôt ils firent connaître leur talent commun de poètes dialectaux strasbourgeois. Ils participent à la vie de divers mouvements littéraires et artistiques, tout en travaillant comme employés de bureaux afin de subsister (notamment au quotidien Les Dernières Nouvelles de Strasbourg pour ce qui concerne Adolphe). Ils sont engagés des mouvements suivants : Der Stürmer, les Étudiants d’Alsace et de Lorraine, les Peintres de Saint-Nicolas et H2S (Hatzweiess) et publient dans plusieurs revues comme la Revue alsacienne illustrée. Ils font paraître des plaquettes isolées puis des recueils de leurs œuvres, par souscription.

Durant la Première Guerre mondiale, Albert est au front et Adolphe est en détention préventive, autrement dit en exil, en raison de ses opinions francophiles.

Alfred Schlagdenhauffen les a rencontrés dès avant la Seconde Guerre mondiale et leur a consacré son travail et une partie de sa vie intellectuelle de germaniste.

Le professeur Alfred Schlagdenhauffen avait lui-même hérité de ce fonds par le testament d’Adolphe Matthis du 8 avril 1937. Il a légué à la Bnu ce fonds en 1987.

Le fonds a été classé par Alfred Schlagdenhauffen, et ce classement a été globalement respecté. Regroupé sous la cote globale MS.7.171, il est réparti de la manière suivante :
1. Documents biographiques concernant Albert et Adolphe Matthis.
2. Manuscrits des frères Matthis.
3. Dossiers sur les éditions des textes et les plaquettes des frères Matthis, par ordre chronologique, de 1896 à 1946.
4. Revue de presse des frères Adolphe et Albert Matthis, 1901-1943 (D’Grittler).
5. Documents de grand format, 1895-2006.
6. Correspondance des frères Matthis.
7. Documentation, notes et fiches d’Alfred Schlagdenhauffen et ensemble de photographies.
8. Objets du fonds Matthis.
9. Critiques et mentions des frères Matthis parues dans la presse et les revues. 1906-2006.
10. Parutions imprimées des frères Matthis, complément à MS.7.171,3. 1896-1939.
Documents d’Alfred Schlagdenhauffen sans rapport avec les frères Matthis et compléments de « doubles » de revues concernant parfois les frères Matthis ou plus généralement la littérature alsacienne de leur temps.
Les fonds imprimés de la Bnu possèdent la plupart des œuvres éditées des frères Matthis.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie
Richard Rognet ou la permanence de l’approche

Richard Rognet est né à Épinal (Vosges) en 1942. Il grandit dans les Vosges auprès d’une mère institutrice et d’un père mécanicien. Très jeune, il lit avec frénésie tous les livres qui emplissent la maison familiale. Il suit des études de lettres à Nancy et devient, jusqu’à sa retraite en 2002, professeur de lettres au collège Jules Ferry d’Épinal où il a animé de nombreux ateliers d’écriture et initié ses élèves à la poésie.

En 1971, sa rencontre avec le poète Alain Bosquet (1919-1998) est déterminante dans son parcours littéraire. Grâce à ses encouragements, il publie ses premiers textes chez Belfond. À partir de 1980, il est également régulièrement édité dans la prestigieuse collection « Blanche » de Gallimard dont Guy Goffette est membre du comité de lecture.

Dans l’œuvre de Richard Rognet, deux grandes thématiques se détachent. Tout d’abord, l’identité occupe une place centrale dans sa création. Ses poèmes se font l’écho d’un moi multiple et dispersé, ainsi que d’une quête de soi. Ensuite, la nature constitue une toile de fond constante dans son œuvre : il célèbre les paysages vosgiens auxquels il est tant attaché, ainsi que les plantes et les animaux qui peuplent son jardin.

Le poète Arthur Rimbaud tient une grande place dans l’œuvre de Richard Rognet. Il lui rend hommage dans un diptyque constitué de La jambe coupée d’Arthur Rimbaud (1997) et de Dans un nid de flammes (2023). Dans ce dernier livre, dont le titre est emprunté à Une saison en enfer, Richard Rognet mêle à ses vers ceux, soigneusement sélectionnés, du poète ardennais. Au-delà de son lien à Rimbaud, Richard Rognet aime créer un dialogue avec ses pairs, contemporains ou des siècles passés, en introduisant chacun de ses livres par des textes choisis dans leurs œuvres en guise d’épigraphes.

Avec des amis férus de poésie, en Lorraine, et notamment à Metz et à Épinal, Richard Rognet est à l’origine de plusieurs manifestations poétiques. Dans les années 90, grâce à ses amitiés littéraires, Alain Bosquet, Andrée Chedid et Georges-Emmanuel Clancier participent à la manifestation littéraire « Écrivains du 20e siècle » qu’il organise à la bibliothèque d’Épinal, à l’invitation de son ami Philippe Séguin.

Reconnus par ses pairs et les milieux littéraires, il reçoit les prix Charles-Vildrac (1978), Louise-Labé (1985), Max-Jacob (1989), Théophile-Gautier (1993), Apollinaire (1997), Louis-Montalte (1998), Pierrette-Micheloud (2018), Cadet Roussel (2018) et, pour l’ensemble de son œuvre, le grand prix de poésie de la Société des Gens de Lettres (2002), le prix Alain Bosquet (2005) et le prix Erckmann-Chatrian (2020). En 1991, Richard Rognet est nommé membre de l’Académie Mallarmé et, en 1994, est nommé chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Depuis 1978, Richard Rognet a également noué de nombreuses amitiés artistiques. Au sein de livres d’artistes et de livres pauvres, ses textes poétiques dialoguent avec la gravure de Jean-Pierre Lécuyer et de Thierry Le Saëc, l’estampage de Marc Pessin, les photographies et collages de Sarah Wiame, les peintures de Jean-Pierre Thomas, Guy Lozac’h et Alain Simon ou encore l’enluminure de Dominique Penloup.

Richard Rognet, compagnon de longue date de la bibliothèque, a montré son attachement à la ville d’Épinal en effectuant une première donation en 2002, à l’occasion des manifestations organisées en son honneur lors de la 4ème édition du Printemps des poètes. D’autres donations ont suivi et sont venues enrichir ce fonds de manuscrits et d’archives littéraires. Depuis 2012, à chaque nouvelle publication, le poète offre à la bibliothèque les documents constitutifs et afférents à ses œuvres. En 2023, le fonds d’archives littéraires Richard Rognet, organisé et classé minutieusement par le poète, est constitué de plus de cinquante boîtes d’archives.

Ce fonds est formé de documents précieux pour comprendre le processus créatif du poète : brouillons manuscrits parfois griffonnés sur un coin de nappe, tapuscrits du premier jet à l’état final, tapuscrits d’envoi à l’éditeur et maquettes de l’ouvrage. Il comporte également tous les livres édités du poète et notamment quelques éditions de tête sur grand papier ainsi que des pré-publications, des tirés à part ou des revues littéraires dans lesquelles il a publié ses textes. Ce riche fonds comporte également les contrats d’édition et des dossiers de presse relatifs à ses publications.

S’ajoutent à cet ensemble des documents plus personnels comme des photographies ou des éléments de correspondance notamment avec son ami Alain Bosquet. De manière plus anecdotique, un buste de Richard Rognet réalisé par Norma Bosquet et les premières layettes du poète tricotées par sa mère ont enrichi le fonds en 2023.

La bibliothèque de l’auteur rejoint petit à petit la réserve de la bmi. On y croise des ouvrages de ses amis poètes, et notamment l’universitaire et poétesse Béatrice Marchal, spécialiste de l’œuvre de Richard Rognet, des ouvrages dédicacés et une collection importante de livres portant sur la poésie.

Les livres d’artistes auxquels a participé le poète, offerts par lui ou acquis par la bibliothèque avec le soutien de la Région Grand Est et de la DRAC Grand Est, prennent place aux côtés de cet important don pour constituer le fonds Rognet à la bmi.

Bibliothèque multimédia intercommunale. Épinal, Vosges 20e-21e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie
Charles Haenggi, le journaliste alsacien

Charles Haenggi est né à Mulhouse (Haut-Rhin) dans une famille ouvrière. Alors qu’il est apprenti-dessinateur pour une firme mulhousienne, sa vie prend un tournant lorsque l’abbé Haegy le pousse à continuer ses études. Il devient ainsi, en 1904, ingénieur après avoir étudié en Suisse et en Allemagne.
Il n’exerce que quelques mois cette profession et s’oriente vers le journalisme dès 1905 en intégrant le journal colmarien l’Elsasser Kurier rédigé par sa vieille connaissance : l’abbé Haegy. Il exerce tout au long de sa vie en tant que journaliste pour la presse écrite ou la radio, dans diverses rédactions en Alsace, en Allemagne, en Suisse et jusqu’en Algérie française. Il rassemble les souvenirs de sa longue carrière de journaliste dans ses mémoires, Fünfzig Jahre Journalist 1905-1957, déposés et conservés à la bibliothèque municipale de Colmar (Haut-Rhin). Une anecdote, racontée par André Meichler, un historien local, donne à voir le caractère malicieux de Haenggi. A la sortie de prison de l’abbé Wetterlé, autonomiste alsacien, Haenggi rend compte de sa libération triomphale, accompagnée par des milliers d’Alsaciens. Le rédacteur en chef d’un journal berlinois télégraphe son mécontentement à Haenggi face à son prétendu mensonge et sa surévaluation de la situation. En guise de réponse, Haenggi lui envoie simplement une photo de l’évènement, et inscrit au dos du cliché « Comptez vous-même les têtes. ».
Né au sein de l’Empire allemand, Charles Haenggi obtient la nationalité française en 1921. Il utilise très tôt son métier de journaliste pour exprimer ses idées politiques. Il est un ardent défenseur d’une Alsace-Lorraine française à une époque où cette opinion était difficile à exprimer dans l’Empire allemand. Réfugié en Algérie pendant la Seconde Guerre mondiale, il se consacre à l’accueil des alsaciens et lorrains réfugiés en Algérie.
Charles Haenggi entretint tout au long de sa vie un lien particulier avec sa région natale. Il défend tout particulièrement le dialecte alsacien et se bat pour conserver son enseignement au sein des écoles publiques alsaciennes. C’est d’ailleurs en jonglant entre le français, l’allemand et l’alsacien que Charles Haenggi rédige ses articles et ses nombreuses œuvres littéraires. Il est notamment l’auteur de plusieurs pièces de théâtre, de nouvelles ainsi que d’un roman et d’un recueil de poésie. Il a été membre de l’Académie d’Alsace, ainsi qu’officier de la Légion d’Honneur.

Fonds épars dont l’origine est parfois inconnue, les papiers de Charles Haenggi regroupent une dizaine de pièces. L’ensemble est divisé en deux typologies de documents : ses mémoires ainsi que ses œuvres littéraires.
Les mémoires de Charles Haenggi, ensemble considérable de près de 1 300 pages, ont été déposés par André Meichler en 2000, hérité de la femme de Haenggi. Ces mémoires de première main sur le paysage alsacien du début du 20e siècle sont divisés en 3 volumes de manuscrits dactylographiés en langue allemande. Ils sont une source d’information inestimable pour les historiens, riches en analyse politique et en anecdote d’époque. Le style, propre au journaliste, est celui d’une langue vive et piquante. Malheureusement, seul trois exemplaires de ces mémoires sont recensés et il n’existe aucun exemplaire édité, ou de traduction française.
Les œuvres littéraires de Haenggi, essentiellement rédigées en allemand ou en alsacien, font parties d’un ensemble d’une vingtaine de dossiers d’archives. Ces archives ont été donnée à la bibliothèque de Colmar. Elles regroupent de nombreuses œuvres théâtrales et notamment du théâtre en dialecte alsacien. Ces pièces appartiennent au registre du théâtre burlesque et de la farce, souvent en deux ou trois actes. Elles reprennent des paysages alsaciens, voire des personnages issus de grandes figures alsaciennes telles que le général Rapp. Certaines pièces ont pour décor l’Algérie et permettent à l’auteur de parler de sa propre expérience.
Un unique recueil de poèmes, composés d’une dizaine de pièces en allemand, est présent dans ces papiers. Quelques-uns ont été publié dans la presse.
Enfin, le fonds Haenggi conserve quelques dizaines de papiers de l’auteur, notamment ses documents de travail ainsi que des lettres et des articles parus dans différents journaux.

Bibliothèque municipale. Colmar, Haut-Rhin 19e-20e siècle
Narratif, Poésie, Théâtre
Alexis Guillemot et les contes marnais d’antan

« Il me suffit d’habiller le paysage avec le vocabulaire des contrôleurs du moyen âge, de compter soudain les routes en lieues, les arbres en pieds, les prés en arpents, jusqu’aux vers luisants en pouces, pour que les fumées et les brouillards montant des tours et des maisons fassent de notre ville une de ces bourgades que l’on pillait sous les guerres de Religion, et que je me sente l’âme d’un reître ou d’un lansquenet ».
Quelques chose du lyrisme du Contrôleur des poids et mesures de Giraudoux (Intermezzo, acte III) se retrouve chez Alexis Guillemot. Ce fils de charron né à Faux-Fresnay (Marne) étudie à l’école normale de Châlons et devient en 1869 instituteur puis vérificateur des poids et mesures. Après avoir exercé à Valenciennes et Rocroi, il est affecté dans la Marne, à Vitry-le-François puis à Châlons. Ses compétences lui permettent de devenir inspecteur régional des poids et mesures, en 1910, et membre de la commission nationale de métrologie. Républicain engagé, il est élu conseiller municipal en 1904 et garde son mandat jusqu’à sa mort.
Guillemot ne commence à publier que tardivement. Sa première œuvre, une monographie de 362 pages consacrée à l’histoire de son village natal, est éditée en 1896. Elle lui vaut une médaille d’or de la SACSAM (Société d’Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de la Marne). L’année suivante, il est reçu dans cette société dont il devient un membre actif avant de la présider de 1909 à 1911.
A partir de 1900, Guillemot fait paraître régulièrement de courts textes historiques et surtout folkloriques. En 1908, il rassemble ses écrits antérieurs en un recueil, Les Contes, légendes, vieilles coutumes de la Marne, tome 1. Sa mort prématurée ne lui permet pas de donner un deuxième tome à son œuvre, malgré l’importante documentation qu’il a réunie. Une sélection de ses textes peu connus ou restés manuscrits sont publiés par Germaine Maillet en 1982 sous le titre : Les contes de Guillemot et la vie d’autrefois en Champagne. Il faut attendre 2021 pour que Bruno Malthet réunisse la presque totalité des écrits de Guillemot sous le titre : Contes & Légendes de la Marne : et autres récits.

« Je pars de très bonne heure par le train et tout en contemplant les plaines de ma Champagne, je pense à la légende recueillie la veille, je bâtis dans la tête le plan de la nouvelle et, rentré le soir dans mon bureau, je prends du papier et ma plume court, court ».

Ce propos rapporté par un ami d’Alexis Guillemot nous renseigne sur sa méthode. D’abord, la collecte : Guillemot connaît à fond l’arrondissement dont il a la charge, il profite de ses tournées pour « interroger les vieillards, fouiller les archives » et constituer un réseau de correspondants – médecins, instituteurs – menant des recherches pour son compte. Dans un article presque féministe, Germaine Maillet vante une de ces petites mains, Joséphine Brûlfer, dont le style lui semble valoir celui du maître. Ensuite, « bâtir le plan de la nouvelle » – car Guillemot fait œuvre d’auteur, Germaine Maillet lui reproche même de rechercher les effets littéraires.

L’œuvre de Guillemot compte plus de cent chapitres, couvrant la Marne entière. Chapitres variés : Guillemot folkloriste cède souvent le pas à l’historien pour de petites monographies sur les guerres de religion à Sézanne, la culture des sapins ou des choux, l’étrange destin d’une enfant sauvage au 18e siècle. Il recense avec quelque peu d’ironie les légendes locales : récits de miracles expliquant l’assèchement de la fontaine de Perthes-les-Hurlus ou le mutisme des crapauds du marais de Saint-Gond. Comme Germaine Maillet plus tard, Guillemot rapporte des coutumes de mariage et de festivités diverses, telles la fascinante « noyade du couperon » le Mercredi saint. Le terme couperon désigne une petite lampe à huile en argile qui éclaire les veillées pendant l’hiver avant d’être jetée à la rivière au retour du printemps, aux cris de « I noye, i noye, i noye, le couperon ». Et Guillemot de fustiger « l’ingratitude sans nom » avec laquelle le « bienfaisant couperon » est supplicié ; et de détailler les variantes de la cérémonie entre Suippes, l’Argonne et Châlons.

Pour Guillemot, si la campagne champenoise n’est pas propice aux récits fantastiques et mystérieux, elle se prête aux contes, mais pas n’importe lesquels : des contes « honnêtes, gais et sensés », bien différents des « contes graveleux du Lorrain » ou des contes du Bourguignon « remplis de massives beuveries ». Des contes trop peu nombreux, disparus pour la plupart avec le patois dans lequel ils étaient dits. On partage les regrets de Guillemot en lisant la poignée de récits particulièrement savoureux qu’il a réunis en patois de l’Argonne, de Sézanne et de Courtisols. Ce gros village de Courtisols qui fournit quantité d’histoires réjouissantes, les Courtisiens étant, selon Guillemot, « quelque chose comme des Auvergnats champenois ».

Les « Dossiers Guillemot » conservent des brouillons et notes de l’auteur, de la documentation, des courriers de ses correspondants et des reproductions des textes publiés dans les journaux. En 1930 la veuve d’Alexis Guillemot en fait don au Comité du Folklore Champenois, dont les archives aboutissent à la bibliothèque de Châlons dans les années 1990.

Bibliothèque municipale à vocation régionale. Châlons-en-Champagne, Marne 19e-20e siècle
Narratif
Maurice Betz, un ami fidèle

Aujourd’hui oublié, Maurice Betz est une figure importante du monde littéraire de l’entre-deux-guerres. Colmarien de naissance, il est né en 1898, à une époque où l’Alsace appartient à l’Empire allemand. Orphelin de père à 3 ans, il passe son enfance à Colmar (Haut-Rhin) et étudie au lycée impérial. Dans sa jeunesse déjà, il passe son temps à lire de la littérature française, des classiques allemands et à composer des nouvelles et des poèmes, dès 10 ans. Complètement bilingue comme les alsaciens cultivés de l’époque, il passe aisément de l’allemand au français, bien qu’il compose majoritairement, à cette période, en allemand et aille jusqu’à germaniser son nom en signant « Maurice von Betz ».
Lorsque la guerre éclate, Maurice Betz passe la frontière suisse afin de poursuivre ses études à Neuchâtel et de ne pas s’engager au sein de l’armée allemande. Son goût pour la littérature se confirme au contact de la bibliothèque du professeur Friedrich Eduard Schneegans, spécialiste de la littérature médiévale et enseignant au gymnase de Neuchâtel, chez qui une rencontre littéraire va changer la vie du jeune colmarien : celle avec une des œuvres du poète austro-hongrois Rainer Maria Rilke. Rattrapé par la guerre, il s’engage auprès de la Légion étrangère française à Berne, afin d’éviter à nouveau un engagement dans l’armée impériale. Il combat ainsi en 1918 dans l’Aisne et la Marne.

Au sortir de la guerre, il poursuit ses études à la Sorbonne en lettres et en droit dont il sort diplômé. Par la suite, il exerce en tant qu’avocat à la Cour d’Appel de Paris entre 1920 et 1925. C’est à cette même période que paraissent ses premiers écrits : le recueil de poèmes Scaferlati pour troupes en 1921, le roman Rouge et blanc en 1923 qui est également son premier succès littéraire mais surtout sa traduction des Cahiers de Malte Laurids Brigge de Rilke en 1926.
C’est d’ailleurs pour son travail de traducteur qu’est surtout connu Maurice Betz. Sa maîtrise des langues allemande et française, mais surtout de leur esprit, fait de lui un traducteur reconnu à son époque et apprécié par les auteurs des textes originaux.

C’est d’ailleurs plus qu’une simple relation de collaboration littéraire que Betz et Rilke vont entretenir, jusqu’à la mort du poète en 1926, mais une amitié sincère et profonde. C’est en 1924, lors d’un séjour de Rilke à Paris, qu’ils se rencontrent et commencent à travailler ensemble à la traduction française des Cahiers. Réunis dans l’appartement parisien de Betz, ils vont ainsi se lire simultanément, ligne à ligne, la version originale et la traduction du texte, corrigeant et modifiant mutuellement leur travail. Cette traduction « de cœur à cœur », pour reprendre l’expression de Jean Cassou, écrivain et critique littéraire, apporte de la profondeur aux versions françaises de Rilke et lui assure sa réussite littéraire dans l’Hexagone. Jusqu’à sa mort prématurée en 1946, Maurice Betz traduit une vingtaine d’œuvres rilkéennes, en édite d’autres et se fait le biographe du poète (Rilke vivant, 1937 ; Rilke à Paris, 1941).
Maurice Betz traduit d’autres auteurs allemands tels que Thomas Mann (sa version française de La Montagne magique a été une référence jusque très récemment), Goethe ou encore Nietzsche. En véritable alsacien il se fait passeur entre les deux langues, les deux peuples des deux côtés du Rhin. C’est pour cette raison que, depuis 1957, l’Académie d’Alsace décerne le prix Maurice-Betz à un écrivain, poète ou traducteur alsacien d’expression française. Parmi les lauréats, citons Alfred Kern ou Guy Heitz,

Le fonds Betz conservé à la bibliothèque des Dominicains est indissociable du fonds Rilke du fait des liens profonds qui unissaient Maurice Betz à Rilke.
Une partie est entrée à la bibliothèque à la fin des années 1980, à la mort de Jacques Betz, cousin de Maurice Betz et héritier de ses papiers et archives personnels. Une autre partie provient d’acquisitions de la bibliothèque effectuées en 2003. Il compte aujourd’hui près de 300 pièces ainsi qu’une dizaine de manuscrits et tapuscrits de l’auteur. Ajoutons à cela que la bibliothèque conserve les premières éditions des œuvres de Maurice Betz au sein de son fonds Alsatiques.
Le fonds renferme les carnets manuscrits et tapuscrits que Maurice Betz a tenu de 1940 à sa mort en 1946. Il y traite notamment de sa mobilisation en tant que lieutenant-officier de batterie durant la Seconde Guerre mondiale et de sa période de détention au camp de Mailly. Ses carnets, véritable journaux intimes, retracent les dernières années de la vie de l’auteur et les questionnements intimes qui le traversent.
Une large partie des pièces conservées dans le fonds Betz font parties de la correspondance privée de l’auteur, s’étendant de 1919 à 1946.
Enfin, le fonds comprend de nombreux documents liés au travail de Maurice Betz en tant qu’auteur, avec des épreuves manuscrites et tapuscrites de ses œuvres corrigées, ou encore son travail de traducteur notamment des œuvres de Rilke. C’est dans ce fonds que se trouve le remarquable ensemble lié au travail de traduction de Betz sur le texte des Cahiers de Malte Laurids Brigge. La version traduite, qui a fait connaitre Rilke en France, est le fruit d’un travail en commun entre Betz et le poète : la bibliothèque possède un ensemble de feuillets de Betz annotés de la main de Rilke.

Bibliothèque municipale. Colmar, Haut-Rhin 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Traduction
René Perrout, « le spinalien »

René Perrout est né à Épinal (Vosges) le 26 janvier 1868 dans une famille de notables spinaliens. Son père, Nicolas Perrout (1832-1890) et son frère aîné, Henri Perrout (1864-1919), sont avoués au tribunal d’Épinal. René Perrout étudie les lettres et le droit à Nancy puis s’inscrit au barreau d’Épinal pour y installer son cabinet d’avocat.

Érudit local fortement attaché à l’histoire de sa ville natale, René Perrout est un habitué des services d’archives et un grand collectionneur notamment d’objets liés à histoire et aux traditions populaires locales. Dès 1891, il devient un membre actif de la Société d’émulation des Vosges et publie ses recherches dans les Annales de la société avant de les publier chez des imprimeurs spinaliens. Parmi ces ouvrages figurent Histoire d’Épinal au XVIIe siècle qui sort en 1902 et 1908 chez Huguenin à Épinal. René Perrout est également l’auteur d’une des premières publications d’importance sur les images d’Épinal qu’il collectionnait.

Il exploite la matière historique qu’il compile dans l’écriture de romans et de recueils de nouvelles régionalistes. Il se fait alors chantre d’Épinal et plus largement des Vosges. Autour de mon clocher (Épinal, Huguenin, 1905) réunit 19 nouvelles mêlant contes, légendes et histoire locale. Il compose également des romans comme Goëry Coquart (Épinal, Huguenin, 1906) qui relate, sous la forme d’un journal d’un pâtissier rôtisseur, l’histoire d’Épinal occupée par les Français. Quant au roman historique Au seuil de l’Alsace, il apporte un témoignage sur la vie des habitants d’Épinal durant la Guerre de 1870.

« Perrout, le spinalien », comme le surnommait Maurice Barrès, entretient des liens forts avec les écrivains régionalistes lorrains. Comme l’atteste sa correspondance, il est particulièrement proche de Charles Sadoul, Émile Moselly, Maurice Pottecher et George Chepfer. En 1906, il contribue avec eux à la création de la Revue lorraine illustrée, dans laquelle il publie régulièrement ses travaux. Parmi les influences littéraires du chantre d’֤Épinal, Barrès tient une place d’importance. Ce dernier, qui a préfacé l’ouvrage Autour de mon clocher, loue son sens des paysages et voit en lui « un Lorrain caractérisé » dont l’œuvre est un « clair témoignage lotharingien » qui a « l’accent de chez nous » et exprime « une sensibilité lorraine ».

Affecté par la mort de son frère Henri en 1919 et par la guerre, René Perrout décède le 11 septembre 1920 à Épinal.
Un Prix Henri et René Perrout a été décerné à partir de 1920 par la Société d’émulation des Vosges pour « récompenser un littérateur, historien ou artiste vosgien ayant traité un sujet intéressant les Vosges ».

Le fonds Perrout est légué en 2013 à la ville d’Épinal par Marie-Thérèse Aufrère, petite-nièce de René Perrout et petite-fille d’Henri Perrout. Le fonds est en dépôt à la bibliothèque multimédia intercommunale d’Épinal.

Le fonds comporte essentiellement de la correspondance parmi laquelle on trouve des lettres d’artistes lorrains tels que Victor Prouvé, Émile Friant et Ernest Wittmann. On note la présence d’une lettre d’Hansi qui a contribué à l’ouvrage de Perrout Impressions de guerre, Épinal (août-décembre 1914) en proposant une lithographie représentant le Général Mauger, gouverneur d’Épinal.

Les écrivains régionalistes sont également très présents dans le fonds, on dénombre des lettres de Charles Berlet, Maurice Pottecher, Charles Sadoul et de l’épouse et du fils de Maurice Barrès.

Il est à noter la présence de deux manuscrits Au Seuil de l’Alsace et Souvenir de Damien Hun, de contrats d’édition et de notes préparatoires pour ses ouvrages relatifs à l’histoire d’Épinal.

Des livres dédicacés par ses amis écrivains Georges Chepfer et Maurice Barrès viennent compléter cet ensemble.

Bibliothèque multimédia intercommunale. Épinal, Vosges 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif
Jean-François Pellet, le barde d’Épinal

Jean-François Pellet est né à Epinal le 2 novembre 1781 au sein d’une famille aisée de marchands. Il entre à l’École centrale du département des Vosges en 1796 et y poursuit ses études jusqu’en 1799. En 1806, il obtient une licence de droit à la Faculté de Strasbourg et s’inscrit au barreau d’Épinal comme avocat privilégiant les affaires d’assises pour lesquelles il se forge une solide réputation. Parallèlement à ses fonctions d’avocat, il est nommé directeur du dépôt de mendicité du département des Vosges.

Jean-François Pellet s’intéresse à la vie littéraire, artistique et politique de son époque et de son territoire, adhèrant ainsi à un grand nombre de sociétés. Il est correspondant de la Société académique des sciences, lettres, arts et agriculture littéraire de Nancy (1810), de la loge maçonnique d’Épinal appelée Parfaite Union (1819). Il est aussi secrétaire de la Société d’Émulation des Vosges et membre de sa section Sciences et Belles-Lettres (1825). Par ailleurs, en 1814, il prend part, comme volontaire, à la défense de la France contre l’invasion étrangère près d’Épinal et à Longwy. Malheureusement la victoire de l’ennemi mène à l’occupation. Pellet entre alors dans l’opposition et se lie avec les généraux Lafayette et Drouot.

Sous le nom de Pellet d’Épinal, il écrit et publie des poèmes et des tragédies. Dans Le Barde des Vosges, il compose de beaux poèmes louant la beauté des Vosges. Ses poèmes portent également sur l’histoire de son temps et notamment sur Napoléon et ses victoires militaires. En 1804, il écrit une Ode à Bonaparte qui est alors 1er Consul. Cette ode le conduit à faire partie, en tant qu’officier de la Garde Nationale, d’une délégation vosgienne pour assister au sacre de l’Empereur. Quant à ses Vicissitudes des Empires : ode composées tout de suite après la bataille d’Eckmühl (20 et 21 avril 1809), elles exaltent la qualité des troupes napoléoniennes. Il réalise également des tragédies comme celle intitulée Constantin le Grand qui est jouée plusieurs fois au théâtre de Nancy.

Après un procès à Paris contre un plagiaire, Pellet rentre à Épinal, malade, et y meurt le 13 février 1830.

L’origine de l’entrée de ce fonds dans les collections de la bibliothèque d’Épinal est inconnue. Cependant, il est probable que l’ancien possesseur soit le poète et traducteur Albert Montémont né à Rupt-sur-Moselle (Vosges) en 1788 et décédé à Paris en 1861.
Montémont et Pellet se sont certainement liés d’amitié au sein de la Société d’émulation des Vosges qu’ils fréquentent tous les deux. C’est ainsi qu’est née une correspondance entre les deux hommes. Le fonds contient les lettres de Pellet adressées à Montémont écrites entre le 16 mai 1817 et le 16 janvier 1826. Cette correspondance documente le processus d’écriture des deux hommes, qui échangeaient des poèmes et des conseils mutuels.

Bibliothèque multimédia intercommunale. Épinal, Vosges 18e-19e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie, Théâtre
La poésie du Sundgau, Nathan Katz ou l’expression de l’alémanique

Nathan Katz est né à Waldighoffen, dans le Sundgau, le soir de Noël 1892, dans une famille juive. Passionné de littérature, tant allemande qu’étrangère, il se fait très tôt remarquer par d’autres poètes alsaciens qui vont contribuer à développer son jeune talent. Survient la Première Guerre mondiale et sous l’uniforme allemand il est blessé dès 1914 sur le front lorrain. Sa convalescence va lui permettre de plonger dans la poésie avant d’être renvoyé sur le front et fait prisonnier en Russie. De retour dans sa famille, il embrasse une carrière dans le commerce itinérant, bétail, métallurgie, textile, agro-alimentaire, qui le fait voyager à travers l’Europe et en Afrique du Nord dans l’entre deux guerres. Parallèlement il fréquente les cercles artistiques du Sundgau. La Seconde Guerre mondiale le renvoie en Afrique du Nord puis en zone libre où les lois anti-juives de Vichy l’empêchent de travailler. De retour à Mulhouse à la Libération, il trouve un emploi à la Bibliothèque municipale de cette ville.  
C’est le langage propre au Sundgau et à sa population qui l’inspire avant tout. Il le considère comme une langue à part entière, tout à fait capable par la traduction de « rendre » les œuvres des plus grands poètes de la littérature mondiale. Il travaille à des traductions nombreuses et variées, de grands textes de la littérature mondiale : Péguy, Mistral, Poe, Burns, Guillevic, Shakespeare, vers cet alémanique du sud de l’Alsace. Il décède à Mulhouse en 1981.
Un Prix de Littérature Nathan Katz a été créé en 2004 à l’initiative du Ministère de la Culture sur un projet défini en collaboration avec les Éditions Arfuyen et l’Association Capitale Européenne des Littératures (ACEL). Il entend favoriser la traduction de la littérature alsacienne de toutes les périodes. Parmi les lauréats, nous pouvons citer Lina Ritter, Gustave Stoskopf, Alfred Kern, les frères Matthis ou encore Albert Schweitzer.

Accueilli en 2002, le fonds Nathan Katz a été donné à la Bnu par Mme Philippe Droz, belle-sœur du poète presque au moment même où les éditions Arfuyen rééditaient l’œuvre poétique de l’auteur. Il a été abondé à partir de 2008 par l’intermédiaire de Mme Yolande Siebert. Il est composé des papiers du poète, dans toutes les dimensions que ce terme peut couvrir.   
 On y trouve les manuscrits et les dactylographies de ses œuvres, d’abord de ses poèmes, puis de ses œuvres théâtrales, avec les éléments de correspondance reçue en relation avec elles. Les documents personnels qui peuvent aider à sa biographie forment un autre ensemble du plus haut intérêt pour comprendre ce que put être la vie concrète de cet homme, en proie aux grands événements du 20e siècle et à l’iniquité des temps. Enfin une série de carnets, de diverses natures, et de membra disjecta, complètent le fonds et laissent entrevoir comment la création poétique coexiste avec les aléas de toute une vie. La bibliothèque de Nathan Katz et un ensemble de photographies sont conservés au Musée sundgauvien d’Altkirch.   
Des documents sur le rayonnement de l’auteur se trouvent aussi à la Bnu, comme des traces de ses émissions radiophoniques, des interviews ou des travaux critiques. Une description plus étendue du fonds est disponible dans la brochure publiée par la Bnu à l’occasion d’une exposition proposée au moment de la remise du fonds. Ce livret contient également un inventaire sommaire du fonds conservé à Altkirch.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie, Théâtre
Artiste de la plume, gentilhomme des lettres, Charles Oulmont

« Artiste de la plume », ou « gentilhomme de lettres », ce sont là deux expressions qui peuvent caractériser Charles Oulmont. Cet écrivain est né à Mulhouse en 1883 et mort centenaire à Paris, en 1984. Issu d’un milieu mulhousien où se côtoyaient artistes et industriels, il se consacre aux muses, à la musique en tant qu’interprète, à l’écriture et à l’histoire des lettres et de la pensée. Il écrit une douzaine de romans, beaucoup de théâtre, et d’autres œuvres qui appartiennent à l’histoire de l’art et à la poésie.
Il était sensible à la pureté de la langue française et défendait celle-ci en pratiquant l’activité du conférencier : discourir urbi et orbi, montrer à l’étranger toute la puissance et tout le charme de l’éloquence française, y compris par des émissions radiophoniques consacrées à la langue. Très social, mêlé au beau monde des arts et des lettres, il reçut les honneurs de maintes sociétés et put fréquenter les personnalités de la vie politique et culturelle de nombreux pays européens. Amoureux de l’artisanat d’art français de la fin de l’Ancien régime, il fut aussi collectionneur d’objets, de meubles, de bibelots, et écrivit d’importants essais sur ces styles et sur cet art de vivre.

Dix ans avant sa mort, Charles Oulmont a donné à la Bnu ses archives littéraires. Un versement complémentaire intervint en 1985. Une publication détaillée en rend compte de manière détaillée dès 1974, sous la forme d’un dactylogramme ronéoté. Le fonds est structuré ainsi : les œuvres de l’auteur d’abord. Dans l’ordre suivant : romans, essais, théâtre. Chaque dossier comprend les manuscrits, des épreuves et les éditions, souvent personnalisées par Charles Oulmont et parfois reliés ou décorés de curieuses façons, la correspondance à lui adressée et des documents collectionnés ou copiés par l’auteur. D’autres sections comprennent les notes relatives aux nombreuses conférences puis aux émissions radiophoniques, à sa critique d’art ainsi que des documents biographiques et iconographiques concernant l’auteur.      
La une riche correspondance (reçue) avec des auteurs, artistes et penseurs en constitue également un des points forts. Citons rapidement Max Jacob, Yvette Guilbert, Montherlant, d’Indy, Georges Duhamel, Giraudoux, Carco, Cendrars, Dorgelès. Enfin, il fut aussi collectionneur de traces écrites sur l’artisanat d’art datant du 18e siècle. Le fonds compte 559 notices d’œuvres ou de dossiers. Les nombreuses médailles honorifiques qu’il a reçues tout au long de sa vie sont conservées au Cabinet numismatique de la Bnu. 
Les œuvres éditées sont toutes intégrées aux fonds documentaires de la Bnu et sont empruntables. Le catalogue ronéoté de la donation donne les regestes de la correspondance reçue et informe amplement sur le contenu de la plupart des pièces qui constituent le fonds. Charles Oulmont légua les œuvres d’art ou d’artisanat qu’il possédait à différents musées dont celui des Beaux-arts de Strasbourg.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Théâtre
Louis Jouve, le découvreur de Xavier Thiriat

Louis Jouve naît le 11 mars 1814 à Vitry-le-François (Marne) et meurt en juillet 1896 à Paris.
Son père, Louis Jouve (né en 1783 à Saint-Disdier, mort en 1826 à Épinal), puis sa mère, Jeanne Fricadel (1791-1847, Épinal), sont libraires place des Vosges à Épinal. Après avoir enseigné la littérature et l’histoire, Louis Jouve est nommé, le 8 mai 1879, bibliothécaire auxiliaire à la bibliothèque de l’Arsenal. Promu sous-bibliothécaire en 1883 et bibliothécaire hors cadre en 1889, il travaille surtout au classement des périodiques.

Intéressé par la vie politique de son département, Louis Jouve se présente aux élections législatives des Vosges de 1848 et 1871. Malgré un nombre de voix élevé, il n’est pas élu. Et lorsqu’il vit à Paris, il continue à œuvrer pour les Vosges en adhérant au comité de l’Association vosgienne de Paris.

Également passionné d’histoire locale, il publie des récits et des études sur les Vosges qu’il collecte dans le département an s’appuyant sur des correspondants locaux : Voyages anciens et modernes dans le département des Vosges (1884) ou encore Bussang, description, mœurs, coutumes anciennes, histoires de la commune, histoire des sources minérales thérapeutiques, Bussang dans le présent et dans l’avenir (1888). Il s’intéresse particulièrement aux traditions populaires dont il recueille les usages en cours de disparition : Coup d’œil sur les patois vosgiens (1864), Noëls patois anciens et nouveaux chantés dans la Meurthe et dans les Vosges (1864), Epître en patois des habitants de Gérardmer (1866). En 1867, il encourage la publication du Journal d’un solitaire de Xavier Thiriat (1835-1906), un écrivain autodidacte de la vallée de la Cleurie (Vosges), qui est un succès éditorial avec ses 7 rééditions. En 1885, les deux amis se brouillent au sujet de la paternité de l’œuvre de Xavier Thiriat, Jouve déclarant avoir largement corrigé et remanié le plan.

Outre ce travail d’historien, Louis Jouve compose des poèmes et des opérettes. Ses écrits portent presque toujours sur les Vosges : Jeanne d’Arc, drame historique en 10 tableaux (1857), Au coin du feu (1880), La Bourgonce (1880) qui porte sur la défaite française lors de la bataille éponyme. Son recueil de poésies Intima-Ultima (1887) est plus personnel ; alors âgé de 73 ans, il pleure la perte de ses proches et notamment ses enfants.

Le fonds comprend des manuscrits, notes, documents et correspondance produits ou reçus par Louis Jouve dans le cadre de son activité de professeur, d’écrivain et de chercheur en histoire locale.

Louis Jouve a écrit des opérettes jamais publiées mais qui ont été jouées à Épinal sur des musiques composées par M. Tourney, professeur de violon à Épinal, chef du corps de musique de la ville et maître de chant aux écoles communales. Le fonds renferme ainsi quelques manuscrits de ces opérettes : Toinon, Scopetto… À noter la présence de quelques plans de mise en scène.

On trouve également dans ce fonds deux numéros de L’Essor, loisirs littéraires de 1834 parus chez Jouve père et dans lesquels Louis Jouve a fait paraître des poèmes de jeunesse.

Louis Jouve détenait des pièces très intéressantes de la main de son ami Xavier Thiriat. À l’été 1866, Thiriat a remis à Jouve deux copies exactes de ses manuscrits Journal d’un solitaire (1860) et Xavier à Jules ou correspondance d’un ami (1856-1858). Ce dernier correspond à des lettres que Thiriat adresse à son ami Jules Pétin.

Bibliothèque multimédia intercommunale. Épinal, Vosges 19e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie, Théâtre
Les archives du souffle poétique, Claude Vigée

Claude Vigée est un grand poète, né à Bischwiller (Bas-Rhin) en 1921. De confession juive, dès 1939 s’ouvre pour lui une vie marquée par l’exil, d’abord en « zone libre », à Toulouse, puis aux Etats-Unis. Titulaire d’un doctorat de lettres, il devient professeur d’université dans l’Ohio puis à Boston (Brandeis). Il y enseigne la littérature française et s’implique dans la critique littéraire et la poétique. Nommé professeur à l’université de Jérusalem, il se partage entre Israël et Paris, sans jamais oublier l’Alsace.           
Il travaille sa langue natale, le dialecte alsacien, tout en utilisant évidemment le français, mais aussi l’allemand, l’anglais, l’hébreu et le judéo-alsacien. Il mène aussi une activité de traducteur et de médiateur, d’adaptateur. Son pseudonyme (son vrai patronyme est Strauss) signifie « la vie j’ai », et fait référence à tous ceux qui sont morts durant la Shoah, dont la totalité de sa propre famille. Son abondante production se centre sur la poésie avec un accent mis sur les thématiques propres au judaïsme mais vues dans une modernité lyrique et épique.             
Ses souvenirs de sa vie en Alsace sont le sujet de la saga familiale Un panier de houblon. Mais c’est avant tout par sa réflexion critique sur ce qu’est le souffle poétique, ce qui anime ses textes si spécifiques, que Claude Vigée est devenu une des figures majeures de la poésie française du 20e siècle et du début du 21e. Il est mort à Paris en 2020.

Claude Vigée a lui-même tenu à confier la conservation d’une partie de ses archives d’écrivain à la Bnu, en raison de son profond attachement à sa région natale. Il a fait don en plusieurs fois d’ensembles, souvent en lien avec ses œuvres où la région joue un rôle, mais pas seulement. Des manuscrits d’œuvres, de poèmes ou d’écrits en prose sont le cœur du fonds.    
A noter que bien souvent une version française voisine avec une version dialectale, ou d’une autre langue parmi celles qu’il pratiquait. Au centre de l’œuvre de Claude Vigée il y a en effet la transmission du souffle poétique, du sien comme de celui des autres poètes, ce qui passe par la traduction, l’adaptation, la critique dans le sens le plus élevé du terme.        
Quelques éléments de correspondance reçue, ainsi que des dossiers sur les nombreux articles écrits par l’auteur, des discours prononcés, des entretiens ou des travaux à caractère universitaires composent ce fonds. Outre le fonds proprement dit, la Bnu possède aussi bien d’autres manuscrits de l’auteur, car celui-ci était en contact avec des personnalités alsaciennes comme Camille Claus, ou était présent lors de nombreuses manifestations littéraires ou poétiques en Alsace dont la bibliothèque garde les traces et les archives. La Bnu abrite également les archives de la revue Peut-être, organe de l’Association des amis de l’œuvre de Claude Vigée.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 20e-21e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
Michel Louyot, un grand connaisseur de l’Est

Michel Louyot est né à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle) en 1938. D’abord professeur de lettres en Moselle, il continue sa carrière en tant que lecteur, attaché culturel et conseiller culturel à l’étranger. Ses œuvres sont en grande partie des témoignages littéraires sur ses voyages et sur ses rencontres en Europe centrale et orientale (URSS, Tchécoslovaquie, Roumanie) et jusqu’en Extrême Orient (Corée, Japon). 
Il vit actuellement à Strasbourg. Son ancrage dans le Grand-Est est source de recherches, souvent intimistes et personnelles, dans le vécu culturel d’individus qui ont été confrontés à l’histoire de ces régions. Une part importante de son écriture concerne l’Europe de l’Est telle que définie à l’époque du rideau de fer, où il a longuement séjourné, et qu’il continue à fréquenter régulièrement, en observateur des changements et des continuités. Marches de l’Est ou marges de l’Europe, régions de l’entre-deux qui sont décidément nombreuses, ces terroirs particuliers trouvent des correspondances, des connivences, des échos en d’autres lieux, d’autres temps et d’autres histoires régionales, au loin, vers l’Orient proche ou lointain.                
Michel Louyot tient à nous communiquer par ses écrits le souffle de l’Histoire que l’on peut sentir nous frôler en certains endroits de la planète, lorsque le vécu individuel croise la vie collective pour le meilleur ou pour le pire.

Données par l’auteur depuis 2015, les versements de ses archives se succèdent année après année. La consultation de ces archives est soumise à l’autorisation de Michel Louyot. Il convient de prendre contact avec le conservateur de la Bnu en charge des collections de manuscrits, afin d’y accéder. Par ailleurs, l’auteur est disposé à apporter sa contribution à la compréhension de ce fonds d’archives et de sa démarche à toute personne intéressée.      
Le fonds consiste en dossiers sur chaque œuvre de l’auteur, comportant manuscrits, dactylographies, maquettes, mais aussi traces de sa réception : comptes-rendus, études critiques ou essais de traductions, courriers reçus de la part de lecteurs. L’activité de conférencier de Michel Louyot constitue une partie importante du fonds. A terme un grand nombre de documents audio-visuels ou sonores seront rendus accessibles. La Bnu possède également tous les ouvrages édités de Michel Louyot.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 20e-21e siècle
Argumentatif, Narratif
Jean-Paul de Dadelsen, le poète de l’Alsace

Jean Paul de Dadelsen est un poète né en 1913 à Strasbourg, qui fait alors partie de l’Empire allemand, et mort en 1957 à Zurich. Cet auteur revêt plusieurs rôles, dont ceux de traducteur et de journaliste.

Les treize premières années de sa vie prennent place à Muttersholtz (Bas-Rhin), un village proche de Sélestat. Plus tard, il étudie la philosophie au collège J.J. Henner d’Altkirch (Haut-Rhin). Ce changement le conduit à rencontrer plusieurs écrivains, tel que le célèbre dramaturge alsacien Nathan Katz, pour lequel il sera amené à traduire des poèmes en français. Il poursuit ses études à Paris, où son chemin croise celui de Léopold Sédar Senghor, de Georges Pompidou, et du peintre alsacien Robert Breitwieser auprès duquel il prend des cours de dessins sous les conseils de son ami Nathan Katz.

En 1936, Jean Paul de Dadelsen est reçu premier à l’agrégation d’allemand. Il devient professeur au lycée Saint-Charles à Marseille. A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, sa vie prend un tout autre tournant. Il est mobilisé comme interprète, puis entre dans une unité de char. La fin de la guerre lui permet d’enseigner de nouveau, à Oran, où il se lie d’amitié avec l’écrivain Albert Camus. Ses pas le guident ensuite à Londres, où il exerce le métier de journaliste pour lequel il voyage beaucoup. Il s’installe ensuite à Genève, où il travaille au Centre européen de la culture. Il échange alors avec Denis de Rougement et Jean Monnet. Sa dernière destination n’est autre que Zurich, où il exerce le rôle de directeur adjoint à l’Institut International de la Presse.

Jean Paul Dadelsen, qualifié de « plus grand poète alsacien d’expression française », ne publie pourtant qu’un seul et unique poème de son vivant. Bach en automne, écrit à ses trente-neuf ans, est publié par son ami Albert Camus dans les pages de la NRF (Nouvelle Revue Française). La publication de la majeure partie de son œuvre est posthume. Il faut en effet attendre 1962 pour voir paraître son premier recueil chez Gallimard. Nous découvrons dans son œuvre la marque laissée par les paysages de l’Alsace et de la région du Sundgau. La postérité le décrit comme « une manifestation fulgurante du génie alsacien ».

Le fonds Jean Paul de Dadelsen est issu d’un don soumis par Mme Dorette Kippelen de Guebwiller en janvier 2013. Si ce fonds n’est à ce jour signalé dans aucun catalogue en ligne et n’a pas encore fait l’objet d’un travail de numérisation, la Bibliothèque des Dominicains dispose néanmoins d’un inventaire papier dans lequel sont recensées ces différentes pièces manuscrites, qui sont majoritairement de la correspondance.

Le fonds Jean Paul de Dadelsen comprend de prime abord deux diplômes obtenus par l’auteur. Le premier est un certificat d’admission au baccalauréat obtenu à Strasbourg en avril 1929, suite à ses études en philosophie au collège J.J. Henner. Le second est un baccalauréat de l’enseignement secondaire obtenu à Paris en septembre 1931, venant mettre un terme à ses études au lycée Louis-le-Grand où il a fait la rencontre de Léopold Sédar Senghor ainsi que de Georges Pompidou.

La majeure partie du fonds est de la correspondance passive. Il s’agit en effet d’un ensemble de lettres adressées à Jean-Paul de Dadelsen par son éditeur André, et ce avant la Seconde Guerre mondiale. La correspondance date des années 1936 à 1938, et se révèle tant professionnelle qu’amicale. Les lettres sont écrites en français ou en allemand, et se révèlent être tant tapuscrites que manuscrites. Nous retrouvons également des cartes postales au ton plus informel.

Bibliothèque municipale. Colmar, Haut-Rhin 20e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie
Survivant d’une catastrophe linguistique, Conrad Winter et l’engagement pour le dialecte

Conrad Winter est né à Strasbourg en 1931. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, dramatique pour ce jeune enfant, il est confronté à la mutation linguistique imposée par l’histoire : en classe de 4ème il doit passer à la langue française. La lutte entre le poète et le langage est pour lui comme pour tout poète un combat difficile.
Conrad Winter, après quelques hésitations, mène une carrière d’enseignant à Haguenau après des études de philologie romane. Il commence par écrire de la poésie en français. Lorsque mai 1968 survient les modèles culturels imposés sont contestés. Il part alors à la recherche d’une adéquation entre la personne qu’il est et son langage. Dédaignant la poésie dialectale de caractère folklorique, il milite pour une « prise de parole » écologique et enracinée en terre transfrontalière assumée, refusant le grand refoulement de l’allemand. A partir de 1972 il écrit aussi en alsacien, et ses poèmes dialectaux sont introduits dans un manuel d’allemand. Il s’implique dans la création de l’enseignement des « langues et cultures régionales » en Alsace, après l’alternance politique de 1981. 
Installé à Durningen, dans l’Alsace bossue, il poursuit sa création en utilisant trois langues, toutes trois les siennes, le français, le dialecte et l’allemand. Il cherche une libération intérieure, au-delà de la révolte, en cherchant son « idiome des profondeurs », quel qu’il soit. Souvent ludique, jouant à des jeux surréalistes, sa poésie recherche un bilinguisme heureux, en passant outre la grande catastrophe linguistique personnelle et les refoulements imposés. Il meurt à Strasbourg en 2007.

Les documents qui constituent les archives de Conrad Winter sont entrés de manière dispersée à la bibliothèque et sont donc répartis dans les fonds manuscrits selon l’époque de leur arrivée. Dès 1978, l’auteur a fait don de certains manuscrits. Les trois principaux ensembles ont été donnés par l’auteur en 1995 et forment l’essentiel du fonds. Cependant d’autres ensembles ont rejoint ces éléments, en particulier deux dons importants faits par Jean-Paul Klee, en 1980 et en 2007. 
On trouve à la Bnu des manuscrits et dactylographies des recueils de poèmes ou de pièces poétiques isolées. La réception de son œuvre y est traçable grâce à de nombreux articles de journaux et de revues. Ses propres recherches sur les poètes alsaciens y sont également présentes. Les fonds Georges Zink et Jean Egen contiennent aussi des éléments intéressants sur Conrad Winter.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 20e-21e siècle
Argumentatif, Poésie
André Velter, poète, essayiste, homme de radio et d’altitude

André Velter est né à Signy-l’Abbaye dans les Ardennes le 1er février 1945, par temps de verglas et de neige. Les routes étant coupées, c’est la coiffeuse du village qui, auprès de sa mère, fait office de sage-femme. Son père est instituteur, son grand-père paternel chaudronnier sur cuivre, son grand-père maternel cheminot. Enfance et adolescence de semi-nomade, avec quartiers d’automne et d’hiver au village, quartiers de printemps et d’été en lisière d’une immense forêt, à La Vénerie, un ancien pavillon de chasse à courre transformé en école de plein air et en colonie de vacances.
Études primaires à la Communale (avec Monsieur Grégoire, grand blessé de guerre, qui lui apprend à lire et à écrire, et qui devient pour lui un exemple absolu). Études secondaires au Collège de Signy (avec Monsieur Minot comme professeur de français), puis au Lycée Chanzy de Charleville. Hypokhâgne au Lycée Jean Jaurès de Reims (avec Nicole Ponomareff comme professeur de philosophie).
En 1963, à peine arrivé à Paris, il rencontre Serge Sautreau à la Sorbonne. C’est le début d’une indéfectible amitié et d’une écriture commune saluée d’emblée par Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, avec publications dans Les Temps modernes, avant l’édition chez Gallimard en 1966, de Aisha, dont Alain Jouffroy affirme dans sa préface qu’il s’agit de « l’un des rares événements de la poésie écrite en langue française depuis 1945. »
Pendant une dizaine d’années, il publie, seul ou avec Serge Sautreau, chez Fata Morgana, Seghers, Christian Bourgois, avant que de longs séjours en Afghanistan et dans l’Himalaya n’influent de façon décisive sur sa vie et son écriture. La découverte de l’univers tibétain en compagnie de Marie-José Lamothe, qui a entrepris la traduction des Œuvres complètes de l’ermite-poète Milarépa, inspire son recueil Le Haut-Pays, une série d’émissions sur France Culture : Tibet 87, renaissance ou illusion, deux albums : Peuples du Toit du Monde et Ladakh-Himalaya, et un récit : Le babil des dieux, oracles et chamans du Ladakh.
Tout en produisant sur France Culture les séquences de Poésie sur Parole (de 1987 à 2008, en partie avec Jean-Baptiste Para) et les soirées-spectacles réalisées avec Claude Guerre (Les Poétiques, Orphée-Studio, Les meetings poétiques, etc), il ne renonce pas à ses voyages au long cours en Inde, au Tibet et dans tout l’Orient, ce dont témoignent l’ensemble de ses livres de poésie, les chroniques qu’ils donnent dans Le Monde, autant que la revue Caravanes qu’il dirige avec Jean-Pierre Sicre aux éditions Phébus.
Concevant la poésie comme l’accès privilégié à la « vraie vie » entrevue par Rimbaud, il multiplie les complicités et les confrontations avec les autres arts. Plus de cent cinquante livres illustrés par des photographes : Jean Marquis, Gérard Rondeau, Marc Riboud, Marie-Laure de Decker, Marie-José Lamothe, Sabrina et Roland Michaud, Alain Buu, Olivier Dassault, Olivier Deck ; par des peintres : Paul Rebeyrolle, Abidine, Ramon Alejandro, Babou, Alain Bar, Lise-Marie Brochen, Dado, Bertrand Dorny, Alexandre Galperine, Marc Gérenton, Francis Herth, Himat, Ji Dahai, Marie-Dominique Kessler, Valentina La Rocca, Bernard Moninot, Jacques Monory, Antonio Saura, Antonio Segui, Vladimir Velickovic, Youl, Zao Wou-Ki et surtout, comme « allié substantiel » : Ernest Pignon-Ernest. De nombreux récitals et une douzaine de CD enregistrés avec comédiens (Bernard-Pierre Donnadieu, François Chaumette, Jean Négroni, Jean-Luc Debattice, Ghaouti Faraoun, Alain Carré, Agnès Sourdillon, Laurent Terzieff, Thibault de Montalembert, François Marthouret), musiciens (Jean Schwarz, Philippe Leygnac, Pedro Soler, Renaud Garcia-Fons, François-René Duchâble, Igal Shamir, Assi Guivati, Idan Carméli, Ensemble Alla Francesca, Jayalakshami Sekhar, Slamet Abdul Sjukur, Louis Sclavis, Pascal Bolbach, Gaspar Claus, Quatuor Akilone), chanteurs (Beñat Achiary, Élise Caron, Tenzin Gönpo, Jean-Luc Debattice, Olivier Deck). Un compagnonnage cavalier avec Bartabas, qui se révèle dans les livrets consacrés aux spectacles du Théâtre équestre et dans les éditions revues et augmentées de Zingaro suite équestre, avec des dessins d’Ernest Pignon-Ernest.
Le printemps 1998 qui, en moins de deux mois, voit la disparition de Marie-José Lamothe et de Chantal Mauduit, est le plus sombre de son existence. Les textes qui s’écrivent alors s’apparentent à des écrits de survie : Femme de Lumière, Marie-José Lamothe sur les chemins du Tibet (recueil d’hommages) et L’amour extrême, poèmes pour Chantal Mauduit.
L’idée, odieusement confortable, de « faire son deuil » le révolte profondément, mais il trouve la force de poursuivre, voire d’amplifier ses activités. Il donne des récitals dans le monde arabe (avec Adonis et Mahmoud Darwich), en Israël, en Malaisie, au Canada, en Indonésie, au Vietnam, au Mexique, en Inde, en Chine… Il devient responsable de la collection de poche Poésie/Gallimard, qu’il dirigera de 1998 à 2017, d’abord aux côtés de Catherine Fotiadi, puis d’Alice Nez. Il crée, avec Jack Lang et Emmanuel Hoog, Le Printemps des Poètes, en 1999. À Reims, il participe à la programmation du festival À scène ouverte, avec Emmanuel Demarcy-Mota. À la Maison de la Poésie de Paris, il organise en 2010 un hommage à Serge Sautreau, peu après sa mort, puis des soirées consacrées à ses amis François Cheng, Adonis et Juan Gelman.
En 2013, il publie Prendre feu, avec Zéno Bianu, un manifeste écrit à deux mais qui, parlant d’une seule voix, renouvelle l’expérience initiale des années soixante, et garde intacte la volonté de changer et d’enchanter le monde.
Ses poèmes sont traduits dans une trentaine de langues. Il a reçu de nombreux prix littéraires dont le « Mallarmé » en 1990 pour L’Arbre-Seul (« le livre le plus tonique depuis Alcools d’Apollinaire », selon Alain Borer), le « Louise Labé » pour Du Gange à Zanzibar en 1993, le Goncourt/Poésie en 1996 pour l’ensemble de son œuvre et le « Guillaume Apollinaire » pour Séduire l’univers en 2021.
Son œuvre de poète, d’essayiste, de chroniqueur, d’homme de radio, de voyageur, toute d’énergie et d’engagement existentiel, se veut à des années-lumière du désenchantement ambiant. Vouée au souffle, au chant, à l’altitude, à la révolte, à l’amour sauvage, à la jubilation physique et mentale, elle a fait du « principe de plaisir » le vecteur d’une résistance farouche à toutes les formes d’obscurantisme, d’aliénation, de renoncement, de mortification, le destin ayant ici partie liée au désir, jamais à la précaution.  
(Voir le site de l’auteur https://andrevelter.fr)

Constitué à l’origine grâce aux acquisitions de la bibliothèque – cette dernière cherchant à rassembler de la manière la plus exhaustive qui soit les œuvres des écrivains natifs des Ardennes- le fonds Velter a véritablement pris une autre dimension le jour où André Velter lui-même y a effectué le dépôt de ses archives. Ce dépôt fut officialisé par convention en 1993. Le 13 octobre 2008, à l’occasion de l’inauguration de la médiathèque Voyelles, André Velter est devenu, en compagnie de Guy Goffette, Franz Bartelt et Yanny Hureaux, parrain du nouvel établissement.
Le fonds regroupe plus de 3000 pièces diverses : les manuscrits du poète, les éditions de ses textes, des livres, des articles parus en revue, des contributions de l’écrivain à des ouvrages collectifs, des affiches, des prospectus, des enregistrements. On compte aussi plus de 4000 lettres reçues de divers écrivains. En effet, André Velter a correspondu avec René Char, Yves Bonnefoy, Philippe Jaccottet, Michel Butor, Alain Jouffroy, Bernard Noël, Zéno Bianu, Michel Houellebecq, Christian Bobin, François Cheng et de nombreuses autres personnalités. Il reste en relation avec les grands poètes de ce monde, notamment avec Adonis. Le fonds des archives à la bibliothèque de Charleville-Mézières est ouvert et il peut régulièrement être enrichi de nouveaux dépôts de documents. Les manuscrits et documents d’archive divers font l’objet d’un inventaire séparé. Outre l’intérêt que présente ce fonds pour l’étude de l’œuvre d’André Velter, beaucoup d’éléments qui le composent offrent une approche incomparable de la vie de la poésie, de sa vivacité et de sa diversité depuis le début des années 1960.
Deux expositions présentées à la bibliothèque de Charleville-Mézières ont permis de mettre en valeur le fonds André Velter en 1998 « André Velter, dans la lumière et dans la force » et « Dans la force et la lumière » en 2018.

Médiathèque Voyelles. Charleville-Mézières, Ardennes 20e-21e siècle
Argumentatif, Poésie
La vie d’un poète d’aujourd’hui, Laurent Bayart

Laurent Bayart est né en 1957 à Strasbourg et réside actuellement dans sa banlieue nord, à Mundolsheim (Bas-Rhin), où il coule des jours paisibles. Il poursuit sa création littéraire entamée en 1975, et depuis près de 50 ans il écrit parce qu’il aime partager avec les autres sa passion des mots, de l’expression, et sa fantaisie verbale. Sa veine est le vécu du quotidien, les tournées à vélo autour de la ville, la vie des petits animaux de compagnie, celle des jardins grands et petits. Partout il cherche ce qui dans les formes des mots ou les formulations des phrases peut surprendre et révéler un quelque chose qu’il faut savoir voir et dire. 
Cette production continue, il la met en valeur de multiples façons, avec aussi, récemment des textes spirituels. Il a été éditeur un temps, renifleur de chefs d’œuvre ou preneur de risques dans le choix. Il propose des lectures, accompagné de musiciens, dans des lieux très divers, et multiplie les occasions de contacts avec le public des bibliothèques et médiathèques. Il participe volontiers aux festivals de poésie et y obtient de beaux succès. Laurent Bayart est un poète qui évolue dans le bel aujourd’hui. Il propose des mots et des phrases pour rendre compte des beautés et des étrangetés de ce quotidien. Parfois il nous emmène aussi plus loin, et sait toucher à sa façon les publics les plus variés.

Chaque année, depuis 1990, l’auteur donne à la Bnu de nouveaux documents, appartenant tant au dossier de presse qu’à l’ensemble des œuvres littéraires. Les archives en cours de constitutions sont organisées de la manière suivante : en premier lieu figure le dossier de presse de l’auteur, regroupant par années tous les documents relatifs aux activités de l’auteur. Il s’agit de lectures en public, d’animations, d’articles de presse, de cartons d’invitation et d’affichettes etc. Ces ensembles portent tous la cote MS.6.589,1 suivie d’un numéro d’ordre pour chaque dossier annuel. En second lieu, les différentes œuvres littéraires de l’auteur font l’objet d’autant de dossiers portant des cotes MS.6.589,2 et suivantes. Ces dossiers sont composés des brouillons, dactylographies corrigées, maquettes, et dossiers annexes concernant ces œuvres, que l’auteur lui-même a annexés à ces dossiers. La Bnu possède toutes les éditions d’écrits de Laurent Bayart dans ses fonds documentaires. Plusieurs périodiques auxquels participe fréquemment l’auteur entrent aussi grâce à lui dans nos fonds, comme la revue Florilège. Certaines œuvres ont fait l’objet de traductions en roumain, et on trouvera aussi ces éléments dans le fonds. Enfin des échanges avec des collègues poètes ou écrivains, des dossiers d’œuvres écrites à quatre mains, ou de collaborations avec d’autres artistes, enrichissent cet ensemble. Il y a aussi tous les numéros de la revue l’Encrier qu’il a publiée de 1985 à 1997.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 20e-21e siècle
Argumentatif, Narratif, Poésie, Théâtre
Fonds et collection Arthur de Gobineau

Arthur de Gobineau (1816-1882) est un écrivain et penseur français, mais aussi un diplomate et un homme politique. Né à Ville-d’Avray, il est mort à Turin. On retient surtout actuellement dans son œuvre l’Essai sur l’inégalité des races humaines, qui lui donne mauvaise presse, en cela qu’on y trouve les sources du racisme moderne, et notamment l’idée de la race arienne. Mais cette facette du personnage ne devrait pas cacher toutes les autres qui en font un personnage riche et intéressant, à plus d’un titre.
Sa production littéraire est marquée par le romantisme, qui trouve ses sources dans l’imaginaire médiéval et dans le cours de l’histoire que la Révolution française vient pour certains de briser, créant nettement un avant et un après. Arthur Gobineau inscrit jusqu’à sa propre personne dans une saga des origines, montrant ainsi son inquiétude biographique et son angoisse des destinées ; son chef d’œuvre Les Pléiades en est un témoignage.
Sa carrière de diplomate débutée en 1849 l’envoie en Suisse, en Allemagne, en Perse, en Grèce, au Brésil et en Suède jusqu’à sa retraite en 1876. Il y côtoie des personnages hauts en couleurs, mais aussi des dangers et des découvertes. Loin d’être indifférent aux territoires qu’il parcourt, il s’imprègne de leurs cultures et prend le temps de chercher à en pénétrer les mystères. Il produit notamment un récit de voyage remarquable comme ses Trois ans en Asie et de très belles Nouvelles asiatiques.
Doué d’une sensibilité certaine, il exerce l’art de la sculpture et du modelage, entre autres modes d’expression. Sa vie personnelle est surtout marquée par la rupture avec son épouse et sa famille, et son amitié amoureuse avec la Comtesse Mathilde de La Tour. Gobineau est un personnage de l’histoire intellectuelle française, mais aussi européenne et même au-delà, qu’il serait dommage de négliger. Son dilettantisme passionné et son implication dans le monde d’alors valent la peine de quelques lectures.

C’est par l’intermédiaire de Mathilde de La Tour que le fonds des manuscrits, mais aussi une part importante des objets, meubles et œuvres d’art de Gobineau transitent vers un savant allemand : Ludwig Schemann, de Fribourg-en-Brisgau, traducteur et admirateur de l’auteur et président d’une Société des amis de l’écrivain, la Gobineau-Vereinigung. Ce fonds est acheté en 1903 par la Bibliothèque impériale du Land et de l’université de Strasbourg, ancêtre de la Bnu. Un cabinet Gobineau y est monté, sorte de petit musée. Celui-ci était visible jusqu’à très récemment à la Bnu, ayant tout de même connu plusieurs péripéties au 20e et 21e siècles.
Le fonds est composé d’abord par les manuscrits des œuvres de Gobineau, au complet. Puis on y trouve la documentation qu’il s’est constituée en vue de différents essais ou ouvrages scientifiques, de valeurs contrastées pour les yeux contemporains. Les riches correspondances qu’il a entretenues avec des personnages assez divers, parfois sur des sujets géopolitiques, ou autres, sont encore d’un grand intérêt pour la recherche actuelle. Les documents autobiographiques, généalogiques, familiaux, sont également nombreux.
La Bnu possède aussi la bibliothèque d’A. de Gobineau, qu’elle conserve parmi ses imprimés, sous une cote spécifique. Et elle possède enfin un grand nombre d’objets lui ayant appartenu, de natures très diverses, que l’on pourrait classer en quelques séries distinctes : les œuvres de Gobineau : sculptures et modelages (c’était son hobby), peintures et dessins ; des meubles peu nombreux mais significatifs car orientaux ou « orientalistes » ; des objets orientaux ou occidentaux d’un grand intérêt et pour finir des tableaux liés à sa légation (mission) en Perse.
Gobineau n’a aucun lien avec le « Grand Est », si ce n’est par la présence de ce fonds à Strasbourg. Mais il serait injuste de passer cet auteur sous silence, parce que la Bnu fut un temps un centre des « études gobiniennes », avec la présence à l’université de Jean Gaulmier, son éditeur dans la bibliothèque de la Pléiade, et par l’engagement de certains bibliothécaires pour ce fonds. Il compte, qu’on le veuille ou non, parmi les fonds littéraires les plus importants de la bibliothèque et continue à attirer des chercheurs d’horizons très divers.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 19e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif
Paule Régnier, célébrité oubliée

Que sait-on aujourd’hui de Paule Régnier ? Femme de lettres de l’entre-deux-guerres, effacée par la postérité derrière la figure du poète Paul Drouot, et dont les romans cessent d’être réédités du vivant de l’autrice. Tableau guère flatteur que dément son fonds aux archives denses — et notamment son journal intime — qui retrace une vie marquée par la douleur tant physique que morale et la quête obstinée d’un apaisement. Ses archives réévaluent nos connaissances sur cette autrice.
Née en 1888 d’un père carolo (Charleville) et d’une mère macérienne (Mézières), Paule Régnier n’a vécu que ponctuellement à Charleville. Son père, Paul Régnier, capitaine d’artillerie, déménage fréquemment avec sa famille au gré des mutations. Très jeune, pendant ses années à Versailles, Paule Régnier est entraînée par ses deux grandes sœurs dans le monde des lettres : elle lit beaucoup, écrit quelques vers, invente de multiples histoires et commence à tenir son journal intime dès l’âge de huit ans, en 1896.
Vers 1909, Paule Régnier fait une rencontre littéraire décisive en se liant d’amitié avec le poète Paul Drouot, dont elle tombe amoureuse. Ils échangent régulièrement sur les œuvres qu’ils lisent et écrivent, et Paul soutient la publication de son premier roman en 1915, Octave, qui ne connaît qu’un faible succès, l’éditeur faisant faillite au moment de la sortie du roman. Pendant la Première Guerre mondiale, Paul Drouot, qui est tué au front à Aix-Noulette en juin 1915, reste jusqu’à la mort de la diariste un de ses interlocuteurs principaux dans son journal intime.
Entre 1915 et 1935, la carrière littéraire de Paule Régnier s’installe. Cependant, même si elle reçoit d’autres prix littéraires, comme le Grand prix du roman de l’Académie française pour L’Abbaye d’Évolayne en avril 1934, elle continue d’enchaîner les problèmes de publication : ses romans sont fréquemment refusés par Plon et Fayard, elle peine à publier en feuilleton, ses publications en revue ne lui valent pas une grande rentrée d’argent, et ses romans ne se vendent pas, ou peu. Ses problèmes perdurent jusqu’en 1949, avec le refus de son roman autobiographique Fêtes et nuages. En 1950, Paule Régnier, obsédée par le suicide depuis l’adolescence, redoute de vieillir, de voir ses derniers proches mourir, de connaître une nouvelle guerre ; elle se suicide le 1er décembre 1950 après avoir écrit le mot « Fin — » dans son dernier cahier, la veille.
Son journal, plus que d’être un témoin historique de la fin du 19e au milieu du 20e siècle, est celui d’une femme de lettres et d’une plume qui s’affine avec le temps : elle s’essaie stylistiquement en narrant son quotidien, puis remanie des passages de son propre journal pour ses romans. Cette dimension littéraire, tant par ce journal intime que les nombreuses épreuves de romans, s’exprime à travers le fonds Paule Régnier.

Les archives de la romancière Paule Régnier ont été données à la Bibliothèque de Charleville par sa sœur Yvonne Clouzot en plusieurs versements après sa mort. Un inventaire rapide dressé en 1967 ainsi que des courriers d’Yvonne Clouzot et de sa fille Marianne Clouzot adressés à Stéphane Taute, le bibliothécaire de Charleville, permettent de connaître l’histoire de ce don.
En plusieurs dons entre 1955 et septembre 1957, Yvonne Clouzot a déposé les manuscrits autographes de 6 romans de Paule Régnier et une pièce de théâtre inédite. Une exposition a été présentée au musée municipal du 27 septembre au 13 octobre 1957. Yvonne Clouzot puis sa fille Marianne Clouzot correspondent avec le bibliothécaire de Charleville, Stéphane Taute entre 1955 et 1978.
Ce don est constitué de manuscrits, d’articles publiés dans des revues et d’articles en préparation ou inédits, de notes, de correspondances et de son journal intime.
Un texte « Sarah Bernhadt et les jeunes filles » est consacré à l’artiste que Paule Régnier a côtoyée pendant une période. Cinq portraits photographiques de Sarah Bernhardt dont trois du studio Nadar sont joints à ce manuscrit.
Le journal se présente sous forme de 9 cahiers autographes, rédigés entre 1909 et 1950, et une version tapuscrite. Les cahiers antérieurs à 1909 n’ont pas été conservés. Les 19 premiers cahiers ont vraisemblablement été détruits. Deux cahiers ont été dactylographiés. Le journal de Paule Régnier a été publié en 1953 et une édition critique du Cahier 24 (1915-1935) a été établie en 2023. Voir le projet Ego corpus : https://ecrisoi.univ-rouen.fr/ego-corpus/journal-de-paule-regnier
Les archives de Paule Régnier données par Yvonne Clouzot comprennent aussi des archives relatives au poète Paul Drouot, né à Vouziers dans les Ardennes en 1866 et tué au front en 1915, qui constitue un fonds Paul Drouot distinct. Ces documents ont été donnés à Paule Régnier en 1915 ; ils étaient liés par des liens d’amitié et un amour secret. Ils ont entretenu une correspondance et plus de 70 lettres écrites par Paul Drouot ont été conservées. Le fonds contient également des travaux préparatoires de la biographie de Paul Drouot écrite par Paule Régnier et publié en 1923. Elle a également édité en 1921 Eurydice deux fois perdue, le roman inachevé de Paul Drouot avec une préface de Henri de Régnier. Le fonds contient le manuscrit de ce texte inachevé, dactylographié et remanié par Paule Régnier.
Les archives comprennent également un ensemble de coupures de presse relatives à Paule Régnier et à son œuvre pour les périodes 1913-1930, 1931-1934 et 1934-1957. Ces articles retracent la carrière de la romancière et diariste, ses succès et les critiques pas toujours bienveillantes et les articles posthumes.

Médiathèque Voyelles. Charleville-Mézières, Ardennes 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Théâtre
Alsacienne de part et d’autre du Rhin, Lina Ritter

Lina Ritter est née en 1888 à Village-Neuf, une localité située on ne peut plus près du Rhin. Cette proximité pourrait être son emblème tant ce fleuve, avec sa capacité à séparer, à créer la peine et les tourments, les incompréhensions, mais aussi à réunir et à susciter des ponts, imprègnent l’œuvre et la vie de l’écrivain. Après des études à Mulhouse et à Bâle (philosophie, histoire de l’art et littérature), elle se fait connaître dès l’âge de 23 ans par des pièces de théâtre en allemand et en dialecte, consacrées à des grands thèmes historiques alsaciens, sundgoviens et suisses-alémaniques. Mariée à un avocat allemand, le Dr Paul Potyka, elle doit quitter l’Alsace après 1918, expulsée de sa terre natale ! Elle vit dans le Pays de Bade jusqu’à sa mort à Fribourg-en-Brisgau en 1981. Son œuvre est abondante et touche à un grand nombre de genres littéraires, et ne quitte presque jamais le dialecte alsacien et la langue allemande. Après la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte peu favorable, elle retrouve un certain succès en Alsace d’une part avec des chroniques et pièces radiophoniques diffusées sur Radio Strasbourg, et d’autre part par son spectacle consacré à la patronne de l’Alsace, Sainte Odile.

Le fonds a été donné à la Bnu par les trois petits enfants de Lina Ritter en 2019. Il n’a pas encore été catalogué et aucun instrument de recherche n’existe à ce stade. Cependant le traitement de l’ensemble est programmé pour 2024. On sait que ce fonds représente une dizaine de mètres linéaires, ce qui est beaucoup et qui correspond à l’ampleur de la production de l’auteur, et contient un grand nombre de documents inédits. Les manuscrits et dactylographies de ses œuvres y sont au complet. Des informations personnelles sur sa famille, son mari, ses voyages ou simplement sur elle-même s’y rencontrent. Des œuvres d’autres auteurs sous forme de manuscrits ou de dactylographies s’y trouvent aussi. Et surtout un grand nombre de textes restés inédits. Enfin, signalons des éléments sur le dialecte en lui-même, recueillis par l’auteur. La famille a aussi donné nombre de documents imprimés ayant appartenu à Lina Ritter et qui ont été répartis dans les fonds documentaires de la Bnu.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 19e-20e siècle
Narratif, Poésie, Théâtre
Corréard le touche-à-tout

Eugène Corréard est né à Haguenau (Bas-Rhin). Fils du général d’Empire Frédéric Corréard (1789-1869), il fait une carrière de sous-préfet dans différentes villes de France à l’ouest des Vosges. La guerre de 1870 l’interrompt dans sa lancée : il opte pour la nationalité française mais retourne dans Haguenau alors allemande pour des raisons personnelles.

Tout juste marié, retiré dans son domaine du Neunreuterhof, il consacre alors son temps à une abondante production littéraire. Il écrit des nouvelles et des romans, des fables et des contes, des pièces de théâtre et des poèmes dont certains seront publiés au début des années 1890. Il reçoit ainsi la Médaille d’or de la Société d’encouragement au bien en 1895.

Parallèlement, Eugène Corréard peint et dessine des paysages locaux. Il créé également de nombreuses pièces musicales : au piano, avec chant et jusqu’à de complets vaudevilles endiablés.

Eugène Corréard mêle à ses œuvres des sujets romantiques et ancrés dans son époque à des thèmes plus proches du folklore, sans jamais manquer d’humour. Il publie ainsi des sonnets culinaires sur la choucroute ou la bisque d’écrevisse et créé des mélodies bigarrées. Il utilise alors deux pseudonymes, Eugène Dalzac pour ses écrits (en référence à Balzac et aux compositeurs de vaudeville contemporains qui s’appelaient presque tous Eugène) et Frédéric Korr pour la musique (jeu entre son nom de famille et Chopin).

Il décède dans sa ville natale en 1906.

Les papiers d’Eugène Corréard regroupent 40 ensembles manuscrits, pour majorité des feuilles volantes de nature hétéroclites. S’y trouvent des brouillons de ses quelques œuvres publiées, majoritairement des poèmes, mais la majorité est constituée de productions inédites. De grands ensembles se distinguent : 14 vaudevilles et opéra-comique, quelques volumes d’une cinquantaine de poèmes chacune, quatre volumes de partitions et une poignée de nouvelles. Le fonds comporte également la correspondance entre Corréard et sa femme Zoé Boudreaux, qui préfigure par moment ses créations poétiques. Corréard y a également laissé des cahiers de dessins ainsi que de fines silhouettes découpées. Enfin on y trouve une compilation de critiques des œuvres de Corréard par différents organes de presse, quelque fois annotées ensuite par Corréard.

Cette collection a probablement été constituée par Xavier Nessel, ancien maire de Haguenau et à l’origine du bâtiment où coexistaient Musée Historique de la ville et bibliothèque. Il s’était en effet porté acquéreur à titre personnel du domaine du Neunerteurhof, où avait vécu Corréard.

Parmi ces manuscrits se détachent Capharnaüm et Loisirs d’un solitaire (1888-1906), ensemble de poésies très variées qui montrent toutes les sources d’inspiration de Corréard et sa manière de retravailler ses poèmes. Le rendez-vous de Camembert, vaudeville en un acte par « E. Corréard, planteur de houblon » est aussi symptomatique de son humour.

Médiathèque de la Vieille Ile. Haguenau, Bas-Rhin 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie, Théâtre
Albert Cim, le bibliophile barisien

Albert-Antoine Cimochowski est né à Bar-le-Duc (Meuse) le 22 octobre 1845, d’une mère française et d’un père officier polonais réfugié en France suite à l’insurrection de 1830 contre la domination russe.
Après de brillantes études, il commence sa vie professionnelle en tant qu’employé en librairie, puis au service des Ponts-et-Chaussées, et, à partir de 1861, en tant que fonctionnaire aux Postes et Télégraphes.
Parallèlement, il débute une carrière d’écrivain et de journaliste à Paris et prend pour nom de plume Albert Cim. Ses écrits sont rapidement remarqués. Il participe notamment à la rédaction du Dictionnaire de la langue française de Littré. Il publie de nombreuses études et des articles littéraires dans des revues telles que Radical ou National ou, plus légères, comme La Gaudriole. Il publie également des ouvrages pour la jeunesse et des romans qui lui valent d’être lauréat de l’Académie française à cinq reprises.
En 1893-1894, Albert Cim se distingue en tant que conférencier, membre de la Société des Gens de Lettres, dont il est nommé deux fois vice-président. En 1896, il devient bibliothécaire au sous-secrétariat d’État des Postes et des télégraphes.
Son parcours lui vaut d’être fait Chevalier de la Légion d’Honneur et Officier de l’instruction publique.
En outre, Albert Cim se lie d’amitié avec André Theuriet avec qui il entretient une correspondance de 1879 à 1905. Ils y partagent l’amour des lettres et du pays barrois. De nombreuses dédicaces de gens de lettres, tels que Hector Malot ou Emile Zola dans les livres d’Albert Cim donnés à la médiathèque de Bar-le-Duc, témoignent des liens d’amitié entre ces illustres écrivains. Son œuvre romanesque s’inspire de sa terre natale, le pays barrois, de ses souvenirs de jeunesse, mais également de ses expériences professionnelles des milieux littéraires et administratifs. Certaines ont une portée philosophique ou sociale, souvent mêlées d’humour.
Albert Cim décède le 8 mai 1924 à Paris et est inhumé cinq jours plus tard au cimetière de Bar-le-Duc.

Le fonds Albert Cim de la Médiathèque de Bar-le-Duc s’est constitué suite à la donation des documents de la propre bibliothèque de l’auteur.
Une part de ce fonds contient les manuscrits de ses œuvres et sa correspondance avec divers gens de Lettres. 144 unités manuscrites sont ainsi référencées.
La deuxième partie de ce fonds est composée des ouvrages publiés par l’auteur. La médiathèque en possède 53 titres différents : livres de souvenirs, contes pour la jeunesse, traités techniques et documentaires sur la littérature générale, les écrivains et leurs écrits, ainsi que des romans.
Albert Cim est surnommé le « bénédictin du livre » en raison de son travail méthodique et de sa patience dans le rassemblement des informations nécessaires à ses recherches et l’écriture de son œuvre.
La troisième partie de ce fonds provient de la bibliothèque de travail et de lectures personnelles de l’auteur et représente plus de 3200 ouvrages d’auteurs antiques, classiques ou contemporains, de littérature, d’essais, d’encyclopédies et de catalogues très variés.
Certains ouvrages dédicacés sont issus de nombreux envois d’auteurs contemporains à Albert Cim. Pour les plus connus, on peut citer Théodore de Banville, Georges Courteline, Alphonse Daudet, Charles Dickens, Alexandre Dumas fils, Gustave Flaubert, les frères Goncourt, Victor Hugo, Hector Mallot, Guy de Maupassant, J.-H. Rosny aîné, Charles-Augustin Sainte-Beuve, George Sand, André Theuriet, Herbert George Wells ou Emile Zola.
Une partie des ouvrages de ce fonds est conservée avec une cordelette entourant les pages des livres, telle un scellé. Il s’agit de tous les romans d’amour ou licencieux conservés par l’auteur.
A noter que, dans la nuit du 14 au 15 juillet 2021, une inondation à la médiathèque a détruit un peu plus de 1700 ouvrages appartenant à ce fonds.

Médiathèque Jean Jeukens. Bar-le-Duc, Meuse 19e-20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif
Maurice Constantin-Weyer, l’esprit du Grand Nord

Maurice Constantin-Weyer est né en avril 1881 à Bourbonne-les-Bains en Haute-Marne, de l’union d’Amélie Bompard et d’Alphonse Constantin, journaliste et directeur du journal L’Avenir à Langres.

Issu d’une famille aisée, il intègre l’internat du Collège Stanislas à Paris en 1889, puis fréquente le petit séminaire de Langres. Arrivé à Avignon en 1895, Maurice poursuit sa scolarité au Collège Saint-Joseph et y obtient son baccalauréat en 1897. Après le décès de son père, la famille Constantin déménage à Paris. Inscrit à la Faculté des Sciences de la Sorbonne, l’étudiant y fréquente les cercles littéraires et artistiques. Toutefois, à 20 ans, il doit se rendre à Toul (Meurthe-et-Moselle) pour effectuer son service militaire, alors d’une durée de trois ans. C’est pendant cette période, en 1902, qu’il publie son premier recueil de poèmes.

A l’issue de son service, il s’embarque en juillet 1904 pour le Canada avec son ami peintre, René Devillario. Le voyage se déroule mal : Maurice contracte la fièvre typhoïde et doit subir une quarantaine à son arrivée. Il s’installe à Saint-Claude, petit village francophone de la province du Manitoba, où il est rejoint par sa famille en 1905. Il s’y essaie, en vain, à l’agriculture. Confronté à des conditions de vie difficiles et à des dettes, que la vente de terrains ne parvient pas à tarir, il finit par vivre d’expédients en devenant trappeur, bûcheron ou encore commis de magasin… En 1910, il épouse Dina Proulx, dont il a trois enfants avant de divorcer.

En 1914, il revient en France pour s’engager dans le conflit qui éclate. Il s’y distingue par sa bravoure et reçoit plusieurs distinctions honorifiques, dont la Légion d’honneur en 1918. Intégré au 58e régiment d’infanterie, il embarque en janvier 1917 pour le front d’Orient, où il est grièvement blessé. En convalescence pendant plusieurs mois à Paris, il fait la connaissance d’une infirmière, Germaine Weyer. Il l’épouse en 1920 à Vichy. De cette union naissent deux enfants.

Après la guerre et grâce à sa parfaite maîtrise de l’anglais et de l’allemand, il réalise des travaux de traduction et devient journaliste. Il dirige journal Paris-Centre à Nevers (1923), puis Le journal du centre et de l’ouest à Poitiers (1927). Il publie en parallèle plusieurs romans entre 1921 et 1927, mais c’est son roman Un homme se penche sur son passé, récompensé par le prix Goncourt en 1928, qui le fait passer à la postérité. L’immense succès commercial qui en découle (plus de 100 000 exemplaires vendus en deux mois) permet en effet à Maurice Constantin-Weyer de se consacrer exclusivement à l’écriture jusqu’à sa mort en 1964. L’œuvre de l’écrivain comporte plus de cinquante titres publiés, dont de nombreux romans qui firent son succès. Plusieurs biographies, des récits autobiographiques, ou des pièces de théâtre et des scénarios pour le cinéma, souvent inédits, complètent cette production.

Le fonds de Maurice Constantin-Weyer couvre la période des années 1920 à 1996. Représentant un volume d’environ quinze mètres linéaires, a été pris en charge par les Archives municipales de Nancy le 22 octobre 2004, grâce à un don effectué par sa fille, Françoise. En effet, cette dernière considère alors les archives de l’auteur comme un complément « naturel » au prestigieux fonds de l’Académie Goncourt, conservé à Nancy depuis 1988.

Ce fonds est constitué de trois ensembles distincts. Composé de soixante-six tableaux encadrés et de près de quatre-vingt-dix aquarelles de la main de l’écrivain, le premier d’entre-deux évoque les talents du peintre amateur qu’était Maurice Constantin-Weyer. Parmi les œuvres conservées, plusieurs productions rappellent les voyages de l’écrivain, notamment au Canada ou en Afrique du Nord.

Le second ensemble regroupe près de centre-quatre-vingt ouvrages imprimés rédigés, préfacés ou encore traduits par Maurice Constantin-Weyer, dont des rééditions parfois récentes. Des versions commercialisées en Allemagne ou dans les pays anglo-saxons sont également présentes en petit nombre. Plusieurs ouvrages semblent en outre directement issus de la bibliothèque personnelle de l’écrivain, à l’instar de l’ouvrage PC de compagnie, édité aux éditions Rieder en 1930, dont la reliure contient deux photographies inédites de Maurice Constantin-Weyer sous l’uniforme, juste avant l’embarquement du 58e régiment d’infanterie à Marseille pour le front d’Orient, en janvier 1917.

Les archives de l’écrivain constituent la partie la plus intéressante et la plus volumineuse du fonds (près de huit mètres linéaires). Si quelques documents marginaux évoquent la famille et la vie privée de l’auteur (photographies, documents militaires…), l’essentiel des archives fait naturellement écho à la carrière littéraire de Maurice Constantin-Weyer, d’abord en tant que journaliste, puis comme écrivain à succès. Le processus créatif de l’écriture est illustré par de très nombreux manuscrits et tapuscrits annotés par l’auteur dont plusieurs dizaine d’écrits demeurés inédits (nouvelles, essais, pièces de théâtre, biographies ou scénarios pour le cinéma…), souvent non terminés ou incomplets. En outre, une documentation importante permet d’évaluer la notoriété de l’auteur grâce à une correspondance abondante, dont quelques lettres de son ami l’illustrateur Gustave Blanchot, alias Gus Bofa, de nombreuses coupures de presse et catalogues d’exposition, mais aussi par des thèses sur l’auteur ou sur son œuvre (à noter : un dossier consacré au film La Loi du Nord, adapté du roman Telle qu’elle était en son vivant et réalisé par Jacques Feyder à la fin des années 1930, contient plusieurs photographies des décors et du tournage). Quelques dossiers produits par Françoise Constantin-Weyer contiennent des contrats et de la correspondance relative aux droits d’auteur associés à l’œuvre de l’écrivain.

Le fonds est communicable sur autorisation.

Archives municipales. Nancy, Meurthe-et-Moselle 19e-20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif, Théâtre
Armand Bourgeois, l’aventurier des lettres

Armand Bourgeois est né le 24 avril 1841 à Saint Martin d’Ablois (Marne).
Il est un homme de lettres, auteur de travaux littéraires et historiques, collectionneur, critique littéraire et d’art .
Rien ne prédestinait ce receveur des impôts à se tourner vers les arts et les lettres. C’est en accumulant et en collectionnant des publications littéraires qu’il se lance dans l’aventure.
Membre de la Société des gens de lettres depuis 1887, il crée l’Académie champenoise dont il sera le président durant une cinquantaine d’années. A travers cette société, il promeut sa Champagne natale et le champagne. Il organise de nombreux concours littéraires, dont le concours poétique sur le vin de Champagne. Il crée aussi une revue littéraire La revue champenoise. Il fait également partie de la Société Académique de la Marne et de l’Académie Nationale de Reims.
Curieux par nature, avec de nombreux centres d’intérêts, il est aussi l’auteur d’ouvrages sur le champagne, sur sa région natale, la Champagne et sur ses personnages célèbres. Il est également l’auteur de nombreuses pièces de théâtre.
Il ne s’enferme pas dans un style, il s’autorise toutes les formes : comédies, tragédies, vaudevilles. Quelques comédiennes sont aussi présentes dans ses écrits, comme Adrienne Lecouvreur, Mademoiselle George et Sarah Bernhardt.
Il est également critique littéraire et rédacteur en chef sous le pseudonyme d’Yves Montbernon. Il s’éteint le 26 septembre 1911, à Pierry (Marne) à l’âge de 70 ans.

Le fonds Armand Bourgeois se compose de 121 ouvrages dont 17 documents manuscrits ou recueils factices et une partition. Constitués par Armand Bourgeois à partir de ses propres publications, ces recueils comportent de nombreuses pièces : photographies, correspondances, coupures de journaux, cartes de visites, etc. Les manuscrits correspondent à des notes compilées par l’auteur, notamment pour ses pièces de théâtre, mais également des lettres ou notes manuscrites portant sur l’histoire de la Champagne et ses personnages célèbres.
La pièce la plus remarquable de ce fonds est sans doute l’ouvrage intitulé Deux salons parisiens au XVIIIe siècle. Marion de Lorme & Ninon de Lenclos. (Médiathèques d’Epernay, Ms 299). Il s’agit du tout premier exemplaire édité, ayant appartenu à Armand Bourgeois et signé de sa main. La fin de l’ouvrage est enrichie d’éléments composites tels des cartes postales, une photographie, et des lettres manuscrites adressées à l’auteur concernant cet ouvrage.
La pièce la plus étonnante de ce fonds est certainement la partition Moussette, fille du champagne (sans cote), où il se fait parolier et Octave Rigot, compose la musique. Ce fascicule est enrichi d’une dédicace de l’auteur à Mme Henri Gallice, datée au 8 octobre 1893. Henri Gallice est le directeur de la célèbre maison de champagne Perrier-Jouët de 1877 à 1928.
Au gré des manuscrits, Armand Bourgeois glisse quelques photos de famille et autres portraits, une photographie de sa maison de Pierry, ainsi que d’innombrables articles de journaux, de lettres manuscrites reçues à la suite de ses publications.

Médiathèque. Epernay, Marne 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie, Théâtre
André Fage, journaliste et homme de lettres sedanais

Poète, journaliste et homme de lettres né à Sedan le 1er novembre 1883, André Fage débute en 1901 à la Dépêche des Ardennes où il signe une série de portraits littéraires et artistiques des célébrités régionales sous la rubrique Choses et gens d’Ardenne. La même année, il remporte le premier Prix de poésie dans un concours organisé par le Soleil du Dimanche puis il collabore à de nombreux journaux ou revues ardennaises : le Courrier des Ardennes, la Revue d’Ardenne et d’Argonne, La Jeune Champagne. Une brillante carrière de journaliste s’offre alors à lui : Fage entre à L’Écho du Nord, le grand quotidien de Lille, avant de fonder, en 1909, avec Émile Lante, Le Nord Illustré puis, en 1910, La Vie Sportive.
En 1914, il lance à Paris le premier journal de réfugiés : le Journal des Réfugiés du Nord (qui paraîtra jusqu’au 1er avril 1920) et c’est au Petit Journal qu’on le retrouve après la guerre, quotidien pour lequel il réalise d’importantes enquêtes en province et à l’étranger. Au milieu des années 20, André Fage quitte le Petit Journal pour remplir les fonctions de Secrétaire Général au Réveil du Nord, le quatrième des grands journaux régionaux de France.
Dans les années 30, puis surtout après la Seconde Guerre mondiale, il est à l’Hôtel Drouot dont il devient un des chroniqueurs les plus avertis. Homme cultivé et homme de goût, il y réalise de nombreuses chroniques des ventes. Son Annuaire des Prix des Ventes publiques en France restera une référence.
Comme poète, André Fage a surtout chanté sa terre natale : on lui doit Meuse et Semoys, en 1904, et Reflets sur les bruyères, en 1907, mais l’on se ferait une idée incomplète de sa personnalité si l’on ignorait ses qualités d’anthologiste et de romancier.
Fage a en effet publié chez Delagrave, une Anthologie des Écrivains de la guerre (1922) ainsi qu’une Anthologie des conteurs d’aujourd’hui (1924). Ses principaux ouvrages sont : Lille sous la griffe allemande (1917), Les Demi-Veuves (1919), Les Grands drames passionnels et L’Armée du crime, avec Marcel Nadaud (1926), Le Collectionneur de peintures modernes (1931), Pages choisies de nos grands chefs, avec Paluel-Marmont (1931).
André Fage est mort le 20 août 1948 à Marlotte (Seine-et-Marne) où il s’était retiré.

Le fonds Fage est un fonds d’archives privées comprenant une grande diversité de documents ayant appartenu à André Fage (1883-1948), natif de Sedan, ainsi qu’une grande partie de son œuvre.
Il regroupe la correspondance privée et professionnelle de Fage, quelques photographies, des cartes de presse… et surtout, une part importante de la production de l’homme de lettres : manuscrits de romans, poésies, nouvelles, chroniques, études diverses, dessins, œuvres publiées, dédicaces…
Le fonds Fage concerne d’autres auteurs importants pour la ville de Sedan : le dessinateur et humoriste Georges Delaw (1871-1938), ami de Fage, et des célébrités locales comme Jules Dépaquit (1869-1924) ou Jean-Paul Vaillant (1897-1970).
De nombreuses lettres et de nombreux dessins de ces célébrités ardennaises enrichissent le fonds Fage qui est donc la représentation du milieu lettré et intellectuel ardennais dans la première moitié du 20e siècle.
Conserver ce fonds permet en effet, en plus d’offrir à André Fage la reconnaissance qu’il mérite, de cerner à travers lui la vie et l’œuvre d’un poète, journaliste et homme de lettres ardennais d’origine, lillois et parisien de carrière.
Les quelques 840 pièces du fonds ne manqueront pas d’intéresser tous ceux qui voudront connaître André Fage et tous ceux qui souhaiteront étudier le milieu intellectuel français qu’il représente. A travers Fage et ses amis, se présente le monde très particulier des poètes, conteurs, écrivains et dessinateurs humoristes ; à travers le journaliste, apparaît l’univers particulier de la presse et de l’édition.
Homme de lettres reconnu, André Fage nous entraîne de Sedan à Herbeumont, dans ses Ardennes natales ; de Lille à Paris ; d’un journal à un autre ; d’une guerre mondiale à l’autre…

Médiathèque Georges-Delaw. Sedan, Ardennes 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
Les archives du travail créatif et des engagements d’un écrivain strasbourgeois, Guy Heitz

Guy Heitz est né à Strasbourg le 11 avril 1932 et mort à Strasbourg également en janvier 1992. Il pratique l’écriture dès son adolescence et fait ses études secondaires au lycée Kléber, puis il étudie la mise en scène au Centre dramatique de l’Est. Il exerce ensuite le métier de journaliste à l’Agence France Presse et aux Dernières Nouvelles d’Alsace.
Son œuvre littéraire compte cinq romans, neuf recueils de poésie, des contes, des nouvelles, des fables, des scénarios et des œuvres dramatiques, et enfin un journal tenu avec beaucoup de constance de 1947 à 1991. Il publie aussi de nombreux textes dans des revues. Le fonds contient non seulement les étapes de l’écriture de ses romans ou de ses recueils, mais aussi toute une documentation relative aux activités annexes de l’auteur, bien ancré dans la vie littéraire et créative de l’après-guerre et des années 1970 et 1980.
Guy Heitz est la cheville ouvrière de la « Fête de la jeune littérature » à Strasbourg en 1973, et s’engage dans la fondation du « Conseil des écrivains d’Alsace », comité qui entend intégrer les auteurs littéraires dans les prises de décisions publiques. Les festivités du Carnaval (bien décalées et provocatrices sur des thèmes sociétaux, pour ceux qui s’en souviennent) en 1974 et 1975 lui doivent beaucoup. Passionné par le Carnaval de Bâle, il est choisi par le réalisateur Vincent Darrasse pour écrire le texte d’un documentaire sur cet extraordinaire événement annuel.

Le fonds a été donné à la Bnu en juillet 2020 par Annick Hemberger-Metzger, sa fille, qui en a également établi le premier classement. Regroupé sous la cote globale MS.7.169, il est réparti de la manière suivante : 1. Documents biographiques et activités publiques. 2. Manuscrits de romans et de récits (par ordre chronologique). 3. Théâtre, nouvelles, fables, contes, poésies et projets de téléfilms inédits (par ordre chronologique). 4. Articles de presse sur les œuvres de Guy Heitz (par ordre chronologique). 5. Ses agendas de 1944 à 1949. 6. Journaux intimes, 1947-1990. 7. Cahiers de poésie et d’écriture de jeunesse, et liste des poèmes.
L’élaboration des romans de l’auteur est le cœur du fonds et pourra susciter l’intérêt des spécialistes de génétique des textes, car tout y est, des notes préliminaires, aux brouillons manuscrits, puis aux dactylographies successives, avec leurs corrections et annotations manuscrites.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 20e siècle
Narratif, Poésie, Théâtre
Maurice Pottecher, créateur d’art populaire

Né le 19 octobre 1867 à Bussang, fils d’un industriel vosgien, Maurice Pottecher est un brillant élève du collège d’Épinal et devient bachelier à 16 ans. Le jeune homme poursuit des études en droit à Paris et obtient sa licence en 1890.

Journaliste et écrivain, chroniqueur à l’Écho de Paris, Pottecher se trouve au cœur du monde intellectuel parisien. Il développe un goût précoce pour la poésie, publie un recueil de poèmes mélancoliques, mais il est surtout tenté par l’expression théâtrale. En 1892, il fréquente Alphonse Daudet et se lie d’amitié avec de nombreux artistes dont Jules Renard, Romain Rolland, Paul Verlaine, Georges Suarès et Paul Claudel. Il rencontre Camille de Saint-Maurice, actrice réputée de la scène symboliste qui l’initie aux enjeux d’un théâtre d’art à vocation humaniste.

En 1892, à l’occasion du centenaire de la République, c’est à Bussang qu’il pense pouvoir retrouver « le peuple » et fait jouer Le médecin malgré lui de Molière, en confiant l’essentiel de la distribution à des paysans, ouvriers et habitants du village.

Dès lors, Maurice Pottecher se voue à un projet de théâtre populaire et fait construire à Bussang, une grande scène en bois dans une clairière jouxtant la demeure familiale. À 28 ans, il fonde le Théâtre du Peuple, inauguré le 1er septembre 1895. Il a pour ambition d’instruire et de distraire le public en régénérant le théâtre : il est convaincu que l’art doit rassembler tous les citoyens, au-delà de leur diversité sociale et culturelle ; il veut les réunir autour de la devise « par l’Art, pour l’Humanité » et par la nature, d’où l’ouverture du fond de scène.

En 1894, il épouse l’actrice Camille de Saint-Maurice et il crée sa première pièce écrite pour l’occasion, Le diable marchand de goutte (drame rural qui dénonce les méfaits de l’alcoolisme). Deux mille personnes de toutes conditions sociales assistent en plein air à cette unique représentation qui inaugure l’extraordinaire aventure du Théâtre du Peuple.
Après ce premier succès, Pottecher conçoit lui-même le répertoire du théâtre ; de 1895 à 1955, il écrit 31 pièces, jouées chaque été (hormis les années de guerre), rassemblant ainsi comédiens professionnels et amateurs dans ce théâtre unique en France.

Ses pièces seront jouées jusque dans les années 1970 ; dans un souci de renouveau dramaturgique, d’autres auteurs contemporains seront ensuite représentés. Pottecher est aussi l’un des premiers à réfléchir aux horaires des spectacles et à une tarification accessible pour le public le moins aisé.

En 1946, c’est Pierre Richard-Willm (comédien amateur puis professionnel à Bussang), fils spirituel de Maurice Pottecher, qui prend sa suite. Surnommé « Le Padre », Maurice s’éteint le 16 avril 1960 et repose auprès de sa femme, au fond du parc, face au théâtre qu’il a fondé.

Fort de sa longévité, le théâtre populaire de Maurice Pottecher se maintient encore au 21e siècle.

Le fonds 83 J, Théâtre du Peuple de Bussang, a été déposé par les descendants de l’écrivain en 1992-1993 et 2004. Il compte 272 articles et représente 8,40 mètres linéaires.

On compte 5 parties distinctes pour le dépôt de 1992-1993 :
La première partie est constituée de revues de presse chronologiques. Maurice Pottecher fit collecter par des agences parisiennes les articles évoquant les représentations du Théâtre du Peuple de Bussang ou traitant de manière approfondie la question du théâtre populaire. Ils témoignent de l’aura locale, nationale et internationale de son œuvre théâtrale. L’ensemble, presque complet, couvre la période 1895-1957. Les années de guerre, sauf 1917, sont absentes en raison de la fermeture du théâtre. Une telle documentation est précieuse pour étudier le théâtre populaire dans son contexte social et littéraire, ainsi que l’impact médiatique d’une telle activité puisque sont aussi conservés les textes des émissions radiodiffusées de 1937 et 1938.

La section des activités théâtrales regroupe une série malheureusement incomplète de programmes et d’affiches. Les photographies et les notes, dont certaines sont de la main de Pierre Richard-Willm, permettent de connaître réellement la mise en scène des œuvres de Maurice Pottecher, du vivant de son auteur.

La troisième partie comporte quelques pièces anecdotiques de souvenirs et de documentation, parmi lesquelles on notera en particulier le portrait de Pierre Richard-Willm.
On conserve aussi les écrits de Maurice Pottecher : classé selon leurs formes (manuscrits, tapuscrits ou imprimés), ces documents permettent une approche par genre littéraire : historiques du théâtre de Bussang, œuvres théâtrales, discours, entretiens avec des journalistes et correspondance.

Enfin, une collection de plus de 700 photographies en noir et blanc ou en couleur dont la majeure partie ont appartenu à Germaine Kiener ou Pierre Chan couvre la période 1928-1962 et les années 1980. Elle concerne d’une part l’activité théâtrale à Bussang, d’autre part la vie familiale des troupes successives.

En ce qui concerne le dépôt de 2004, on retrouve la même typologie documentaire, plus récente : des revues de presse (1962-1985), des souvenirs et de la documentation (1890-1957), la programmation des saisons (1938 à 1999) et des photographies (1875-1996). S’ajoutent des documents sur l’historique du bâtiment (1895-1968), l’administration du théâtre (1902-1995), mais aussi des archives relatives à la mise en scène (1948-1995), des partitions musicales qui accompagnent certaines pièces théâtrales (1903-1985), des documents techniques tels qu’une maquette, des projets de décors ou des tableaux de répartition des rôles (1942-1964) et une très belle collection de costumes et accessoires des pièces L’Anneau de Sakountala et L’Empereur du Soleil couchant.

Vosges. Archives départementales 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie, Théâtre
Robert Javelet, le prêtre éclectique

Robert Javelet (1914-1986), est un prêtre, théologien, historien, professeur, écrivain et journaliste.
Né à Épinal (Vosges), le 8 juillet 1914, Robert Javelet est élevé dans un esprit d’obéissance et de piété. Il milite dans des groupes de jeunesse chrétienne et y développe son sens de l’écriture en créant un feuillet périodique intitulé Le Captivant (1926-1937). Élève brillant, il obtient son certificat d’études primaires, puis intègre le petit séminaire de Mattaincourt. Il participe à de nombreux patronages et colonies de vacances. Il effectue son service militaire en 1935-1936, d’abord affecté au 155e régiment d’artillerie à pied, puis au 166e régiment d’artillerie de forteresse.

À son retour, il choisit la voie sacerdotale en intégrant le grand séminaire de Saint-Dié (Vosges) ; il est ordonné prêtre en 1938 puis nommé professeur au petit séminaire de Droiteval (Vosges). Rappelé au 166e régiment d’artillerie le 24 août 1939, l’abbé Javelet fait preuve d’une activité apostolique débordante durant la Drôle de Guerre, créant notamment un foyer catholique du soldat et un journal de régiment intitulé L’Amphibie. Il est capturé le 24 juin 1940 à La Bourgonce, comme des centaines de milliers d’autres soldats. Frappé de dysenterie, il est hospitalisé à Strasbourg, puis transféré au camp d’Oberhoffen (Bas-Rhin). Refusant son rapatriement au motif de santé fragile, il reste auprès de ses camarades de captivité pendant près de cinq ans, déployant une activité importante : il veille au ravitaillement, participe à la création d’un théâtre, célèbre des messes clandestines et prête son concours aux tentatives d’évasions.

Rendu à la vie civile en mai 1945, il devient enseignant au séminaire de Martigny-les-Bains (Vosges) jusqu’en 1947. Il reprend alors ses études en s’inscrivant à la faculté de Nancy où il obtient plusieurs licences tout en assurant la fonction d’aumônier au lycée d’Épinal. C’est à cette époque que l’abbé Javelet édite ses premiers ouvrages évoquant sa captivité et le sort des prisonniers de guerre en Allemagne. Particulièrement actif dans le milieu des anciens prisonniers de guerre, il participe également au journal Eux et Nous, et organise de nombreux pèlerinages à Lourdes. En 1959, il est nommé au CNRS et participe à de nombreux congrès et conférences de philosophie. La même année, il devient titulaire de la chaire de philosophie-théologie, obtenu à la faculté de théologie catholique de Strasbourg. Spécialiste de la littérature religieuse du XIIe siècle, il y consacre de nombreux ouvrages. L’abbé Javelet prend sa retraite de professeur en 1982.

Son œuvre est particulièrement diversifiée : poète, il compose plusieurs recueils de vers. En 1962, il fait jouer une pièce de théâtre La Dame en bleu dans laquelle sa prédilection pour le culte marial s’affirme. Historien, il rédige aussi deux remarquables ouvrages consacrés à Épinal. À la fin de sa vie, le souci pastoral domine et il crée, en 1977, le journal Horizons lorrains où il expose des convictions religieuses progressistes, puis publie plusieurs ouvrages dont Marie, la femme médiatrice et L’unique médiateur, Jésus et Marie, considéré comme son testament spirituel. Il meurt le 19 mai 1986 à Épinal, dans sa 72e année.

Le fonds 279 J de l’abbé Javelet compte 19 articles, composé essentiellement de textes spirituels et de poèmes.

Peu volumineux, le fonds entré par achat en 2009, représente 0,13 mètre linéaire mais n’en présente pas moins un réel intérêt puisque ces textes inédits permettent d’étudier la progression spirituelle de Robert Javelet – adolescent puis adulte –, ses questionnements sur le sacerdoce et la mort, par exemple.

La première partie présente ses « œuvres de jeunesse », regroupant des textes, pour la plupart inconnus, écrits par Robert Javelet entre 1929 et 1939. Elle se décompose en trois sous-parties consacrées respectivement à ses chansons, pièces de théâtres puis textes et poèmes. Ces archives ont été classées chronologiquement pour une meilleure compréhension de l’évolution de sa pensée, de sa foi et afin d’appréhender l’influence du quotidien du jeune Javelet sur son esprit et ses écrits. On distingue trois périodes distinctes : la période « scolaire » (1929-1935), celle du service militaire (1935-1937) et enfin les textes datant du temps du grand séminaire de Saint-Dié (1937-1938). Deux recueils « thématiques », consacrés à la Vierge et à Jean, complètent cet ensemble.

La seconde partie permet quant à elle d’illustrer les premières publications de l’abbé Javelet. Elle se décompose en deux sous-parties dédiées aux ouvrages Au nid la nuit, le Sourire vient d’éclore ! suivi de Le sourire… et la joie. On y trouve les manuscrits originaux et des ajouts, mais également les épreuves reçues et corrigées par l’abbé Javelet. À ceci, s’ajoute une correspondance intéressante avec Louis Bernard, illustrateur rencontré en captivité durant la Seconde Guerre mondiale, dont dix dessins originaux sont parvenus jusqu’à nous, illustrant l’ouvrage Mon curé chez les P.G. À ces manuscrits s’ajoute un exemplaire imprimé du Testament d’un grand artisan, Paul Petit, dédicacé par l’abbé Javelet.

Vosges. Archives départementales 20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Poésie, Théâtre
André Dhôtel, écrivain du merveilleux quotidien

Né à Attigny (Ardennes) le 1er septembre 1900, André Dhôtel y reste jusqu’à l’âge de 6 ans lorsque son père est nommé commissaire-priseur à Autun (Saône-et-Loire). Les souvenirs de cette époque sont retranscrits Terres de mémoire (1979) ou L’école buissonnière (1984). Il retourne voir régulièrement ses grands-parents dans les Ardennes, à Saint-Laurent. Il y explore la nature environnante et les paysages ardennais. Son œuvre littéraire est également marquée par son goût pour la nature. En 1918 il est surveillant au collège Sainte-Barbe de Paris avec le futur chansonnier Raymond Souplex et prépare une licence de philosophie. En 1921, il fonde avec Marcel Arland, rencontré lors de son service militaire, la revue Aventure. En 1924, il est nommé professeur à l’Institut supérieur d’études françaises d’Athènes. Ses quatre années en Grèce marquent son œuvre littéraire puisqu’on y retrouve des personnages grecs et des expressions hellénophiles, il écrit d’ailleurs quatre romans sur le monde hellénique. Il publie ses premiers textes poétiques à son retour en France en 1928 et son premier roman, Campements, est imprimé en 1930. Deux ans plus tard, il épouse Suzanne Laurent et leur fils François naît en 1933. En parallèle, André Dhôtel a du mal à convaincre les éditeurs entre 1930 et 1940. La dépression marque aussi cette période d’autant plus qu’il n’obtient pas les postes de professeur souhaités, à Paris ou sa banlieue.
Grâce à son ami Jean Paulhan, il publie Le village pathétique et exerce à Coulommiers en 1943. Il publie alors au rythme d’un roman par an et participe à la création de la revue 84. Il reçoit le prix Sainte-Beuve pour son roman David, paru en 1947.
En juillet-août 1947, Jean Dubuffet peint son portrait, qu’il intitule Dhôtel nuancé d’abricot. Il fait la connaissance en 1949 de Jean Follain, avec qui il restera ami jusqu’à la mort de ce dernier en 1971. Il reçoit la consécration avec le prix Femina attribué en 1955 pour Le Pays où l’on n’arrive jamais, le Grand prix de littérature pour Les Jeunes en 1960, le Grand prix de littérature de l’Académie française en 1974 pour Le Couvent des pinsons, et le Grand prix national des Lettres pour le roman Les Disparus en 1975.
Après sa retraite de l’enseignement, il va habiter à Paris et se construit une maison de vacances à Saint-Lambert-et-Mont-de-Jeux, à quelques kilomètres de sa ville natale d’Attigny. Cette dernière l’honore en 1984 du titre de citoyen d’honneur.
André Dhôtel meurt le 22 juillet 1991 dans le 15e arrondissement de Paris, un an jour pour jour après son épouse, aux côtés de laquelle il est inhumé dans le cimetière de la Ville basse de Provins.

Les archives de cet Ardennais amoureux de la nature sont entrées aux Archives départementales des Ardennes entre 2019 et 2021 grâce aux dons réalisés par son fils François Dhôtel. Le fonds comporte entre autres des notes préparatoires, des notes personnelles, des notes philosophiques, des manuscrits, des textes sur des sujets variés comme Vouziers, Rimbaud, des textes critiques, des poèmes, des correspondances. Ce fonds est conservé en sous-série 144J.
Parmi les différentes collectes de documents originaux, 39 manuscrits ont été rétrocédés par la Bibliothèque universitaire d’Angers où ils étaient jusqu’alors conservés.
André Dhôtel se qualifiait de « fainéant » car il écrivait ses romans le matin, assis dans son lit. Il écrivait à la plume, puis au stylo, bleu ou noir, sur des cahiers d’écolier, le plus souvent de 96 pages. Par exemple, pour le manuscrit du Pays où l’on n’arrive jamais, on trouve un ensemble de dix cahiers d’écolier numérotés de 1 à 10 en chiffres romains, chacun d’eux comportant aussi des numéros de pages en continu, de 1 à 448. André Dhôtel n’écrivait qu’à droite du cahier, la page de gauche étant réservée aux ajouts et corrections. Parfois, quelques indications de traits de caractère des personnages peuvent encore y être mentionnées. Une fois le manuscrit achevé, son épouse le tapait à la machine à écrire. La publication finale chez l’éditeur correspondait exactement au manuscrit original.

Archives départementales. Charleville-Mézières, Ardennes 20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
Jean Garand, revinois d’adoption

Jean Garand est né le 9 janvier 1915 à Château-Thierry (Aisne) d’une famille originaire de Carignan (Ardennes). Directeur du cours complémentaire à Carignan, instituteur à Maubert-Fontaine et à Fumay, professeur d’Histoire-géographie à Revin (Ardennes), délégué rectoral, conseiller municipal, journaliste et écrivain ardennais, Jean Garand a publié 14 ouvrages et écrit de nombreux articles dans les revues et journaux locaux. Retraité, il crée et dirige bénévolement un centre de documentation et d’archives municipales à Revin. Il est aussi conservateur de la galerie d’art permanente du parc Rocheteau à Revin. Son thème favori d’études porte sur Revin, Fumay et Fépin et il a été l’un des pionniers de l’histoire industrielle ardennaise, notamment autour de l’histoire de Jean-Nicolas Gendarme, maître des forges à Vendresse. Il a également été membre de différentes sociétés comme par exemple la Société des Ecrivains ardennais, celle des Amis du Vieux Sedan, de la Société ardennaise d’archéologie et d’histoire, de celle des vieilles maisons ardennaises. Il a été correspondant du folklore champenois et membre correspondant de l’Académie Nationale de Reims. Il a été lauréat de cette dernière (1951) et lauréat du prix Sully-Olivier de Serre et le prix littéraire Ardennes-Eifel (1974). Dans ses distinctions s’ajoutent la Médaille de bronze de l’enseignement technique, la Médaille d’argent départementale et communales. Il est aussi Chevalier des Palmes académiques et Chevalier des Arts et des Lettres.

Les documents étaient en possession de la petite-fille de l’écrivain, résidant dans l’Hérault au moment du don. Le fonds occupe 0,30 m linéaire et est conservé en sous-série 125J.
Couvrant la période 1950 à 1989, ce fonds se compose tout d’abord de papiers personnels (correspondances, C.V., extraits de textes manuscrits), de coupures de presse relatives à Revin et à d’autres communes ardennaises et à ses activités d’archiviste au sein de sa commune. L’autre partie du fonds comprends des manuscrits sur l’histoire de Revin (Révolution, politique, industries…).

Archives départementales. Charleville-Mézières, Ardennes 20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif
Jean-Paul Vaillant, écrire l’Ardenne

Écrivain né à Saulces-Monclin (Ardennes) le 29 septembre 1897, Jean-Paul Vaillant a consacré sa vie à l’écriture et à l’Ardenne, à la fois française, belge et luxembourgeoise. Il effectue sa scolarité à l’école primaire de Tagnon et de Monthois (Ardennes) où son père est instituteur. Ses études secondaires l’amenèrent au lycée Chanzy de Charleville (Ardennes) de 1908 à 1913, au lycée de Sainte-Menehould (Marne) en 1914, au lycée de Troyes (Aube) en 1915 où il passe son bac.
Il a 18 ans lorsqu’il part au front le 8 janvier 1916, il est alors mineur. Il rédige plusieurs cahiers racontant sa Grande Guerre. Il sera démobilisé sous-lieutenant le 3 novembre 1919.
Il entre dans l’administration des finances en 1921. En 1923, il publie son premier article sur Rimbaud dans le Nord-Est. Ses premiers articles littéraires sont pour Le Pampre (Revue régionale de littérature et d’art, Reims). En 1925, il rencontre Jean Rogissart et fonde la Société des Écrivains Ardennais à Charleville. Il entre aussi à la Société des Écrivains combattants. En 1926, il est membre de la Société des Gens de Lettres. Il fonde la revue La Grive en 1928 à Saulces-Monclin, et obtiendra la médaille de la langue française à ce titre en 1940. En 1929 il fonde l’association Les Amis de Rimbaud.
En 1935, il obtient le Prix de la littérature régionale décerné par la Société des Gens de Lettres.
Durant l’Occupation, son activité littéraire est en pause. Sa vie professionnelle le mène à Lille de 1941 à 1942 puis à Bar-le-Duc, de janvier 1943 à juin 1948. La parution de La Grive reprend en 1945.
En 1947, il est vice-Président de la Société des écrivains de province. Il se réinstalle à Mézières (Ardennes) l’année suivante et occupe alors le poste d’Inspecteur principal des Contributions Directes.
Il obtient le prix Georges Dupau de l’Académie française en 1951 puis celui du Congrès des écrivains de France en 1953.
Il décède le 31 mai 1970 et est inhumé à Saulces-Monclin.
Jean-Paul Vaillant était très attaché dans ses écrits à la précision du vocabulaire, à la musique des mots, à la fluidité de la phrase, à la justesse de la ponctuation.

Le fonds Vaillant conservé aux Archives départementales des Ardennes est particulièrement remarquable pour l’histoire littéraire des Ardennes au 20e siècle car, en tant que fondateur de la Société des écrivains ardennais et de la revue La Grive, Jean-Paul Vaillant entretient des relations avec de nombreux écrivains du département. Le fonds est entré par don de sa veuve, Yvette Vaillant et a fait l’objet d’un complément en 2021 par son fils, Philippe Vaillant. Le fonds comprend tout d’abord des documents relatifs à la vie privée de Jean-Paul Vaillant, à sa vie militaire, professionnelle et littéraire. On y trouve également des dossiers ayant trait à la préparation de ses publications, à ses discours, à ses émissions radiophoniques et télévisées, à la préparation de la publication de la revue La Grive, à ses relations avec des collaborateurs et à la Société des écrivains ardennais. Le fonds est aussi constitué d’une collection de dossiers biographiques (d’écrivains, tant français que belges et luxembourgeois qui ont collaboré à La Grive) et thématiques. Il est complété de pièces relatives au fonctionnement de la revue jusqu’à la fin de sa parution donné en 2021 par Philippe Vaillant, successeur à la direction de La Grive. Le fonds occupe 6,80 mètres linéaires et traite des années 1909 à 1986. Il est conservé en sous-série 4J.

Archives départementales. Charleville-Mézières, Ardennes 19e-20e siècle
Argumentatif, Narratif, Poésie
Jean Rogissart, écrivain et poète ardennais engagé

Jean Rogissart est né à Braux (Ardennes) le 28 octobre 1894. De souche ardennaise, il n’a jamais voulu quitter les Ardennes et n’a vécu en dehors qu’à trois courtes reprises : en 1912 pour entrer à l’École Normale de la Seine, en 1940-1941 pour enseigner en Vendée lors de l’occupation allemande, et en 1954 pour participer à un voyage en U.R.S.S.
Instituteur, poète et romancier, il a consacré toute son œuvre aux Ardennes. Sa carrière d’instituteur commencée à Nouzonville (Ardennes) en 1914, en pays envahi, se poursuit jusqu’à sa retraite dans les communes rurales du nord du département. Il dirige l’école des garçons tandis que son épouse enseigne à ses côtés à l’école des filles. Le compte-rendu de Marcel Dardoise, inspecteur de l’enseignement primaire, montre quelle estime lui porte l’Éducation Nationale qui lui décerne le titre d’Officier de l’enseignement public.
Très tôt, il commence à écrire : ses premiers recueils sont des plaquettes de vers. La richesse linguistique de toute son œuvre n’est pas fortuite, à en juger ses recherches sur la langue, le style ou encore le patois ardennais. En 1925, il rencontre Jean-Paul Vaillant et fait partie du cercle des membres fondateurs de la Société des Écrivains Ardennais (SEA) dont il est presque sans interruption le trésorier. Il publie dans la revue La Grive de nombreuses études et nouvelles et tient la chronique littéraire sous la rubrique « Parmi les livres ». En 1937, les Cahiers ardennais éditent son deuxième roman Mervale qui obtient le prix Renaudot, ce qui l’incite à poursuivre son œuvre romanesque. Après de patientes études préliminaires, reconnaissances sur le terrain, enquêtes auprès des artisans, recherches dans les archives, il conclut : « Je vois que l’Ardenne est un champ inexploré et pratiquement exploitable du point de vue populiste ». Ses quinze romans lui valent de nombreux prix : prix du Roman Populiste, prix Eugène Le Roy, prix Sully-Olivier de Serres.
Durant la Deuxième Guerre mondiale, il est arrêté par la Gestapo sur dénonciation pour son engagement politique lors du Front populaire et détenu du 29 juillet au 12 août 1944 à la prison de la place Carnot à Charleville (Ardennes).
Membre de l’Académie des Provinces françaises, il y occupe le siège de l’Ardenne. Il est également membre de l’Ardenne à Paris. Parallèlement il collabore régulièrement à de nombreux journaux : le Journal des Instituteurs, L’Ardennais, La Grive, L’Automobilisme Ardennais, etc. En 1954, son engagement politique lui vaut d’être invité par l’association France-URSS à participer à un voyage en Union Soviétique dont il rapporte le récit De Paris à Samarcande.
En 1956, il est fait Chevalier de la Légion d’honneur. Il décède à Nouzonville le 11 septembre 1961 où il repose.

Le fonds provient d’un don de Marie Rogissart, épouse de l’écrivain en 1965. Le fonds s’est ensuite enrichi à plusieurs reprises. Il occupe matériellement 4,40 mètres linéaires et est conservé en sous-série 19J.
Le fonds est représentatif de l’ensemble des activités de Jean Rogissart et particulièrement de son œuvre littéraire. Il contient des poèmes, des contes mais surtout les différentes versions manuscrites de ses romans (collections des « Rustiques » et des « Mamert ») accompagnés de carnets de notes personnelles (notamment sur le patois ardennais) ou de références documentaires utilisées pour la rédaction de ses romans. Enfin, le fonds se complète d’un ensemble important d’ouvrages manuscrits reçus lorsque Jean Rogissart tenait la chronique littéraire de la revue La Grive.
Il est à signaler les articles 4J 23-24 du fonds Jean-Paul Vaillant qui concernent Jean Rogissart (coupures de presse, photographies, correspondance).

Archives départementales. Charleville-Mézières, Ardennes 19e-20e siècle
Narratif, Poésie
Jeanne Mélin, femme de lettres pacifiste et féministe

Jeanne Philomène Mélin est née en septembre 1877 à Carignan (Ardennes) dans un milieu relativement aisé. Son père, de convictions anticléricales, républicaines, et dreyfusardes dirige la briqueterie familiale. Il a également une approche sociale de l’entreprise, inspirée par Jean-Baptiste André Godin. Durant la guerre de 1870, la maison familiale devint une infirmerie provisoire. Cela marque ses occupants et Jeanne Mélin en entend beaucoup parler.
Cette dernière milite toute sa vie dans les mouvements féministes et pacifistes français et internationaux, tels que « La ligue de la Paix et du Désarmement par les Femmes » et « La Paix par le Droit ». Elle crée en 1912 la section ardennaise de l’Union française pour le suffrage des femmes et en 1931 le « Cercle Pax Orient-Occident ».
Dans un climat de revanche sur l’Allemagne, elle anime des conférences pour la paix, devant des publics essentiellement masculins, dans différentes communes ardennaises : Carignan, Sedan, Rethel, Vrigne-aux-Bois, Donchery. Dans les mêmes années, elle adhère à la SFIO, à la Ligue des droits de l’homme, au comité espérantiste de Sedan, à l’Union pour le suffrage des femmes (UFSF). Pour elle, les femmes sont naturellement pacifistes, ainsi leur reconnaître le droit de vote apporterait une politique plus humaine.
Elle fuit en août 1914 avec ses parents à Dun-sur-Auron (Cher) et y travaille comme bénévole à l’hôpital militaire. En mai 1916, elle crée à Paris une cuisine coopérative des réfugiés qui sert chaque jour des centaines de familles. Elle aimerait également qu’ils bénéficient d’une allocation au logement.
En 1917, elle fonde un Comité d’action suffragiste (CAS) pour l’obtention du droit de vote pour les Françaises dans toutes les élections (droit concédé en 1944). Elle présentera d’ailleurs sa candidature à la présidence de la République française, en 1946, pour l’élection de 1947. C’est alors la première femme à le faire.
La guerre terminée elle prône pour un rapprochement franco-allemand et effectue une tournée de conférences dans les pays scandinaves contre l’occupation française de la Ruhr.
En 1926, elle se consacre à son activité littéraire et reste auprès de sa mère gravement malade, qui décèdera en 1927. Elle est marquée par son divorce en 1934 et le suicide de son frère aîné. Elle se consacre ensuite plus particulièrement à la bibliothèque féministe de Marie-Louise Bouglé.
Durant la Seconde Guerre mondiale, elle se réfugie à Enghien-les-Bains (Val d’Oise) et assiste aux bombardements et à l’invasion allemande. Aveuglée par ses convictions pacifistes, elle accueille favorablement l’entrevue de Montoire et se montre favorable à la collaboration dans ses écrits personnels mais n’en fait pas état publiquement.
Toujours dans un souci pacifiste, en 1959, elle se prononce en faveur du contrôle des naissances et rejoint ainsi l’action d’une nouvelle génération de féministes qui, en 1956, crée le mouvement Maternité heureuse (qui deviendra le planning familial). Elle est cependant complètement marginalisée au sein du mouvement féministe et ne s’intègre pas aux quelques nouveaux groupes militants. Pendant la guerre froide, elle est membre du Mouvement de la Paix et de l’appel de Stockholm, se prononce en faveur de la décolonisation, mais sans militer publiquement, écrivant en revanche beaucoup dans son journal intime. En 1955, à 78 ans, elle revient habiter sa commune natale de Carignan, dans les Ardennes. Le traité de rapprochement franco-allemand de 1963 est pour elle une nouvelle satisfaction, et la concrétisation d’une idée qu’elle avait fortement défendue dans l’entre-deux-guerres. S’éloignant de son anticléricalisme de jeunesse, elle soutient à la fin de sa vie le concile de Vatican II. Elle meurt le 18 avril 1964 à l’hôpital de Sedan (Ardennes).

C’est Jeanne Mélin elle-même qui fit don de ses documents en 1961 et en 1964
Ce fonds (conservé en sous-série 15J) occupe 1,65 mètre linéaire. Il est constitué tout d’abord des archives personnelles et familiales de Jeanne Mélin : manuscrits de ses mémoires, cahiers de poésies lorsqu’elle est au pensionnat Sainte Chrétienne de Carignan, photographies, journaux intimes… Ces archives sont complétées de documents relatifs à son œuvre poétique et romanesque (manuscrits, tapuscrits, correspondance, suivi des ventes…), à ses activités pacifistes et féministes et à ses liens avec diverses associations (programmes de congrès, cartes de membre, compte-rendu de conférences). Le fonds comprend enfin de la documentation : coupures de journaux, brochures sur Carignan, photographies….

Archives départementales. Charleville-Mézières, Ardennes 19e-20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
Marie-Louise Gillet, poétesse et chroniqueuse de la vie ouvrière

Marie-Louise Gillet (née Robert) voit le jour le 20 août 1916 à Plancher-les-Mines (Haute-Saône). Sa jeunesse est fortement influencée par la Jeunesse Ouvrière Catholique Féminine (JOCF). Après sa scolarité, elle devient ouvrière dans une bonneterie (1930-1939) et épouse en janvier 1939 Arthur Gillet, ajusteur-outilleur. Le couple arrive dans les Ardennes en 1948, ils habitent d’abord à Charleville puis font construire une maison en 1954 à La Grandville où ils résideront jusqu’en 1972. Son mari travaille à l’usine du Pâquis, à La Grandville (à partir de 1954). Ils connaîtront la douleur de perdre 3 de leurs 6 enfants. Marie-Louise exerce plusieurs métiers : employée à l’Union Populaire d’Action Familiale, secrétaire à l’union départementale des Associations Familiales, bibliothécaire à Social Ardenne (service social inter-entreprises).
Marie-Louise Gillet a gardé de ses études le goût de l’écriture : elle se met donc naturellement à écrire comme pigiste sous différents noms dans Le Pèlerin (Odile-Marie, de 1956 à 1966), Chez nous (Albert, de 1966 à 1975, Mariette de 1966 à 1969), La Croix (Thérèse-Henri, de 1964 à 1977) et La Croix du dimanche (Marie Louise, de 1966 à 1970). Ses quelques 1 500 articles expriment sa foi, ses racines et sa grande expérience de la vie et de la condition ouvrière (précarité, acharnement à s’en sortir et à donner le meilleur à ses enfants, solidarité, fraternité…).

Elle écrit également des poèmes regroupés dans deux livrets : Au fil de l’eau… au fil des heures (sans date) et Le vent des sentiers (1972). Plusieurs thèmes ressortent de ces poèmes : l’amour, la mort, le temps qui passe, la foi, la vie ouvrière, les mois et les saisons, certains sont dédiés à ses enfants et petits-enfants.
Camille Lecrique et Théophile Malicet l’encouragent à continuer ; elle remporte d’ailleurs quelques prix et entre à la Société des écrivains ardennais. Marie-Louise Gillet écrit malgré un quotidien chargé (contraintes du travail à l’usine de son mari, tâches ménagères, enfants…) de « femme sans métier mais aux cents métiers », comme l’a joliment et justement écrit Jacques Théret. Elle avait l’ambition de changer la vie des ouvriers et des femmes. La qualité de ses écrits est saluée notamment par Camille Lecrique, poète ardennais, et Théophile Malicet, écrivain prolétarien.
Elle s’investit également dans des associations familiales et dans L’Union ardennaise des comités de consommateurs ainsi que dans L’Union régionale des consommateurs de Champagne-Ardenne dont elle est la fondatrice. Marie-Louise Gillet décède le 7 août 1996.

Ces documents ont été donnés aux Archives départementales le 26 février 2020 par Marie-Cécile Chenu. Le fonds est composé d’une seule boîte (150J) mais son contenu nous permet de découvrir une femme aux multiples facettes. Tout d’abord, plus de 1500 articles sont conservés, rendant possible l’étude exhaustive de ce témoignage de la condition ouvrière, de l’impact de la Jeunesse ouvrière catholique sur Marie-Louise Gillet et de son ambition de changer la vie des travailleurs et des femmes. La présence de la quasi-totalité de ses poèmes et d’une petite correspondance permettra de (re)découvrir la qualité de son œuvre poétique, saluée notamment par Camille Lecrique et Théophile Malicet, dont la lettre d’encouragement est conservée. Enfin, les 31 poèmes inédits qui figurent dans ce fonds achèvent d’en faire un sujet d’étude très intéressant.

Archives départementales. Charleville-Mézières, Ardennes 20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
Germaine Maillet et le Comité du Folklore Champenois

Il est des naissances qui tracent un destin. Le château de Sarry servait de résidence aux comtes-évêque de Châlons pendant tout l’Ancien Régime. Et c’est dans les vestiges de ce monument que voit le jour Germaine Maillet. Issue d’une modeste famille de cultivateurs, la jeune fille se passionne pour l’histoire et achève en 1924 un mémoire sur la vie rurale dans la Champagne médiévale qui sera publié quelques décennies plus tard. Elle se pique également de littérature : dans sa toute première œuvre, son Almanach publié en 1926, elle adapte un genre traditionnel en mettant sa connaissance de la vie rurale – encore – au service d’une plume poétique.

Enseignante d’histoire au cours Dupanloup, un lycée privé parisien, elle participe en 1929 à la création du Comité du folklore champenois. Secrétaire de l’association, elle joue un rôle majeur dans la conception et la publication d’enquêtes minutieuses sur les traditions locales. A la pointe de la recherche en ethnographie, le Comité est représenté dans les rencontres internationales et reçoit des publications de l’Europe entière.

En 1940, Germaine Maillet rentre à Sarry pour vivre avec sa mère l’épreuve de la guerre et de l’Occupation. Elle s’investit dans le Comité d’entraide aux paysans combattants, puis dans la Famille du prisonnier de guerre. De 1945 à sa retraite elle travaille à Châlons à la Direction départementale de la Reconstruction, mettant à profit sa connaissance de l’histoire et la géographie châlonnaises.

Son travail d’historienne est marqué par une dizaine de monographies, la plupart publiées par le Comité du Folklore Champenois. Elle est aussi l’auteur de guides touristiques et de centaines d’articles, contributions à des revues savantes ou papiers de vulgarisation dans les journaux châlonnais ; sans oublier ses œuvres poétiques et littéraires.

Travaillant sans relâche malgré des problèmes de vue, elle assure presque seule la publication du Bulletin du Comité du Folklore Champenois jusqu’à sa mort en 1991. Elle est décorée des Palmes académiques dans les locaux de la bibliothèque municipale de Châlons, qui hébergeait déjà les archives du Comité. Germaine Maillet est enterrée dans sa ville natale de Sarry, et une allée du Grand Jard à Châlons porte son nom. Le Grand Jard, vestige de l’allée boisée unissant Châlons au château de Sarry…

Le fonds Germaine Maillet se compose de trois ensembles : la bibliothèque personnelle de Germaine Maillet, ses archives et manuscrits, et les archives et la documentation du Comité du Folklore Champenois.

Germaine Maillet a rassemblé dans sa bibliothèque personnelle plus de 2700 ouvrages et brochures sur la Champagne, l’art, l’histoire, le folklore, les contes… Les livres pour la jeunesse de cette collection ont fait l’objet dès 1996 de l’exposition Livres d’enfants, livres d’antan. Les ouvrages portant sur le folklore concernent l’Europe entière et de multiples langues sont présentes : anglais, italien, allemand, mais aussi roumain et hongrois. Il en est de même pour les revues d’ethnographie figurant dans la documentation du Comité du Folklore Champenois. Celles-ci représentent 20 mètres linéaires en cours de catalogage.

Les archives du Comité du Folklore Champenois représentent quant à elles 2 mètres linéaires, non encore catalogués. Le principal intérêt de ce fonds réside dans les dossiers Guillemot donnés au Comité du Folklore Champenois peu après sa création. On y trouve aussi la documentation sur les enquêtes menées par le Comité et les archives de la rédaction du Bulletin.

On constate sans surprise une certaine porosité entre les archives du Comité et celles de Germaine Maillet. Ses manuscrits, sa correspondance, sa documentation, ses archives personnelles occupent 20 mètres linéaires en cours d’inventaire et de classement en octobre 2023. Une partie de l’œuvre imprimé de Germaine Maillet s’y trouve également sous forme de fascicules de revues, journaux et coupures de presse.

Les écrits de Germaine Maillet constituent un outil important pour la connaissance de la Champagne, et particulièrement de Châlons. Dans ce domaine, son apport est incontestable. Quand elle cherche à sortir de la Champagne, elle fait appel à la littérature et au folklore pour comprendre la société médiévale. Sa démarche atypique la coupe des éditeurs classiques et la contraint à publier dans les collections du Comité du Folklore Champenois. Sa correspondance avec des historiens de renom, comme Ferdinand Lot, atteste la va valeur de ses travaux.

Les archives de Germaine Maillet conservent également des originaux ou transcriptions des réponses aux enquêtes folkloriques du Comité. Plus complets que les synthèses et analyses publiées dans le Bulletin, ces écrits, laconiques ou élaborés, sont peut-être le cœur de cette collection. Ils constituent une source irremplaçable sur les traditions champenoises.

Bibliothèque municipale à vocation régionale. Châlons-en-Champagne, Marne 20e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie
Archives Claus Reinbolt : Hochdeutsch et Hochdialekt à Strasbourg au 20e siècle

Claus Reinbolt est né à Strasbourg (Bas-Rhin) en 1901, et mort dans cette même ville en 1963. Il publie dès l’âge de 19 ans sa première œuvre allemande, en 1919. Son genre de prédilection est le théâtre, et sa langue de création est l’allemand, et parfois le dialecte alsacien. Son périmètre thématique est l’histoire, celle que les grands bouleversements orientent bien souvent vers la tragédie. Néanmoins ses choix de style ont plus d’une fois surpris : soit il versifie soigneusement suivant des mètres rigoureux, soit il quitte la règle pour adopter une manière expressionniste, atteignant l’hermétisme et frisant le surréalisme. Un temps passé au Nigeria (1925-1927) suscite un intermède consacré à des récits coloniaux, roman et nouvelles. Également musicien, il écrit sur l’orgue et connaît Albert Schweitzer. Son œuvre est jouée à Strasbourg, à Dresde exceptionnellement, mais surtout sur les ondes de la radio alsacienne. Il écrit ses mémoires, ses souvenirs, et tente d’adapter en alsacien des pièces de Molière. Claus Reinbolt a écrit ses œuvres en allemand, qui est sa langue de naissance et de création. Il a ensuite traduit ces œuvres en dialecte pour les diffuser par la radiophonie ou les proposer au Théâtre alsacien de Strasbourg. Son dialecte a été appelé « Hochdialekt » par un critique, ce qui représente une particularité notoire, et qui tranche avec la veine souvent très marquée par l’expressivité des textes en dialecte alsacien.

L’auteur lui-même a donné en 1954 les manuscrits originaux de ses œuvres de l’époque, mais l’essentiel des documents qui forment le fonds Claus Reinbolt (correspondance reçue et journal) a été donné par Mme Marguerite Thomas, dans les années 1980 et 1990. Ces archives sont relativement dispersées dans les manuscrits de la Bnu, en raison de l’apport en plusieurs fois et des achats ultérieurs ou antérieurs de pièce qui s’y rapportent. D’autres documents sont arrivés à la Bnu par le legs d’Auguste Wackenheim en 2016. Ils ne sont donc pas regroupés sous une même série de cotes et la recherche dans Calames ou dans le catalogue de la bibliothèque doit se faire par le nom et prénom de l’auteur. L’inscription de l’auteur dans le milieu littéraire strasbourgeois fait que des manuscrits et courriers se trouvent souvent à l’intérieur de fonds d’autres personnalités de ce même milieu, comme Raymond Buchert ou Henri Solveen.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 20e siècle
Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie, Théâtre
Un précipité d’expression poétique : le fonds Jean-Paul de Dadelsen

Jean-Paul de Dadelsen est né à Strasbourg, alors dans l’Empire allemand, en 1913, dans une famille d’origine suisse, allemande et alsacienne. Son enfance est itinérante entre plusieurs endroits de la région mais avant même son baccalauréat il a fait la connaissance de plusieurs poètes et littérateurs du terroir comme Nathan Katz et Guillevic. 
Agrégé d’allemand il exerce à Marseille et traduit de l’allemand au français plusieurs auteurs. La Seconde Guerre mondiale le voit employé comme soldat et comme traducteur, et il se retrouve à Oran où il côtoie Albert Camus. A Londres à partir de 1942 il s’engage dans les Forces Françaises Libres. Après 1945 il travaille au sein du Ministère de l’Information et collabore au journal Combat. De retour à Londres il travaille pour la BBC et pour le journal Franc-Tireur. 
A partir de 1951 il travaille à Genève au Centre Européen de la Culture, dirigé par Denis de Rougemont. Après quelques mois passés à Londres comme correspondant du nouveau journal Le temps de Paris en 1956, il accepte en automne un poste à “International Press Institute” de Zurich. Juste avant d’y remplacer le directeur, Jim Rose, il meurt le 22 juin 1957. Il n’a que peu publié de son vivant, et seulement dans des revues diverses. La publication posthume de Jonas par Gallimard a été dirigée par Albert Camus. Après la disparition de Camus, c’est François Duchêne qui prit sa relève pour trier ses manuscrits. Les parutions sont donc l’œuvre de son épouse et de ses filles aidées par des personnalités littéraires qui en ont reconnu la qualité exceptionnelle. Il est actuellement considéré comme un des plus grands poètes alsaciens d’expression française.

Les œuvres de l’écrivain occupent la première place dans le plan de classement du fonds à la Bnu. Elles sont organisées de cette façon : l’œuvre poétique vient en première place et couvre toute la vie de l’auteur, de 1921 à 1957. C’est le plus souvent dans des classeurs que les manuscrits étaient conservés, classeurs dont l’organisation a été maintenue dans le nouveau dispositif de conservation. Certaines sections sont restées inédites. 
En second lieu viennent les œuvres en prose, des premières esquisses écrites à partir de 1931 aux romans et aux nouvelles, pour passer enfin aux œuvres destinées à une diffusion radiophonique et aux essais. Souvent accompagnées de traductions en anglais, ce sont des manuscrits autographes, des dactylographies, originales, en photocopies ou en copies au carbone.  
Viennent ensuite des traductions et des carnets de diverses natures, contenant toutes sortes d’écrits, de fragments ou de notes dans les trois langues qu’il maîtrisait et utilisait. Ces carnets vont de 1939 à sa mort en 1957. 
La correspondance représente la quatrième partie du fonds, et va de 1928 à 1957, concerne autant des personnes célèbres comme Albert Camus ou Marguerite Yourcenar, que des amitiés moins connues mais non moins inspirantes parfois. Et le fonds se complète par une documentation sur la biographie de l’auteur, des pièces relatives à son action durant la Seconde Guerre mondiale, et surtout sur la réception de son œuvre, tant en critique littéraire qu’en mise en musique. Le fonds a suscité en 2021 le don d’une autre correspondance restée chez son destinataire en Alsace. Ce riche ensemble représente la totalité des archives de ce poète. Cependant le fonds Nathan Katz de la Bnu est complémentaire à ces archives étant donnés les liens qu’entretenaient les deux auteurs.
Ce fonds a été donné à la Bnu par Alice et Anne de Dadelsen, filles du poète, en 2015.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 20e siècle
Epistolaire-correspondance, Poésie, Traduction
Un journaliste au Canard enchaîné nous parle de son vécu d’Alsacien : fonds Jean Egen

Jean Egen, de son vrai nom Jean Egensperger, né à Lautenbach (Haut-Rhin) en 1920 et mort à Paris en 1995, est un des ambassadeurs de l’Alsace pour le public français de la fin du 20e siècle. Journaliste avant tout, au Canard enchaîné, au Monde, au Monde diplomatique, il tient aussi à faire connaître les réalités non fantasmées de l’Alsace à nos concitoyens parfois assez peu au fait de ces choses. On a parfois écrit qu’il avait su « parler alsacien en français » et à destination des lecteurs « de l’intérieur ». Sa production s’ancre dans le vécu des familles, et tient à garder vivante une verve, et un peu d’humour aussi, pour maintenir le lien de connivence avec le lecteur. Ses relations avec des personnalités alsaciennes comme Germain Muller ou Alfred Kastler le situent dans cette génération d’après-guerre, qui a pu souffrir, malgré des talents certains ou leur bonne insertion dans la société française, d’incompréhension dès qu’ils s’affichaient en tant qu’Alsaciens en profondeur. Il leur a fallu s’expliquer, se justifier, pour être mieux compris et acceptés. Lui l’a fait en écrivant ce roman qui connut un certain succès, et qui a été traduit en allemand : Les Tilleuls de Lautenbach.

Les archives présentes à la Bnu sont composées de :
-courriers divers en rapport avec les publications, ou de caractère privé,
-documents relatifs à la biographie de l’auteur, textes et informations administratives et autobiographiques
-documents relatifs à son activité de journaliste
-courriers et documents sur diverses thématiques : Saint François d’Assise, relations avec des personnalités alsaciennes, sur les rencontres littéraires, les séances de dédicaces ou les prix littéraires
-Documents sur ses relations avec les éditeurs ou la presse
-Les tapuscrits de deux grands romans : Les Tilleuls de Lautenbach, Le Mendiant merveilleux et Le Piéton de Strasbourg
-Une étude universitaire sur son œuvre
L’ensemble est réparti en 20 dossiers. Les éléments de ce fonds ont été donnés à la Bnu par Mme Paule Egen, à partir de 1998.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 20e siècle
Argumentatif, Narratif
Erckmann-Chatrian, les romanciers des Marches de l’Est

Né à Phalsbourg (Moselle) en 1822, mort à Lunéville (Meurthe-et-Moselle) en 1899, Emile Erckmann réside essentiellement à Paris où, associé avec Alexandre Chatrian, il écrit entre 1849 et 1895, ou ils écrivent à quatre mains jusqu’en 1890, romans, pièces de théâtre et contes. Ils participent également à la vie politique mouvementée de la seconde moitié du 19e siècle et publient des feuilletons dans des journaux et des revues. La plupart de ces romans ont pour cadre les frontières de l’Est, les marches, du côté de l’Allemagne, les Vosges et l’Alsace. Après 1870, il incarne l’Alsacien-Lorrain de Paris, qui ressasse une vision idéalisée des populations en proie aux folies destructrices des puissants, quels qu’ils soient. Vers la fin de sa vie, la nostalgie ou le mal du pays le pousse à venir s’installer à Saint-Dié (Vosges), puis à Toul (Meurthe-et-Moselle), avant qu’il franchisse la frontière du Reichsland et vienne s’installer à Phalsbourg, en terre conquise. Il meurt cependant à Lunéville où il avait fini par se replier. Emile Erckmann, avec ou sans Chatrian, appartient à tout un imaginaire patriotique qui a réussi à intégrer le petit monde des frontières de l’Est dans la vaste histoire de France, tout en portant un regard sympathique sur les altérités voisines, sur les douces nuances et transitions, bien observables dans ces zones de contact.

C’est en 1947 que le Professeur Henri Weiss a fait don des papiers d’Emile Erckmann. Ce fonds couvre la vie entière du romancier, sa famille, ses œuvres et bien entendu ses relations avec Alexandre Chatrian (1826-1890). Ces 57 dossiers (cotes de MS.4.993 à MS.5.049) contiennent de nombreuses lettres d’Erckmann aux membres de sa famille, des pièces concernant ses affaires financières et foncières ou des objets familiers comme un portefeuille qui ne le quittait jamais. On y trouve aussi des manuscrits d’œuvres, écrits avant comme après sa rupture avec Chatrian et qui reflètent les diverses phases de son inspiration. Enfin, des documents qui illustrent leur désunion progressive jusqu’au procès qu’Erckmann intenta en 1890 contre Le Figaro, qui avait publié un article diffamatoire du secrétaire de Chatrian, donnent une idée de la richesse et de l’intérêt du fonds pour la connaissance intime de ce binôme d’auteurs. Ce fonds de papiers d’auteurs se double d’une collection très riche d’éditions des œuvres d’Erckmann-Chatrian, accessible à la Bnu dans sa totalité et dans des éditions rares et choisies. Le fonds des Alsatiques s’est approprié ce double auteur, même si ses origines étaient lorraines, car ils représentent pour bien des lecteurs ce qu’est l’Alsace, ce que sont en tout cas ces « marches de l’Est » par une grande partie de leur production.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 19e siècle
Narratif, Théâtre
Le fonds Wolfgang von Goethe de la Bnu de Strasbourg

On ne présente pas Goethe (1749-1832), le grand écrivain qui occupe une place telle que l’expression « la langue de Goethe » est parfois utilisée pour désigner l’allemand. Il joue dans l’histoire des lettres européennes un rôle majeur que nul ne peut ignorer. Ses Faust, son Werther, son Divan occidental-oriental et ses Affinités électives, ses romans d’apprentissage ont marqué leur époque et restent des points de repère essentiels. Goethe né à Francfort-sur-le-Main et mort à Weimar, a aussi marqué l’Alsace par son court séjour d’à peine plus d’un an à Strasbourg, en tant que jeune étudiant au début de sa vingtaine, en 1770-1771 (visite virtuelle de l’exposition « Goethe à Strasbourg, l’éveil d’un génie », Musées de la Ville de Strasbourg)
C’est en l’honneur de cette période de sa vie, courte mais profondément formatrice, qu’un fonds Goethe a été constitué à la Bnu. Réunir des pièces originales n’a pas été une mince affaire vue la renommée immense de l’auteur, et pourtant cela a pu se faire à l’occasion de certaines ventes, comme celle de la famille von Stein-Kochberg. Mais un autre volet peut sembler plus sombre : celui de l’instrumentalisation par l’Allemagne conquérante de la personne de l’écrivain dans le cadre de l’effort de germanisation de l’Alsace, au moment de l’annexion de 1940 à 1944. Le projet d’une Maison Goethe (Goethe-Haus) a permis d’autres entrées dans ce fonds. Celle-ci n’a jamais ouvert ses portes.
Aujourd’hui, ces souvenirs de Goethe font partie des trésors les plus insignes des collections de la Bnu, et sont proposés au complet sous la forme numérique dans la bibliothèque électronique Numistral. Chacun peut y exercer ses yeux au déchiffrage de l’écriture cursive de l’auteur, ou y voir de touchants souvenirs liés à sa vie intellectuelle et à ses voyages ou encore à ses jeunes amours.
Le souvenir de Goethe est entretenu en Alsace et dans le Grand Est par la Société Goethe de France et plusieurs lieux se souviennent de son passage.

Le fonds Goethe de la Bnu n’est pas d’un seul tenant et ses limites sont floues. D’innombrables éditions imprimées de ses œuvres et études remplissent les collections d’excellence germanistiques de la Bnu, et parmi elles de véritables trésors bibliophiliques. Mais il est question ici des manuscrits et archives. Ensemble de dix dossiers ou manuscrits d’œuvres, ce fonds couvre à peu près ce qui préoccupait Goethe à l’époque de son passage à Strasbourg. Trois œuvres en particulier, directement en lien avec cette ville et cette région : le journal de sa vie d’alors : les Ephemerides ; les « chansons populaires recueillies en Alsace » ; la tragédie esquissée dans ces années ’70 du 18e siècle : Prometheus. Sa passion juvénile pour Frédérique Brion, jeune fille de Sessenheim, trouve sa place également sous la forme d’un brouillon de lettre. D’autres éléments goethéens, comme des témoignages de sa relation avec Lili de Turckheim qui deviendra une Alsacienne plus tard par son mariage, se sont ajoutés à ce fonds. Mais d’autres éléments comme des correspondances diverses sans rapports avec la région sont également conservés à la Bnu et continuent à y attirer les érudits, comme celles écrites par sa légitime épouse, Christiane Vulpius. On y trouvera aussi ces souvenirs à charge de reliques : des mèches de cheveux, dûment expertisées et certifiées véritables, ou un dessin original d’un chemin de la belle Italie qui incite au voyage.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg 18e-19e siècle
Argumentatif, Epistolaire-correspondance, Narratif, Poésie, Théâtre